Jeanne Added - Carré Sévigné (Rennes)

le 29/11/2018

Grand écart pour Jeanne Added au Carré Sévigné (Rennes)

Aux deux tiers du concert, peu avant d’entamer A War Is Coming, Jeanne Added souhaite dédicacer le prochain morceau aux Transmusicales, festival durant lequel elle s’est révélée – après une résidence de près de dix jours pour finaliser son show – il y a déjà quatre ans. Alors que la quarantième édition du festival s’ouvrira dans une semaine, la Rémoise était en banlieue rennaise, au Carré Sévigné, dans un cocon entièrement acquis à sa cause...

... qu’elle ne ménagera pas pour autant, imprimant rapidement une tension rappelant le Archive de Lights sur Radiate pour clore – avant le rappel – sur un Before The Sun qui aura rarement vu une artiste française autant se rapprocher de l’univers sombre de Dälek.

Un grand écart ? Certes, mais Jeanne Added élargit encore le spectre de ses influences, s’acoquinant volontiers avec des sonorités plus avenantes synthétisées par deux musiciennes aux claviers à tel point que sur Mutate, le lyrisme dont fait preuve la Française sur le plan vocal n’est pas sans rappeler celui de Robyn, les instrumentations plus lourdes et le jeu musclé du batteur se chargeant de contrebalancer la tension.

Appliquée, Jeanne Added n’en est pas moins détendue, à tel point qu’elle est prise d’un fou rire – dont elle se débarrassera néanmoins bon an mal an – au cours d’un morceau qui ne figure pas nécessairement parmi ses plus joyeux.

Après une courte disparition durant laquelle elle ne laissera même pas le temps au public de s’impatienter, l’artiste revient seule avec une basse qu’elle avait jusqu’alors peu utilisée (à l’occasion de l’inévitable A War Is Coming et sur un autre titre) pour deux solos qu’elle poursuit avec une reprise du We’re Gonna Rise des Breeders. Celle-ci réchauffe un public qui assurera volontiers les chœurs sur un Suddenly final auquel cet unisson confère un caractère optimiste contrastant avec la noirceur ambiante.

En somme, lors de ce concert comme plus généralement avec Jeanne Added, il est surtout question de tension. Les sons synthétiques plus dansants qui apparaissent ici et là ne sont qu’une façade, un masque destiné à couvrir les fêlures du passé. Mais plutôt que d’accorder trop de considération à ces cicatrices, la Française choisit de les transcender en musique.

Finalement, dans un pareil monde, le fait que Jeanne Added ait trouvé un public aussi large ressemble à une anomalie. Il ne fallait pas que les cercles indé, jamais avares d’une occasion pour snobiner, se détournent de son univers pour ce seul prétexte.


( Elnorton )

 


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