The Wilful Boys - Life Lessons

La vie n’est pas une sinécure. Les douze Life Lessons de The Wilful Boys le rappellent avec force.

1. Head Check
2. Fully Pickled
3. Bad Guy
4. Der Brain
5. No Hat No Play
6. Both Ends
7. Back In The Game
8. Management
9. Summer’s Over
10. I Restart
11. Waiting
12. Wet Day Program

date de sortie : 08-11-2019 Label : Homeless Records

Life Lessons  ? Au moins, on sait à quoi s’attendre. La vie, selon les Wilful Boys, c’est moche, ça pue et la finesse, on s’en fout. D’où cet album en mode rouleau compresseur qui écrase tout, consciencieusement, en balançant ses giclées corrosives partout. Punk à tous les étages, éclats métalliques dans les interstices, grosse vibration hardcore tout du long, c’est un joli pavé dans la gueule qui ne concède aucune minute de répit.
En même temps, étant donnée leur configuration, difficile de s’attendre à autre chose. The Wilful Boys vient peut-être de New-York mais son "leader" est australien. Il est derrière la batterie mais il chante/éructe aussi. Devant lui, on trouve deux guitares barbelées et gémellaires (Johnny Provenzano et Nick Isles) agrafées à une basse-enclume (Eric Lau, déjà croisé chez Child Abuse mais aux claviers) et tout ce petit monde met sur pied des bombinettes rugueuses qui amalgament à la truelle quelque chose comme l’urgence furieuse de Bad Breeding et l’exécution plombée des Cosmic Psychos. C’est dire si c’est abrasif. Et jubilatoire surtout.
Oui, parce que tout ça a beau être tangentiellement moche, rares sont les moments où les poils ne se retrouvent pas au garde-à-vous le long de l’épiderme. Les Wilful Boys ne s’embarrassent jamais de bifurcations et digressions inutiles : pulvérisation systématique de tout ce qui peut faire obstacle entre leurs doigts et nos tripes et donc, plaisir maximum. Et cette façon de donner du souffle à la rugosité, de la rendre tellement implacable, de la faire déborder tout en la maintenant dans le cadre. C’est féroce tout le temps même quand ça lève (très) légèrement le pied (le dangereux et merveilleux Bad Guy par exemple) et tout est généralement dit en trois minutes, souvent moins, rarement plus. Du coup on passe de bourre-pifs en uppercuts sans forcément s’en rendre compte et la fin arrive presque par surprise, bien trop vite en tout cas. De ci-de là quelques soli de guitares aussi courts qu’efficaces, la basse qui laboure, la batterie qui fracasse et à la fin, un champ de ruines. Sans doute sont-ce là les fameuses leçons de vie promises par le titre : pas de quartier et droit dans le mur.

Life Lessons est ainsi dans l’exacte lignée du précédent, le déjà très excellent Rough As Guts (2016) même si on compte un changement de bassiste dans l’intervalle. On y retrouve les chœurs de viande saoule, l’efficacité maximum et aussi, ce qui est assez nouveau, quelques titres où Wilful Boys oublie d’appuyer sur l’accélérateur pour goûter aux joies de la conduite sur terrain mouvant : le très chouette Both Ends voit par exemple le groupe explorer la répétition pour un résultat tout à la fois déviant et impeccable.
Partout ailleurs, c’est droit devant et le plus vite possible : Head Check en ouverture, le très hardcore Der Brain, Summer’s Over plus loin, le formidable et dégueulasse Waiting et plein d’autres morceaux où ne subsiste que la guerre : du riff evil en veux-tu, en voilà, les deux guitares qui se complètent merveilleusement, la voix qui transmet son coffre à tout ce qui l’entoure, des mélodies simples que le groupe prend plaisir à saccager et l’urgence. C’est bien ça la grande affaire des Wilful Boys : chaque note donne l’impression d’être balancée comme si elle était la dernière et cela confère un aspect définitif aux morceaux, comme si le groupe à la fin de chacun d’eux allait avoir du mal à se relever. Pourtant, c’est bien ce qu’il fait, douze occurrences durant et on le sent passer.
Trouvant parfaitement sa place sur le puriste Australien Homeless Records (qui a un temps réfréné ses sorties mais qu’on est bien content de retrouver en grande forme) aux côtés d’un Cuntz par exemple, Life Lessons est bien parti pour labourer la platine un bout de temps. C’est que sous le vernis crade, il y a pas mal à explorer et surtout un fort goût de revenez-y qui ne quitte plus la bouche une fois que l’on a croqué le disque à pleines dents (enfin, les quelques-unes qui restent encore inexplicablement ancrées dans les gencives après les premières écoutes).

Incontournable.


Chroniques - 08.12.2019 par leoluce