Le streaming du jour #1054 : Christopher Tignor - ’Thunder Lay Down In The Heart’ & Glenn Kotche - ’Adventureland’

Aujourd’hui, deux visions aventureuses, ludiques et angoissées du classique contemporain par des Américains trop à l’étroit dans leurs frusques indie rock.

Après les coutumiers du fait Bryce Dessner ou Sufjan Stevens, c’est donc au tour de Christopher Tignor, tête pensante des excellents Slow Six et Wires Under Tension, et du batteur Glenn Kotche de Wilco de briller loin des canons de la musique populaire. Pour le premier ça n’est pas vraiment une surprise, lui que l’on connaissait virtuose du violon à la façon d’un William Ryan Fritch dont l’univers a plus d’un point commun avec le post-rock élégiaque mâtiné d’électronique des sus-nommés Wires Under Tension.

Passionné de minimalisme post-classique et même assistant pour LaMonte Young dans les années 90, le New-Yorkais également créateur de softwares de traitement du son grâce à son background d’ingénieur en informatique tire le meilleur de ces diverses influences sur Thunder Lay Down In The Heart, épaulé par l’ensemble bostonien A Far Cry dont les cordes flirtent parfois avec les thrénodies délétères et désespérées du compositeur Howard Shore à l’époque de ses scores majeurs pour Cronenberg.

A la croisée du lyrisme minimal de Philip Glass, des textures électroniques pulsées d’un Cliff Martinez et d’une dynamique post-rock qui reprend le dessus au gré des fervents crescendos de la suite Thunder Lay Down In The Heart, Tignor laisse libre cours sur les deux pièces suivantes (qui en sont en fait les remixes) à son goût pour une poésie synthétique luxuriante, animée d’un souffle cinématographique sur le démesuré The Listening Machines ou d’un courant stratosphérique avec l’éthéré To Draw A Perfect Circle.

Parti d’une lecture par l’auteur lui-même du poème A Boy de John Ashbery enregistrée à son domicile new-yorkais et dont un vers donne son titre à l’album, l’œuvre se termine au chevet d’un autre invité sur un ultime remaniement, à quatre mains cette fois, de son triptyque central. Superbement épuré, First, Impressions déverse pleinement la passion vénéneuse et crépusculaire des cordes avec l’aide de Rachel Grimes (Rachel’s) et finit de nous terrasser :


Quant à Kotche, on ne l’attendait pas forcément dans un univers aussi atonal, troquant sa batterie contre un gamelan et autres percussions non occidentales et conviant le Kronos Quartet et l’ensemble Eighth Blackbird à ses échanges ambivalents (et jamais austères pour autant) entre musique savante et transe tribale, dramaturgie des cordes et candeur des idiophones, impressionnisme et théâtralité.

Fourmillements des blips (Anomaly, mvt. 1), envolées orchestrales (Anomaly, mvt. 2) et jungles de field recordings (The Haunted Hive) s’intercalent ainsi entre les pas-de-deux violons/percus (ou piano/percus sur l’erratique et fascinant Anomaly, mvt. 6) tout au long de cet Adventureland qui fait honneur à l’ambition mélangeuse du label new-yorkais Cantaloupe, dans la lignée de la rencontre entre Dan Trueman et So Percussion l’an dernier. Fameux !


Streaming du jour - 04.04.2014 par RabbitInYourHeadlights
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