Thom Yorke - Tomorrow’s Modern Boxes
1. A Brain In A Bottle
2. Guess Again !
3. Interference
4. The Mother Lode
5. Truth Ray
6. There Is No Ice (For My Drink)
7. Pink Section
8. Nose Grows Some
Sortie le : 26 septembre 2014
Le nouvel album surprise du leader de Radiohead se télécharge ici via une option payante de BitTorrent, qui offre également en free download la vidéo du titre introductif A Brain In A Bottle :
Sur la forme, la sortie de Tomorrow’s Modern Boxes n’est pas sans rappeler celle du In Rainbows de Radiohead n’ayant pas fuité au-delà des jours précédant sa diffusion et s’effectuant surtout en marge de tout circuit classique (le "name your price" en 2007 et le BitTorrent payant ici).
La congruence de Thom Yorke entre ses actes et ses convictions ne fait plus le moindre doute, lui qui avait fustigé les sites de streaming tels que Spotify pour l’inégale répartition du gâteau qu’ils (se) constituent grâce aux œuvres des artistes. S’il est clair que le Britannique fait partie de ceux qui influencent le milieu musical sur la forme (il n’y a qu’à observer pour cela la banalisation, en sept ans, du "name your price"), il n’oublie pas de garder quelques longueurs d’avance sur le fond.
Si certains seront en effet sévères avec ce Tomorrow’s Modern Boxes, c’est probablement car Thom Yorke ne surprend pas particulièrement (ce qui n’est pas sans rappeler les critiques prononcées à l’égard du Syro d’Aphex Twin). Plus qu’à AMOK, sorti sous le pseudonyme d’Atoms For Peace l’an passé, c’est bien à The Eraser, seul disque réalisé jusqu’alors en son nom, que ce nouvel opus fait penser.
Rythmiques downtempo, cordes discrètes mais majestueuses, piano prépondérant, crescendos et decrescendos en intensité, on y retrouve bien les ingrédients qui nous avaient charmés en 2006 sur ce que l’on peut considérer comme la plus belle livraison discographique de l’Oxfordien au XXIème siècle (on exclura Kid A, sorti en 2000). En ce sens, on retrouve des titres de haute volée tels A Brain In A Bottle, Guess Again ! ou The Mother Lode qui auraient fait bonne figure sur le chef-d’œuvre qu’est The Eraser.
En ce sens, Thom Yorke ne surprend pas. Cette assertion est cependant moins vraie s’agissant de la seconde partie du disque sur lequel la voix de l’Anglais se fait plus en retrait, qu’elle soit tourmentée et saccadée sur le délicieux Truth Ray, discrète, répétitive et retouchée sur There Is No Ice (For My Drink) ou à base de borborygmes sur un Pink Section génial de dépouillement et d’intensité. Comme souvent avec Thom Yorke (on se souvient de Life In A Glasshouse et son orchestre sur Amnesiac, le piano désabusé de Videotape sur In Rainbows ou encore The Tourist sur Ok Computer où il laissait pour la première fois les textes à son compère Jonny Greenwood), le dernier titre marque une relative rupture avec le reste du disque. C’est à nouveau le cas ici avec un Nose Grows Some plus classique sur lequel la voix du cerveau d’Atoms For Peace renoue avec un format plus traditionnel.
Il convient donc de ne pas réduire ce Tomorrow’s Modern Boxes à un nouveau coup de communication. Il s’agit au contraire d’un disque qui se mérite et si Thom Yorke ne nous surprend pas au premier abord, il poursuit sa mue en s’éloignant toujours plus - et c’est particulièrement vrai sur la seconde partie du disque - de la construction de chansons, privilégiant la création d’univers sonores en tout cas pas avares en émotions véhiculées.
Certes la spontanéité de cette sortie ne peut que ravir. Et c’est un plaisir comme toujours de retrouver la voix de Thom Yorke, utilisée comme un instrument à part entière sur un titre comme The Mother Lode, climax d’émotion contenue et de fébrilité d’un album peut-être moins classique dans son approche de la composition qu’avec Atoms For Peace mais nettement moins constant dans son inspiration.
Car sans reprocher au leader de Radiohead de ne pas se réinventer à chaque disque, on pourra tout de même ergoter sur le manque de singularité d’un titre comme A Brain In A Bottle, qui pourrait être l’oeuvre de n’importe quel producteur dubstep un minimum talentueux. Le morceau évolue très peu durant ses presque 5 minutes, les effets sur la voix sont caricaturaux, les beats presque aussi cadrés que sur le faiblard Truth Ray singeant les rêveries downtempo de BoC, désespérément sages pourrait-on même penser au regard de la dynamique fiévreuse aux polythmies échevelées du plus gros des titres d’AMOK - album étrangement décrié qui surclasse pourtant Tomorrow’s Modern Boxes d’une large coudée, et s’impose avec le recul comme la véritable suite de The Eraser qu’il ambitionnait d’être en empruntant au titre Atoms For Peace de ce premier album solo le nom de sa formation.
Plus généralement sur le disque, Thom Yorke au micro fait preuve d’une impertubable élégance dans l’introspection distanciée, et suffit à garantir l’identité de titres aussi passe-partout qu’Interference ou Nose Grows Some mais ne véhicule par le dixième de la mélancolie des meilleurs morceaux de The Eraser (qu’on peut aussi juger un peu léger, passée sa triplette introductive de haute volée, en comparaison d’un Hail To The Thief et d’un Amnesiac mais c’est un autre débat), encore moins la dimension fantasmagorique de The King Of Limbs (même AMOK était plus hanté, cf. Default ou surtout Judge, Jury And Executioner avec ses choeurs d’ectoplasmes en errance).
Alors finalement qu’y trouve-t-on, sur ce disque ? Le sus-nommé The Mother Lode dont les boucles hâchées contrastent idéalement avec le chant limpide de l’Oxfordien, un Guess Again ! mélancolique et presque rassurant, petit cousin sur coussin hydraulique du génial Pyramid Song avec son piano solennel aux accords magnétiques et ses nappes de synthés troublantes, et enfin son versant déliquescent sur un Pink Section dont l’instrumentation gondole pour mieux se dissoudre dans le titre suivant... mais également l’interminable There Is No Ice (For My Drink) qui délaie dans une house mininale sans éclat proche des dernières sorties de Four Tet les mutations abstraites et tourmentées des faces-B d’Amnesiac, témoignages d’une époque d’expérimentation jamais plus égalée.
En bref, malgré sa durée conséquente pour huit titres, Tomorrow’s Modern Boxes m’a laissé sur ma faim, inégal et donc forcément attachant mais aussi forcément décevant de la part d’un Thom Yorke, ses quelques sommets peinant à faire de l’ombre aux titres plus anecdotiques.
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