2016 : 50 albums hip-hop et trucs dans le genre (pt. 1/2)
Voici une sélection toute subjective (je m’appelle Spoutnik, je suis majeur et sain d’esprit, je crois) de mes 50 albums de l’année. L’affaire a été très difficile, peut-être encore plus que les années passées tellement j’ai aimé et découvert d’albums tout au long de cette année. 50 albums donc, tout ça est millésimé 2016 bien sûr et à très haute teneur hip-hop (de qualité, je l’espère), avec pas mal de découvertes (je l’espère aussi), quelques grands noms et des réussites en nombre. L’idée étant de faire découvrir, ou plutôt d’essayer de faire découvrir et humblement d’ouvrir les horizons. Z’êtes chauds ? Moi oui, alors c’est parti pour cette première partie (mes 12 beat-tapes de l’année étant ici, mon rap français ici et mes EPs là).
Jak Tripper avec son flow rauque et malade balance un LP hypnotiquement malsain et sataniquement magique, les ambiances énigmatiques tranchent parfaitement avec le verbe rentre-dedans du new-yorkais, le boom-bap y est lourd et les instrumentations sont minimalistes, tristes et obscures… Horrorcore total et monolithique pour un album gavé de folie pure presque sanguinaire !
Un grand album, une belle découverte ! Un peu Backburner sur les bords, pas très technique (mais tout est relatif) mais complètement humain, décomplexé et singulier ! Mike Shank rappe avec ses tripes, ne fait pas semblant, on pense aux trucs de Peanuts & Corn Records de l’époque, mcenroe en tête et c’est cool !
La scène boom-bap allemande n’est plus à présenter et en voici une nouvelle pépite ! Avec sa simplicité toute teutonique canal-historiquement pure, ça smoothe comme c’est pas permis, les productions jazzy signées Soulmade tranchent avec le sécateur verbal de WARPATH et c’est excellent comme ça !
Album extra-terrestre sci-fi comique où les comptes se règlent à grands coups de flows bondissants signés The Sloth ; pour contrebalancer ça, Hologram lâche à la pelle productions cool sur productions tordues. L’emcee occupe beaucoup de place, on adore ça, mais les deux ensemble, c’est la symbiose loufoquement bien kiffante ! Youpi quoi !
Impossible de faire une rétrospective de l’année 2016 sans parler de Moka Only car le Canadien a juste fait péter les compteurs en sortant 12 albums cette année ! 12 ! Et pas 12 albums anecdotiques : #99, I’m Delighted, Summerland, Sao Paulo ou Brutal sont merveilleux, mais Milky State est selon moi un cran au dessus. Plus jazzy, plus original dans la composition des tracks, plus cool et smooth, son album étiqueté du mois de septembre est une petite merveille !
Illogic se fait trop discret car selon moi le gars de Columbus est une des meilleures choses qui soit arrivée au hip-hop et son Celestial Clockwork de 2004 est un de mes classiques. 2016 aura vu son retour avec une extraordinaire compilation de raretés et cet album. Illogic y étale encore une fois sa maîtrise du verbe, sa dextérité bluffante et son flow fluide et naturel presque spoken word tellement c’est facile pour lui. On écoute ça les oreilles écarquillées de bonheur surtout que les productions de Tha Sound Cultivator alambiquées, non-linéaires et très personnelles sont du même acabit ! Immense !
Encore un retour en forme pour un valeureux ancien du rap jeu d’en dessous ! Car, qu’on se le dise, Sach 5th Ave de 2004 sorti avec Omid est un petit chef d’œuvre, mais honteusement, j’avais un peu perdu de vue ce bon vieux Sach... Toujours dans sa veine jazz-rap hautement qualitative, fiDELITY est cool de chez cool !
Des années qu’on suit Nacho Picasso ici, avec Blue Sky Black Death ou pas, son coté thug de l’intelligentsia du hip-hop est passionnant et a créé un véritable personnage de comics dans toute son épaisseur, mais le voir avec Blvck Lvgoon et Harry Fraud, je me suis dis aie aie aie, ça passe ou ça casse... Hé ben, ça passe ! Nacho Picasso n’a jamais été aussi méchant et son flow froid et piquant atteint même des sommets de sang congelé ! Naviguant entre trap et cloud-machin souterrain, le truc est spectralement parfait, Nacho Picasso est sublime dans sa méchanceté et Blvck Lvgoon ou Harry Fraud ont compris qu’il fallait lui donner tout l’espace négatif pour que l’emcee puisse se vautrer dans le stupre !
Smooth, cool, ultra-smooth, ultra-cool, intelligent, malin, délassant et bonnard à souhait, voilà du boom-bap anglais à la bien mais version Native Tongues ! On le sent, les gars de Jungle Brown ont été biberonnés au miel de valeureux anciens, Digable Planets, A Tribe Called Quest et Arrested Development en tête, des groupes qui évoquent pour moi l’espoir, l’espoir d’un monde plus cool, les Jungle Brown en reprennent le flambeau et ça lave !
Le maître compositeur fait partie des artistes les plus sous-évalués de l’histoire du hip-hop. On a tendance à oublier son Pimps Don’t Pay Taxes de 2001 qui selon moi est du même niveau que les sorties des Cannibal Ox, des Typical Cats, d’Aesop Rock, de Buck 65, des Dilated Peoples ou d’Antipop Consortium de cette même année. Enfin bref J-Zone est un grand qui continue à être qualitativement actif et ce Fish-n-Grits fait de collages et de flows ravageurs en est la preuve !
Les deux Tha Connection sont de retour et c’est une sacrée bonne nouvelle pour nos oreilles ! Hus Kingpin et SmooVth avaient scotché tout le monde en 2013 (pfffiou, ça passe vite…) avec un Strive aussi indispensable que jubilatoirement et sombrement boom-bap east-coast. Depuis plein de projets solo (toujours bons, notamment cette année le SS96J de SmooVth), mais aucun réel projet commun du binôme de Long Island… Mais voilà ce truc et c’est la banane ! Le son de la côte Est est là, peut-être moins minimal dans les productions que sur Strive, avec une variété d’ambiances allant du caniveau à des trucs plus aériens, mais le résultat est toujours archi-bonnard ! Niveau flow, Hus, SmooVth (et toute la clique de The Winners) connaissent leurs fondamentaux sur le bout des doigts, leurs rimes sont réfléchies et sans superflu, les Tha Connection ne font pas dans la démonstration, ils vont à l’essentiel… Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne et que les deux ensemble, c’est de la dynamite !
L’ancien des Monsta Island Czars avec un producteur allemand, sur le papier ça donne envie ou du moins, ça aiguise la curiosité et pas que sur le papier puisque Junclassic et Wun Two, c’est du feu ! Boom-bap moderne, smooth hybride, transpiration cool, productions classieusement alambiquées et puis y’a Billy Woods, Hus Kingpin et Dominique Larue dedans ! Gros haut !
Attention ! Petite merveille en provenance directe du Bronx ! Comme sorti d’un rêve Golden Age, MC Gels surclasse la concurrence dans ce style néo-90’s si particulier ! Au menu : lyrics classieux, nonchalance et technique, beats parfaits, échantillonnages jazzy version Primo belle époque et puis il y a ce petit quelque chose qui fait les grands albums ! Bien sûr, on pense au début de Joey Bada$$ et ça positionne ce Wandering Souls bien haut !
2016, l’année de San Diego et du Red Lotus Klan ? Assurément ! Le crew Masters of The Universe est ressorti des limbes, Autopsy est de retour, l’emcee qui avec Odessa Kane avait commis Civil War, une boucherie pas encore estampillée Red Lotus Klan mais qui présageait ce Savage Planet. En terme de violence urbaine à la Billy Woods, on ne fait guère mieux, le flow saccadé d’Autopsy colle admirablement aux compositions lyriques et rythmées de Scvtter Brvin et l’uppercut en pleine face fait mal !
The Kleenrz, c’est Self Jupiter au micro (Freestyle Fellowship, Project Blowed ou Hellfyre Club comme pedigree) et Kenny Segal à la manoeuvre et là c’est la suite du projet de 2013 entre les deux gars ! Le résultat est claquesque : des beats fous et intelligents de Kenny Segal que je n’attendais pourtant pas aussi efficace dans un projet aussi dark, un flow qu’on aime (Self Jupiter quoi !) et des feats bien bien goûtus, Del, Busdriver, Sach, Abstract Rude, Myka9, Awol One, Grouch, Eligh, bref n’en jetez plus, l’album est grand de chez grand !
2016 sera l’année de la fin d’hibernation pour Mr. Lif, car après un très très gros Don’t Look Down, c’est une nouvelle pépite que nous livre la légende de Boston ! Épaulé cette fois-ci par le toujours excellent L’Orange à la production, l’emcee claque un The Life & Death of Scenery comme une dystopie où l’art ne serait plus nécessaire au monde, une vision légèrement paranoïaque mais pas si inimaginable que ça… Niveau hip-hop, on est tout en haut ! Le travail de L’Orange toujours aussi délicieusement vintage ici version rétro-futurisme des années 60 ; Mr. Lif rehausse l’affaire avec son flow toujours aussi précis et athlétique et des feats à faire baver : Akrobatik, DJ QBert, Insight, Gonjasufi ou Chester Watson !
Tout ce qui sort chez les Anglais d’High Focus est fondamentalement et obligatoirement intéressant et ce Chaos 93′ ne déroge pas à la règle. Les productions, unilatéralement signées par Dirty Dike qu’on kiffe ici, confirment l’axiome : c’est le haut du panier ! On flotte dans la brume entre classicisme hip-hop britannique et beats bien plus lourds sur lesquels Ocean Wisdom explose littéralement tout ! Son flow techniquement et athlétiquement parfait est un modèle du genre et Chaos 93′, le mètre-étalon de la dinguerie anglaise actuelle !
Labor Days a 15 ans, et 15 ans que je vénère ce type... The Impossible Kid amène encore une pierre à l’immense château de l’Américain et Aesop Rock lâche encore un album épais et ambitieux comme à son habitude. Fouillé et pointu, fait de beats massifs et aventureux, de breaks finement sentis, de claviers rétro-futuristes et oppressants et surtout d’un flow rentre-dedans, mobylette et intelligent, ce nouvel Aesop Rock est un monument à son image !
Cela fait un moment que j’attendais LE vrai grand album d’Unsung, un truc qui mette tout le monde d’accord, j’y croyais, je savais qu’il allait le faire et bien le voilà ! Non pas que sa discographie soit mauvaise, loin de là, elle a même plutôt de la gueule, The Paint, You Will Face Seven Beasts ou Beast Tape sont par exemple des merveilles FakeFouriennes, mais le hip-hop délicat et brumeux du gars de Morgantown est ici à son sommet. Young Man se situe quelque part entre de l’alt-rap fait-maison avec son côté acoustique parfois chanté et du pur abstract hip-hop avec sa prise de risques et quelques odeurs cloud. A ça, on peut rajouter que le flow d’Unsung n’a jamais été aussi bon et immersif, il me fait d’ailleurs de plus en plus penser à un Jeremiah Jae mélancolique. Mais ce qui fait la différence selon moi, c’est ce côté humain et la dimension introspective de chaque titre est admirable ! Résultat : le coup est gagnant !
Après Cold War Era et surtout Halfway l’année dernière, Uncommon Nasa revient avec un excellentissime Autonomy Music, un LP dont il est le producteur et où il a laissé le micro à Short Fuze. Résultat gagnant, très dans les sonorités authentiques du New-York du début des années 2000, Antipop Consortium en tête, un grand album, réussi et archi-trippant et en plus y’a Curly Castro sur une piste !
Fils des Native Tongues et du hip-hop positivement bonnard, les deux Ricains développent un album archi-réussi porté par le flow maîtrisé et technique de Dillon et les productions anti-2.0 et gigotantes de Paten Locke (si ça te plaît, il faut écouter Clean Plate Club Vol. 1 aussi) ! Excellent et revigorant !
Voir Pruven produit par Scvtter Brvin, patron du Red Lotus Klan, c’est juste monstrueux ! Pour faire simple, c’est juste un LP avec un de mes rappeurs préférés, bien east-coast, bien froid et athlétique, avec le producteur de l’année, bien underground, bien dans les sonorités que j’aime et ayant sorti une collection de pépites impressionnantes en 2016. En janvier, il y a donc eu ça et rétrospectivement c’est assurément une des meilleures sorties hip-hop de l’année ! Méchante, avec une patate de dingo ! Si tu ne bouges pas la tête, c’est que tu as une minerve, rien que ça !
En bon touche-à-tout du hip-hop, Yikes the Zero a non seulement écrit mais il a aussi produit l’album entier et l’œuvre est immense ! The Animal Box fait dans le hip-hop expérimental, mais il est avant tout singulier et archi-aventureux, un peu à la manière d’un Milo hybridé avec L’Orange ou Edan et porté par un flow monocorde à la Jeremiah Jae. Attention, n’ayez pas peur, l’affaire est abstraite mais facile d’accès et c’est justement là où réside le grand art ! Tirant ses sons à partir d’un éventail de boucles assez dingue aux influences immersives et variées (du cartoon pour gamins aux films d’épouvante), la texture de l’essai est saisissante ! Le rendu sonne finalement assez spectral ou plutôt fantomatique, mais pas pour le côté flippant du terme, plutôt par le côté nostalgique d’une autre vie ou d’une enfance perdue. L’emcee/producteur philadelphien réussit à allier créativité et subtilité, et c’est méchamment bien ! Grand et même plus que grand !
Doc Savage, c’est une plongée dans l’underground qu’on kiffe depuis une petite dizaine d’années, une véritable messe dédiée à l’art de hip-hop d’en dessous avec comme maître de cérémonie un Willie Green en passe de devenir mon producteur préféré ! Son génie du crescendo, de la spirale rythmique, de l’innovation, du détail sont sans commune mesure avec le reste du monde. Ses travaux avec Billy Wood, Elucid, le Backwoodz Studioz et d’autres sont juste des monuments de complexité et de puissance maîtrisée, Doc Savage ne déroge pas à la règle. Willie Green y a invité ce qu’on fait de mieux : Open Mike Eagle, Milo, Uncommon Nasa, Curly Castro, Denmark Vessey, Has-lo, Brzowski, Henry Canyons, Elucid, Billy Woods et même les deux derniers ensemble sous le blase d’Armand Hammer, je ne cite pas tout le monde tellement j’ai les yeux qui pleurent ! Il y a prise de risque mais toutes ces combinaisons fonctionnent : Willie Green connaissant par cœur le style de chacun, il les sublime en les poussant dans leurs retranchements et puisque chaque pièce a un caractère singulier, l’album en devient unique, ambitieux et finalement un des trucs les plus incroyables que j’ai écoutés cette année !
Voilà un album chargé d’électricité, et déboulant de nulle part arrive un flow criard à mi-chemin entre le dirty south et le chant possédé d’Howlin’ Wolf. Comme d’hab’ avec Danny Brown qui ne loupe pas grand chose, oui, mais là il y a ce petit supplément d’âme, car ce n’est pas dans le hip-hop qu’on pourra trouver une comparaison pertinente à cet album mais bien dans la ville de son auteur : Detroit. Atrocity Exhibition est le rejeton d’une lignée qui commence avec le MC5, les Stooges (des deux premiers albums, hein !) et passe par son contemporain Mick Collins. Outre la furieuse pagaille organisée et jouissive, on retrouve ce même dynamitage de la musique qui en extrait la substantifique moelle. Le rap de Danny Brown, c’est de la pâte à modeler préparée façon gumbo, qui nécessite quelques écoutes pour révéler toutes ses richesses, mais qui régale !
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- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- Akira Kosemura & Lawrence English - Selene
- Tomoyoshi Date & Bill Seaman - Duet
- Sanger and Sanger - Exotopia
- One Far West - Heliacal Risings
- Feeling Flying - Spirit Level
- Glacis - This Darkness From Which We Cannot Run
- Glåsbird - Fenscapes
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- Roger Robinson - Heavy Vibes
- John Thomas Remington - Pavements EP
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- Akira Kosemura & Lawrence English - Selene
- Lawrence English - Even The Horizon Knows Its Bounds
- Masayoshi Fujita - Migratory
- The Sombre - Like a dream without light