Le streaming du jour #1932 : E - ’Negative Work’

Souvent introduit comme (A Band Called) E, sûrement plus pour faciliter les recherches sur le web que pour différencier la formation du fameux leader de Eels, le trio bostonien rassemble trois beaux rescapés du noise rock et de l’improv circa années 80 jusqu’au début des années 2000 en passant donc par les glorieuses 90s, la chanteuse/guitariste Thalia Zedek de Live Skull, Come et plus récemment du Thalia Zedek Band déjà chez Thrill Jockey, Jason Sidney Sanford des toujours (relativement) actifs et métamorphes Neptune en seconde guitare customisée et au chant lui aussi, et Gavin McCarthy des cultissimes Karate derrière les fûts.

On ne vous fera pas l’affront de vous présenter plus avant le pedigree de ces trois quinquas de moyenne d’âge, puisque c’est bien la pertinence de ce second opus en trois ans qui nous intéresse aujourd’hui, à 24 heures de leur concert à l’Espace B parisien. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’en s’effaçant derrière leurs compos à deux voix - Zedek et Sanford se partageant pour moitié l’écriture et l’interprétation - aux dissonances transcendées par la touche d’étrangeté des effets home-made du second (Pennies) et aux crescendos électriques aussi tendus qu’énergiques (Poison Letter), le trio retrouve une certaine essence perdue dans le genre, faite d’une épure où la clarté des lignes mélodiques (vocales en particulier) et des frappes millimétrées de Gavin McCarthy d’une intensité souvent presque tribale rejoint le chaos contrôlé des riffs de guitare volontiers distordus et saturés (Cannibal Chatroom, que Sandford habite comme le suivant Hole In Nature de sa voix grave au timbre presque incantatoire, voire forcément un peu malsain sur le premier).

Tout aussi incandescent dans ses passages les plus feutrés (A House Inside) et anguleux jusque sur ses morceaux empreints d’un petit groove bien senti (The Projectionist, Down She Goes), Negative Work semble ainsi tailler à la 6-cordes dans le gras de l’indie rock d’aujourd’hui et renoue avec sa dimension viscérale, dense et minimaliste à la fois, tant dans ses moments plus post-hardcore et non moins élégants à la Fugazi (One In Two) que dans ses incursions pop-punk nihilistes et ludiques (cf. le braillard Untie Me).

En somme, si vous êtes Parisien, vous ne voudrez certainement pas manquer ça demain soir, aussi sûrement que nous y serons, en quête du frisson de l’authenticité et de cette présence très androgyne, la voix aidant, de l’une des grandes dames les plus sous-estimées du rock indé des 30 dernières années.


Streaming du jour - 17.06.2018 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
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