Elise Aur et Einar Gustafsson ne sont que des alias qui permettent au duo français d’avancer masqué, au propre comme au figuré. Deux ans après un premier court-format intitulé fckff, ÙØ n’a pas mis sa verve dans sa poche et partageait, il y a déjà près de six mois - il nous arrive d’avoir du retard à l’allumage - un nouvel EP intitulé Utopies Ordinaires, dont l’énigmatique nom du groupe serait l’acronyme. Le jeu de la rapide critique impose quelques comparaisons et l’on voit parfois ÙØ comme un alter-ego féminin (au niveau vocal) de Diabologum (Røad), tandis que la partie instrumentale de Høst rappellerait presque les Sleaford Mods, décrivant avec autant d’ironie que de justesse le parcours du combattant que constitue la promotion d’un projet artistique pour les artistes qui, comme ÙØ, bénéficient d’une popularité trop éloignée de leur "qualité et originalité". Le genre de titre qui ne laisse pas indifférent et qui fait regretter l’impossibilité d’assister à un quelconque live dans les prochains mois.

Dans un registre similaire, Rødeø est une critique incantatoire de la société de consommation, avec là encore le nécessaire soupçon d’ironie, et constituerait un hit underground dans un monde parfait : "laisse-toi traire pour engraisser les cochons, moi, je veux dédier ma vie à engraisser des cochons". Rythmiques efficaces, guitares abrasives, basse lunaire et chant (sur/ré)volté, ÙØ sait également convoquer des ambiances plus hypnotiques, malgré un débit certain (Fùrrøw) et un propos toujours aussi engagé (les références à Matrix sur Cølørs sont ainsi savoureuses). Entre electro-punk et post-wave, ÙØ partage un EP corrosif et jouissif qui sonne la révolte avec justesse. Et si les textes sont particulièrement aboutis, ce n’est jamais aux dépens d’une totale immersion sonore.