Vintage Crop - Kibitzer
Kibitzer ? Un mot yiddish définissant une personne qui assiste à une partie (de bridge, d’échecs, ce genre) en balançant des commentaires. Ce qui peut s’avérer fort pénible. Tout le contraire du dernier Vintage Crop pourtant nommé ainsi.
1. Casting Calls
2. The Duke
3. Double Slants
4. Hold The Line
5. Impact of Wisdom
6. Drafted
7. The Bloody War
8. 2k Hip Pocket
9. Under Offer
10. Switched Off
Vintage Crop quater et rien ne change. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, ces quatre-là viennent de Melbourne et fraient dans un genre de garage aux forts relents punk/post-punk et je vous imagine déjà refréner un bâillement à la lecture de ces quelques mots voire tenter d’apaiser ce léger agacement qui crispe votre visage. « Australie », « garage », « punk/post-punk », c’est bon, avant même d’écouter, vous avez forcément l’impression d’en avoir déjà fait le tour.
Oui mais voilà, c’est Vintage Crop et franchement, depuis déjà quatre albums, tous gémellaires, je n’ai jamais décelé, me concernant, ni bâillement ni agacement lors d’une quelconque écoute. Ce groupe a un petit truc en plus. Ce n’est jamais générique, il se passe plein de choses dans l’arrière-plan et même si je sais pertinemment à quoi va ressembler Kibitzer avant même que le diamant n’ait rejoint les microsillons, je sais que je vais encore me faire avoir.
Pourtant, rien de particulier à déceler, excepté sans doute le clavier un peu tarte qui tapisse quelques morceaux ; rien de bien original non plus, tout ça restant bloqué dans une faille temporelle qui ne dépassera jamais les early 80’s et que l’on connait par cœur. Mais voilà, ça fonctionne et à l’instar du dernier Eddy Current Supression Ring (All In Good Time), il y a chez Vintage Crop un petit quelque chose qui me touche infiniment. Quoi ? Va savoir. C’est bien difficile à identifier : c’est peut-être la légère nonchalance qui situe les morceaux pile sur la frontière qui sépare le volontaire de l’exténué ? Ou le léger supplément d’âme qui inonde les mélodies ? L’énergie patraque ? Voire le côté très rigoriste qui réorganise les tables de la loi sans les atomiser ? Je n’en sais rien et surtout, je n’ai pas envie de savoir. Ça fonctionne et c’est tout, ça se suffit à lui-même en court-circuitant l’encéphale et le disque résonne in fine comme s’il avait toujours été là.
D’emblée, Kibitzer en impose avec un Casting Calls introductif qui reprend les choses exactement là où Serve To Serve Again les avait laissées en 2020 : ça parle plus que ça ne chante, c’est élastique mais pas trop, anguleux et punk sans jamais se départir d’une forme de pragmatisme qui, partant du point A, rejoint inlassablement le B sans bifurcations inutiles. Il y a du Wire là-dedans, tout planqué au fin-fond de l’arrière plan même si ça ne saute clairement pas aux oreilles. Un truc prototypique que Vintage Crop n’abandonne quasiment jamais même s’il balade le curseur en permanence entre le bricolé et le fignolé : les claviers surannés de Duke ou The Bloody War ou la trompette d’Impact Of Wisdom voire de Switched Off montrent bien que les morceaux reposent sur un songwriting grande classe, les attaques légèrement plus frontales comme Double Sants ou Under Offer renvoient au punk orthogonal des premiers albums et tout ça permet de mesurer le chemin parcouru. Je disais plus haut que rien ne changeait et bien sûr, ça n’est pas tout à fait vrai : Vintage Crop, petit à petit, se nuance et s’épaissit. Un mouvement que l’on retrouve également dans les textes, de plus en plus sarcastiques et ménageant quelques saillies bienvenues (« Nothing rhymes with me, I’m the man on the street, I’m always out of key » sur l’impeccable 2k Hip Pocket) qui participent pas mal au côté volontiers renfrogné qu’arbore Kibitzer tout du long.
Rien à faire, ces dix morceaux pour une petite demi-heure se montrent une nouvelle fois tellement irrésistibles et bien foutus qu’ils rejoignent la trajectoire jusqu’ici strictement ascensionnelle de Vintage Crop.
Saleté.
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