Carrécube - Trafic & Globules

Une fois de plus, c’est dans l’autoproduction que je me vautre, que je m’extasie. Un défibrillateur à la main, l’album de Carrécube dans l’autre, je suis malade à en crever. Explications.

1. Noir sur blanc
2. Digicode
3. Dans la radio
4. Sinusite
5. Le support
6. Memoire collective
7. Laisse Le Coche
8. Hyperfréquences (feat. Abberline)
9. Flambe
10. Panoplies
11. Centre ville privé
12. Trafic et globules

date de sortie : 28-09-2009 Label : Autoproduction

Dès 2006 était tombée la démo de ce jeune groupe toulousain sur l’un de nos bureaux, pas le mien, mais la chronique aurait dû tous nous mettre en alerte. Réveil tardif fin 2009, c’est à mon tout d’écouter encore et encore Carrécube via son premier album fraichement pas sorti : Trafic & Globules. Sitôt le cd reçu, la sanction est tombée : j’étais contrôlé positif au grand dam de ma famille et il fallait de toute urgence se rapprocher de Benjamin (chant, guitares, ...) pour en savoir plus.


- IRM : Dis moi Benjamin, cette version promo emballée dans une poche médicale, tu me dis qu’elle n’a retenu l’approbation d’aucun label ?
- Benjamin : Non, aucun de ceux évoqués dans mon précédent mail avec toi.


À titre exceptionnel on taira le nom de tous les gens qui ont eu vent de cet album, un vrai faux listing à la Clearstream, histoire de leur donner une seconde chance ... à tous ces gens. On peut comprendre la difficulté de passer outre l’étonnement face au packaging (fort à mon goût soit dit en passant), mais une fois la galette posée sur la platine, l’univers plutôt singulier et accrocheur n’aurait dû laisser personne de marbre.

Alternatif, entêtant

Alternatif, entêtant sont les premiers mots qui me sont venus une fois cet album avalé. J’étais dans tous mes états, la tête un peu dans le bouillon et j’ai compris que cette musique là était faite pour tout sauf pour éclairer ma lanterne. Le teint blafard et remerciant déjà avec le sourire des grands jours Carrécube, je vous livre donc un premier extrait intitulé Dans La Radio : un chant martelé qui ne laissera personne tranquille, une batterie de chantier qui n’en finit plus d’enfoncer le clou et le duo guitare/basse qui tire un sombre paysage en toile de fond. Oui ce groupe est capable de ça, mais bien plus encore comme vous le lirez un peu plus loin.


- IRM : On ne sera pas les premiers, ni les derniers a évoquer Expérience, Diabologum, des voisins de palier ?
- Benjamin : Et Programme ... les seuls pour moi qui aient réussi à mettre les mots justes sur ce que je ressentais à un moment de ma vie. Un regard sans illusions sur ce que nous faisions qui n’avait au fond rien d’original, rien de neuf, mais dont l’envie et la force de le mener à bien faisait de nous des optimistes délibérés (dans un corps pessimiste) et nous donnait un peu tous les droits (à notre humble échelle). Des morceaux comme A côté, Et si nous n’avions pas été là l’histoire aurait été la même mais racontée par d’autres, Je reste de Diabologum sont pour moi des piliers c’est sûr, mais je parle d’un moment ... Programme dure plus dans le temps. Je respecte énormément ces groupes et leurs propos.

Souvent simples et près de l’os

Un petit brin de modestie dans le propos de notre Carrécube, car pour ma part, j’y entrevois aussi clairement un peu de la douceur onirique dans le verbe qui fait la force d’un autre Benjamin, Vaude (Maczde Carpate, Targam), mais surtout le charme d’une voix parfois monocorde qui fait merveille ici, l’instrumentation lo-fi dont on ne se lassera finalement jamais. Et c’est ainsi que nos vieux démons se réveillent : On Fire qui ouvre le Harmacy de Sebadoh, Up My Sleeve de Palaxy Tracks voir même un peu de la langueur d’un Spain sur certains morceaux (à découvrir sur leur myspace). Et c’est là toute la différence, ce qui fait de ce Trafic & Globules un album d’exception, ce qui fait de Carrécube une formation qu’on défendra bec et ongles.


- IRM : A la question des influences musicales étrangères, on a donc été nullement surpris d’entendre ...
- Benjamin : Je ne peux parler que pour moi seul. Je ne suis pas une tête chercheuse qui passe son temps à fouiner le net pour dénicher le dernier truc ... je me fie plutôt à ceux que j’aime (artistes, amis ...) et à leur goût, ou j’ai des périodes régressives (comme en ce moment ). J’aime les chansons, les trucs écrits et arrangés, souvent simples et près de l’os, le format couplet/refrain ne me rebute pas au contraire, je respecte ce travail ; c’est si dur de trouver l’équilibre. Il y a des disques que je traine depuis des lustres dans mon ipod, comme Crooked Rain, Crooked Rain de Pavement (je ne suis pas un fan fétichiste de ce groupe), Harmacy et surtout Bakesale de Sebadoh, ces disques comptent car ils ont initié un goût chez moi ... Dirty, Goo bon, j’aime la pop mais j’aime aussi Can. J’ai tous les albums de Chokebore (des lives inoubliables devant 12 personnes dans des lieux improbables), ils m’ont influencé c’est sûr. Je chérie tous les disques de Low.

Et si on ne l’arrêtait pas, ça continuerait comme ça de Elliott Smith à Sufjan Stevens en passant par Joy Division, Jesus & Mary Chain, et de la musique électronique également évoquée dans notre échange.

Mais attardons-nous plus en avant sur leur album, avec ce qui fut mon premier gros coup de sang : le titre Digicode. Un morceau qui commence sur quelques petites notes à la manière du 10:15 Saturday Night de The Cure. Puis vient le mariage, la confusion, de la voix, des guitares, la rythmique qui s’emballe et qui en fait un morceau par lequel la tension toute maitrisée finit par happer l’auditeur.


- IRM : Tu peux nous en dire plus sur le morceau Digicode ?
- Benjamin : C’est un morceau assez ancien qui date de l’époque ou on s’est séparé de Fred (premier bassiste du groupe), un morceau que j’ai écrit seul et qui a marqué ce moment, un cap franchi pour moi, car me/nous séparer de lui a été difficile. Le propos, s’il en est, tient dans le fait que tout finit et renait, toujours. Quelque chose d’assez bête en fait mais sur lequel tout le monde revient : tu re-tombes amoureux par exemple, tu peux t’en étonner, te demander si tout ce bien s’adresse à toi, s’il n’y en a pas un peu trop ... et ça te soustrait d’un coup à tout un tas de choses pénibles du quotidien, elles n’existent plus ... et puis ça finit encore ... etc ... ou tu trouves un écho à ton travail quand tu n’y croyais plus ...

Le futur minuscule t’éclaire par le hublot ... pour le temps ... du voyage

J’aime pourtant pas ce terme, mais c’est bien un univers dont on ne maitrise absolument pas la portée dans lequel le groupe nous plonge avec un brin de désillusion. Comme si Carrécube avait digéré des années de troubles et de musique (Massive Attack a ce don là aussi) pour nous envoyer à la face notre sombre futur. Tiens prenez Trafic et Globules, titre de l’album, titre d’un morceau pour le moins troublant.


- IRM : Tout ça n’est-il qu’un rêve ou une anticipation sur l’avenir qui nous attend ?
- Benjamin : Non, je n’ai pas de vision sur ce qui nous attend (hou là non !), je suis pour mettre autant que possible toute sa merde intérieure dans la musique et pour essayer d’en faire un truc attirant ou du moins, cohérent. Il y a bien sur des parallèles avec des exemples autour de moi et des trucs personnels mais pas directement. La colère qui peut pousser à faire les choses doit rester froide, tout comme on doit réfléchir ou dormir une bonne nuit avant de parfumer tout à l’eau de rose et fleurir avec des fleurs de mémé (?) En un mot, je crois que ce qui est écrit à chaud (comme par exemple un sentiment précis de dégoût par rapport à un fait d’actualité ou que sais-je ...) est caduque avec le temps (et pas forcément 10 ans plus tard), ou alors il faut être un génie ... mais c’est mon opinion.

Et la mienne d’opinion, c’est pareil, qu’elle compte ou pas je m’en balance. Car à l’instar d’un Massive Attack qui avait annoncé la donne dès le début du siècle, et même si on en est loin, j’ai vu en Carrécube un groupe qui peignait (du verbe peindre) avec peine (douleur, inquiétude, affliction) des sentiments difficiles. Oui cet album nous plonge dans un art pas commode, parfois aidé par des guitares soniques (Laisse le coche), des titres enlevés (Hyperfréquences), mais souvent ramené à l’essentiel (Le Support, Mémoire Collective), des morceaux où nos pensées se perdent pour de bon, comme si on avait besoin de ça, oui on a toujours besoin de ça. J’en suis malade de ce Trafic & Globules et tout ce que j’espère c’est qu’il en sera de même pour vous. Santé.

Myspace : http://www.myspace.com/carrecube

Chroniques - 01.11.2009 par indie
 


Carrécube - Dans La Radio

Chroniques // 25 avril 2006
Carrécube

une démo 5 titres du jeune groupe toulousain atterit sur mon bureau et je l’écoute encore, et encore, et encore, et encore, et encore...