On sait la malédiction qui pèse éternellement sur les frères Head, John et son cadet Michael : quelle que soit leur incarnation musicale (The Pale Fountains, Shack, l’intermède des Strands), ils se sont toujours mis la critique rock dans la poche mais n’ont jamais percé les murs du succès public. La faute à une musique hors du temps, convoquant largement le souvenir suranné des aînés des 60’s, Byrds et Love en tête, et qui ne caracolera plus jamais au sommet des charts, même anglais.

Que les choses soient claires, ce nouvel album paru sur Sour Mash (label de Noel Gallagher) ne changera pas la donne malgré la célébrité de leur généreux parrain. Shack reste une fois de plus une affaire d’initiés (quelle fierté d’en être !) et cet album se situe musicalement à la jonction des deux derniers et excellents albums du groupe (HMS Fable, ses choeurs panoramiques, sa production un poil pompeuse et Here’s Tom with the weather, plus intimiste, substantiellement acoustique).
On pourrait même leur reprocher la stagnation de leur inspiration s’il n’y avait ce réel plaisir de croiser telle ballade aérienne et gracieuse (l’incomparable "Shelley Brown", candidate évidente au titre de plus belle chanson du répertoire de John Head), tel solo de guitare épileptique joué sur un ampli de salon ("Black & white") ou ces choeurs angéliques, marque déposée de Shack ("Cup of tea", "Miles away") !

S’il faut voir une évolution, elle se situe dans la présence de plus en plus marquée de Michael Head, autant dûe à son talent qu’à une évidente méforme de son aîné ! Bien sûr, John décoche encore quelques-unes de ses flèches de génie habituelles ("Tie me down",la sus-nommée "Shelley brown", la sinistre "Finn Sophie Bobby And Lance", petite soeur de la "Daniella" qui clôturait, dans les larmes, HMS Fable) mais il semble aussi tomber dans de curieux travers, ceux d’une musique lancinante et inachevée, comme en témoignent "Funny things" (et son solo de saxo un brin vulgaire) ou "Find a place" et sa litanie sans queue ni tête. La richesse des orchestrations ne parvient pas à masquer la panne d’inspiration et, sans doute, le retour des vieux démons intimes de John, comme le laissent deviner ces morceaux qui s’éternisent, cherchant en vain une façon digne de s’éclipser.

Cette poignée de titres ratés empêchent On The Corner Of Miles And Gil de se hisser à la hauteur de ses prédécesseurs. Et dans cet album en demi-teinte, Michael Head tire donc son épingle du jeu (confirmant les belles choses déjà entrevues sur Here’s Tom... ou au sein des Strands, notamment sur l’inépuisable "Loaded man") ! Sa voix plus subtile, moins monocorde que celle de son ainé accompagne à merveille la simplicité de "New day" ou des plus orchestrés "Moonshine" et "Closer". De bon augure pour son album solo à paraitre courant 2006 !

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