Zëro - Places Where We Go In Dreams EP

On est en retard, peu importe. Format court peut-être mais d’une belle intensité, avec Places Where We Go In Dreams, Zëro continue à tracer une route qui n’appartient qu’à lui, mêlant noise, post-punk, évocations cinématographiques, combat et introspection. Indispensable.

1. Uprising Voir la vidéo Zëro - Uprising
2. Baltimore
3 . Horse Race Guru
4. Swimming With Sharks
5. Lock Up
6. Minimal Men
7. Places Where We Go In Dreams

date de sortie : 10-03-2014 Label : Ici D’Ailleurs

Sept titres ramassés en vingt-cinq minutes et presque trois années pour sortir ça. De prime abord, avant même d’avoir écouté la moindre note, on reproche à Zëro son côté un peu branleur. Comme on lui a reproché un temps de n’être plus assez Bästard (voire Deity Guns) et beaucoup trop lui-même, d’avoir évolué, de s’être réincarné. Mais ça n’a duré qu’un temps et on a bien vite apprécié Joke Box, Diesel Dead Machine ou Hungry Dogs (In The Backyard) pour ce qu’ils étaient, de bons albums de Zëro où le groupe ne fait rien d’autre que ce qu’il a envie de faire, sans regarder dans le rétroviseur et sans prêter plus attention que cela à ce que certains de ses membres avaient enregistré par le passé. Le tout en suivant une trajectoire ascendante où chaque étape emmène un peu plus loin que la précédente. Il en va de même avec Places Where We Go In Dreams. La déception s’efface bien vite. Dès Uprising en fait. Premier titre parfait de concision et d’efficacité qui lance idéalement le hold-up de nos neurones. D’ailleurs, à l’instar du Fast Car (au singulier) qui ouvrait le précédent, renvoyant à celui des Buzzcocks (au pluriel, lui), il me semble que l’on entend quelques réminiscences des vieux punks anglais dans Uprising (Lipstick en particulier). Le morceau, porté par ses riffs envoûtants, un vieil orgue funèbre et une basse qui hante les fondations, est imparable. Sec, concis, évacuant toute forme de graisse pour ne garder que le nerf, il constitue une formidable entrée en matière. Et alors que l’on se dit que le reste ne supportera pas la comparaison, le deuxième morceau et tous les suivants apportent un démenti cinglant. C’est que le format court oblige à aller à l’essentiel (à moins que ce ne soit l’inverse) et à resserrer le propos, à trancher dans le vif en se débarrassant des longueurs et digressions qui pouvaient parfois alourdir les précédents opus. Ici, tout est dit en trois minutes, rarement plus : Baltimore tranche dans le lard avec ses riffs contondants opposés à une basse massive, Horse Race Guru ralentit le rythme, explore les affres de l’alangui et le moins que l’on puisse dire, c’est que là aussi, Zëro excelle. Plus loin, Minimal Men évoque une noise post-punk, froide et anguleuse, chargée d’échos en provenance directe de ce qui se pratiquait à Rennes au début des ’80s (oui, personnellement le titre m’a fait penser de loin à Marquis De Sade). Et Places Where We Go In Dreams de s’achever sur une plage instrumentale, la plus longue du lot, celle qui donne son titre à l’album. Le groupe joue la carte cotonneuse de l’organico-synthétique ouaté mais néanmoins vertébré et élabore ainsi le parfait épilogue d’un disque avant tout extrêmement varié.


C’est qu’à avoir eu ainsi plusieurs vies et avoir multiplié les expériences (quelques-uns dans Bästard ou Deity Guns, quelques autres dans Narcophony, les trois quarts également grimés en cow-boys au sein des Badass Motherfuckers accompagnant l’americana racée du Healty Boy), on finit par ne plus se cacher derrière une quelconque étiquette et par savoir comment parfaitement sortir ce que l’on a en soi sans s’occuper de rien. Ainsi, on entend tout ça dans Zëro, des petits bouts d’avant qui, agglomérés les uns aux autres, constituent le maintenant. Et le maintenant aussi a fière allure. Tout aussi inspirée, tout aussi essentielle, tout aussi à l’aise dans l’attaque frontale que la retenue, parfaitement maîtresse de ses instruments, la machine Zëro ne connait pas de ratés et son expertise de plus en plus saillante trouve dans la concision une sorte d’épiphanie : rythmique indéboulonnable (Frank Laurino et Eric Aldéa), claviers hantés et riffs hypnotiques (Ivan Chiossone et François Cuilleron), voix légèrement plus en avant et un sens de la composition elliptique transformant chaque morceau en brise-glace universel auquel rien ne résiste. Tout un attirail qui contribue à maintenir la tension intacte tout du long et à faire de Places Where We Go In Dreams un incontournable qui s’incruste sur la platine, tout comme le faisaient crânement les précédents. Un peu comme si l’ectoplasme qui s’échappe du visage sur la pochette s’insinuait ensuite dans le corps de l’auditeur pour ne plus le quitter, devenant son souffle, lui communicant ses envies, sa hargne, son introversion. Empruntant un peu à tout ce que l’on aime et que l’on a aimé pour l’intégrer dans son ossature furibarde, il va de soi que celui-là aussi, on n’a pas fini de l’écouter.

Brillant.

Chroniques - 15.04.2014 par leoluce
 


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