Le streaming du jour #1258 : Magneto/Pylône - ’Split’

D’un côté, Pylône, de l’autre Magneto et au milieu, du noise-rock canal historique qui aime aller voir ailleurs. Et surtout, entre nos mains, une incontestable réussite.

Oui, on est en retard alors qu’il occupe la platine régulièrement depuis de nombreuses semaines. Oui, on s’est dit tout de suite que l’on voulait en parler. Non, on ne l’a pas fait. Qu’importe, ça sera aujourd’hui chose faite à la faveur d’une énième écoute qui, comme d’habitude, a fait naître un sourire de contentement à la commissure des lèvres. Non seulement un bel objet - on en reparlera plus loin - mais aussi du bel ouvrage : du noise-rock racé, implacable et franchement accaparant. On ne regrette qu’une chose, sa trop courte durée mais, ça, évidemment, on s’y attendait. Un split qui confronte deux groupes d’en-bas et trace une autoroute entre Toulouse (Pylône) et Bordeaux (Magneto) en passant par Périgueux (Magneto encore), ce qui n’est sans doute pas ce qu’il se fait de plus court et logique lorsqu’on envisage le vol d’oiseau. En revanche, lorsqu’on s’en tient au son, cette voie rapide prend tout son sens. Et c’est peut-être bien ce qui frappe de prime abord, la grande cohérence d’ensemble, la dynamique. Non pas que les deux groupes soient interchangeables, loin de là, mais ils sont gémellaires dans leurs intentions : trancher le gras, lacérer l’excédentaire et ne garder que le nerf. C’est tout sec mais ça garde ce qu’il faut de chair pour occuper l’oreille et s’y faire un nid. Magneto est magnétique, Pylône évoque l’acier, l’électricité et les angles droits bien que l’attribut de l’un convienne pile poil à l’autre et inversement. Les quatre titres se succèdent sans accrocs ni temps morts, rien qui soit en-dessous du reste.

Magneto débute les hostilités de la face M par un Electric Land bien froid et post-punk. Extrêmement classe, le morceau balance les minets d’Interpol dans les tranchées fracturées et louvoyantes de Fugazi et ça donne une ossature si mince qu’elle pourrait passer sous les lamelles d’un microscope. On y verrait alors les cristaux de glace contondants et pas drôles. Puis vient Fissure, très classe aussi, encore plus lancinant, encore plus bas, encore plus froid et disloqué. Qui donne tout de suite l’envie d’aller à nouveau explorer les sombres recoins de Science Of Attraction et qui fait très vite regretter de n’en avoir pas parlé. Mais à peine a-t-on le temps de se maudire que Pylône se met à pilonner le cortex. Ou plus précisément, l’enflamme. On ne s’est même pas rendu compte que l’on a changé de face et pourtant, on est vraiment ailleurs. La face P commence par un Blank abrasif et véloce. Nadège L. se charge joliment du chant et on pense un peu au Playland de ChooChooShoeShoot. Growing Block Universe se montre plus disloqué et lève le pied. Chouette morceau à l’amoncellement discret et à la basse hypnotique, cette dernière pousse les deux guitares à exécuter des contorsions roides pour s’enrouler autour de ses ondes maousses. Cette fois-ci, le chant est masculin. Les quatre titres mis bout à bout constituent déjà une belle tranche de musique élégante et furibarde mais, là où le split prend tout son intérêt, c’est que chaque face met en exergue l’autre.

Ainsi, sans la présence du Pylône, on n’aurait sans doute pas soupçonné que Magneto puisse être si arachnéen. De la même façon, les ondes ombrageuses de ces derniers magnifient le côté contondant des premiers, rappelant que des ex-Headwax ou Xnoybis (entre autres) en font partie. Blank est sans doute ce que les Toulousains ont sorti de plus véloce, Electric Land est aussi le morceau le plus post-punk des Bordelais. On est bien sûr dans les droite lignée des albums des deux formations (à ce titre, l’écoute du Things That Are Better Left Unspoken de Pylône est également recommandée) mais aussi un peu plus loin. Quand on a soigné la musique à ce point, il convient de soigner également ce qui la cerne et il fallait bien une magnifique pochette pour emballer l’ensemble : un squelette de Beryx Decadoctylus argentée sur fond marron encoché dans un blanc immaculé, toutes les informations d’usage argentées également, une réalisation mise en page par Alain Compans pour envelopper le vinyle noir qui en vient à peser plus lourd qu’il n’y paraît.

Vivement la suite. Pour les uns et les autres.




Ce split est une sortie conjointe Nothing To The Table, Bruisson, Gabu Records, Day Off, Some Produkt et Vlad Tapes.


Streaming du jour - 03.02.2015 par leoluce
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