La bedroom pop - ou "kitchen sink folk" comme ils aimaient à l’appeler il y a quelques années - des Britanniques de Misophone, ça commence à faire un moment qu’on en parle et qu’on se demande pourquoi un groupe qui aurait été célébré comme il se doit à la grande époque de Mercury Rev (pour l’onirisme et les arrangements surannées, par exemple ici sur Voices ou Flickering lights) ou des Magnetic Fields (pour le songwriting immédiat, même en long format d’ailleurs, cf. les 7 minutes de These days of ours, ou les albums aux nombreuses vignettes dont la cohérence le dispute au sens du contrepied) continue aujourd’hui à sortir des pépites dans une indifférence quasi générale.

On pense toujours, outre les sus-nommés, aux projets les moins extravertis du collectif Elephant Six (Strange and sombre), au Eels de Daisies of the Galaxy (Monsters), à feu Ooberman ou pourquoi pas à la facette la plus bucolique de Sparklehorse en découvrant ce nouvel album particulièrement généreux de 30 titres pour plus de 2h de musique, où font toujours merveille l’écriture mélodique aux accents baroques de Matt Welsh et les arrangements de bric et de broc au feeling tantôt un peu hanté (les instrus A floodplain mind et Silt) ou désuet du multi-instrumentiste et inventeur d’instruments Steven Herbert, épaulés cette fois par pas moins d’une petite vingtaine de collaborateurs aux cordes, vents, cuivres et autres harmonies vocales.

Un magnum opus hors du temps et des modes faisant preuve d’autant d’humilité que d’inventivité, que l’on ne va pas vous décortiquer dans les détails mais dont on retiendra particulièrement, pour le moment du moins car de nombreuses écoutes seront encore nécessaires pour en faire le tour, les classiques instantanés Wisdom’s Winter Day ou Curse the Crows, les belles ballades ambient Snow et Love lies bleeding, les carillonnants River bed et Night comes early, les pics d’intensité de William and Mary et The flood ou encore le spoken word en espagnol d’un Sky presque hantologique. Quant à l’incursion new wave d’All the ghosts of evening ou à la fanfare discoïde de Sunlight, s’il témoignent d’une inspiration parfois trop éclatée où tout ne fait pas mouche, ils participent aussi d’une fraîcheur sans cesse renouvelée pour ce projet aux plus de 15 ans d’existence.