Welcome to 21 Love Hotel...
...such a lovely place. Tout comme le bar parisien où notre envoyée spéciale Spydermonkey a finalement retrouvé Clémence Leaute et Frederic D. Oberland samedi dernier à l’heure du thé, avant la balance de leur concert à la Flèche d’Or. Une rencontre intimiste et décontractée.
Comment est né 21 Love Hotel ?
Frédéric : Ça s’est passé après un dîner, en été 2005, j’étais à la guitare et Clémence au piano. On jouait et ça rendait bien. Mais c’était en dilettante. Je faisais partie de plusieurs groupes et je composais des musiques de films. Clémence venait chanter dans un de mes groupes aussi.
Clémence : Au départ, on ne pensait pas du tout à faire quelque chose, ni des concerts. On voulait rester chez nous.
Frédéric : Puis on a commencé à s’enregistrer avec le minidisc et on a vu qu’il y avait des débuts de structures. Ça s’est fait naturellement.
Quelle est la signification de 21 Love Hotel ?
Clémence : Chacun est libre de l’interpréter. Pour nous, il y a une idée de voyage. La combinaison de "Love" et "Hotel", avec tout ce qu’on peut imaginer...
Frédéric : C’est une musique de voyage, "travellings"...
Clémence : Pour 21... C’est un chiffre qui nous poursuit... surtout moi en fait...
Justement, à l’écoute de vos morceaux, on a le sentiment qu’on tient un disque pour faire l’amour. Est-ce le but recherché ? Comment s’est déroulée l’écriture du disque pour avoir cette impression ?
Frédéric : Non, on avait pas de but particulier. Cette impression vient sans doute du côté "intimiste" et du fait qu’on soit un homme et une femme, en couple. Comme d’autres je pense, je fais parfois l’amour en mettant de la musique et on a chacun des disques qui nous conviennent pour faire l’amour. On serait très honorés si des gens faisaient l’amour sur notre musique...
Frédéric, vous écrivez la musique en compagnie de Clémence. Comment s’effectue la répartition des tâches ?
Frédéric : Il n’y a rien de défini. Ça peut venir de la guitare, du
chant...
Clémence : ...d’un texte. Il faut que ce soit naturel. Si au bout d’un moment, rien ne se construit, on met le morceau de côté.
Frédéric : C’est très spontané.
Clémence, on peut facilement comparer ton chant à Beth Gibbons
(Portishead), An Pierlé ou Ambrosia Parsley. Connaissez-vous et
appréciez-vous ces artistes ?
Frédéric : On a découvert An Pierlé récemment, sur la tournée de Venus avec qui elle avait quelques dates. On a beaucoup aimé. Mais on ne se dit pas "on va faire comme telle artiste" quand on joue.
Clémence : Pour Beth Gibbons et Portishead, c’est très différent de ce qu’on fait. On a écouté le live qui est très bien...
Frédéric : Le live, c’est sûr, c’est un truc qu’on est obligé d’avoir écouté. En ce moment, on joue accompagnés de trois musiciens. Le batteur est issu du jazz, il a une super technique, le guitariste est plutôt impro noisy et le bassiste est plus jazz hardcore... Mais ensemble on ne parle jamais en terme de musique, on ne parle pas de mesures ou de tempo.. et encore moins de disques pour exprimer ce qu’on voudrait.
Clémence : On parle plus en terme de couleurs ou d’ambiances. Par exemple, on va dire "orage", c’est plus expressif. Ou on se sert des films aussi. Si tu parles d’ambiance de films de David Lynch, tu sais de suite vers où aller...
Le cinéma vous sert donc de référence ?
Frédéric : Oui, David Lynch, Miyazaki, Jarmush, Wong Kar Wai... D’ailleurs, on va participer à un festival de musiques de films au Divan du Monde parrainé par Angelo Badalamenti [la venue du compositeur a finalement été annulée ainsi que son concert avec Julee Cruise pour cause de désistement de la chanteuse, ndlr]. On va reprendre trois morceaux de Blue Velvet et Twin Peaks .
Il y a un morceau en français, Ennui (un poème de l’écrivain belge
Maurice Maeterlinck), pourquoi l’avoir repris ?
Clémence : C’est un poème de Maeterlinck extrait du recueil Serres Chaudes . Un ami metteur en scène - je suis comédienne - a adapté ce recueil au théâtre et nous a demandé de faire une B.O. Le texte nous a plu.
Sinon, les autres compositions sont en anglais...
Clémence : Oui...
Frédéric : En italien aussi, sur scène on fait une reprise de Bella Ciao.
Clémence : C ’est vrai que j’ai passé beaucoup de temps aux Etats-Unis ou en Angleterre. Par le biais du théâtre aussi j’ai été amenée à travailler des pièces en anglais. Depuis longtemps c’est une langue qui m’est très proche et dans ce projet-là, ça nous est paru clair. Un film, tu préfères le voir en anglais.
Frédéric : ...en langue originale.
Clémence : C’est évident qu’il fallait le faire en anglais.
Frédéric : Après on s’interdit pas de refaire d’autres morceaux en français comme Ennui. Comme tout est spontané, les choses arrivent. Mais je pense qu’on en fera, oui, comme on en fera en allemand...
Clémence : Voilà, et puis l’idée d’utiliser les langues, comme un moyen musical...
Frédéric : Ce qu’il y a d’intéressant dans le morceau Ennui, c’est qu’il a une musicalité vraiment différente et je pense que c’est dû à la musicalité du français même qui n’a pas les mêmes accents toniques. Ce serait tellement ridicule de faire la plupart de nos morceaux en anglais en français parce que ça perdrait son sens. Bon j’écoute pas beaucoup de musique francophone. Et c’est pas parce que tu es français que tu dois chanter en français... Personne n’a jamais insulté Björk parce qu’elle ne chantait pas en islandais, pourtant elle a un accent à couper au couteau.
Clémence : C’est vrai qu’on se pose moins la question alors qu’en France... c’est dû au quota... Même en Belgique ça pose moins de problèmes.
Frédéric : Puis l’accent français n’est pas très glamour, ça l’est dans le langage parlé mais beaucoup moins dans le chant.
Vous allez essayer de vous exporter ?
Frédéric : On va essayer...
Clémence : Sur les routes... On se dit que les choses viendront quand elles devront arriver.
Donc vous allez reprendre une chanson en italien ?
Frédéric : Oui, on reprend Bella Ciao qui est un hymne, un chant de travail du nord de l’Italie. C’est un chant du début du XXème.
Clémence : Et qui a été récupéré après...
Frédéric : Voilà... qui est devenu un chant de révolte pendant la guerre de 40 et c’est un chant qui est éminemment symbolique, qui nous parle car on a des origines italiennes et c’est un chant, tous les deux, que nous chantaient nos grands-parents quand on était petit. C’est arrivé de manière hyper spontanée, un jour...
Et des artistes français aussi que vous aimeriez reprendre ?
Clémence : Pas spécialement...
Frédéric : Pour rester dans le francophone, on va faire un tribute à Venus bientôt, c’est le webzine Le Cargo qui organise...
L’univers de la femme imprègne celui de 21 Love Hotel. Avec des titres comme Gabriella’s Wing, The Ballad Of Lorelei ou Lonely Lady. Quelles sont les histoires que vous racontez dans vos chansons ?
Clémence : En fait c’est vrai... Le nom qu’on avait donné à cette petite démo c’est Black Box And Other Stories . Avec l’idée qu’il y avait un livre noir et que les autres histoires, ça faisait comme un prisme. C’est pas une sorte de narration, ce serait plutôt des mini-contes. Et j’aime bien l’idée de créer des univers à chaque fois et pour l’instant, c’est uniquement des héroïnes, parce que quand tu commences vraiment à écrire dans un projet, au début, tu te centres sur toi avant d’arriver à vraiment parler des choses qui sont
complètement extérieures et puis tu cherches un peu... j’aime bien l’idée
d’héroïnes comme Alice Au Pays Des Merveilles, j’aime pas mal les contes gothiques aussi avec les petites filles perdues, ce genre de choses. La Ballade de Loreleï c’est le mythe de la sirène qui attire les marins sur le Rhin et qui fait échouer tous les bateaux. J’aime bien ce genre de références qui appartiennent déjà à un imaginaire ou au mien.
Frédéric : Ouais, c’est du western féminin. Moi je suis féministe. Je trouve que c’est bien, y a 5 ou 6 ans y avait pas beaucoup de filles qui n’étaient pas uniquement chanteuses. C’est récent et c’est une super bonne chose. On a le droit de faire du rock, de la folk en étant une femme. C’est pas que c’est mieux mais c’est bien...
J’ai aussi l’impression qu’il y a une opposition entre les grands espaces et le côté intimiste...
Clémence : C’est comme on disait, il y a l’idée de la route, un des voyages qui nous a marqué c’est le désert, justement. L’idée comme ça, on l’a un peu synthétisé dans le petit texte complètement fantasmé qu’on a mis en ligne, qui ouvre à l’étendu, à des espaces, c’est très important. Et en même temps, il y a le cocon de 21, enregistré dans un petit espace, on est que deux. Il y a ces deux choses qui se rencontrent.
Frédéric : Je trouve que justement, dans la confrontation avec les grands espaces, tu es encore plus un petit individu. C’est pas parce que tu es en plein milieu du désert que tu fais corps avec ce qui est proposé en face de toi... au contraire, tu es encore plus un petit élément et ce serait hyper prétentieux de vouloir faire la musique de l’horizon. C’est comme quand tu vas dans un pays qui est éloigné de ta propre culture et l’idée qu’il voudrait être tout mais qu’il n’est que lui. C’est encore un prisme...
Quel est l’avenir proche de 21 Love Hotel ?
Frédéric : Y a le festival sur les musiques de Lynch, le tribute to Venus... puis des concerts.
Clémence : Il va certainement y avoir une sorte de petit festival itinérant avec un plateau de quatre groupes : nous, Versari, Carp et Red Eye.
Frédéric : On va aussi contacter des petits labels.
Clémence : Nous on continue, on ne va pas attendre un label pour travailler. Pour l’instant, il y a déjà pas mal de travail...
Propos recueillis samedi 31 mars. Un très grand merci à Clémence et Frédéric pour leur disponibilité et leur gentillesse.
Pour découvrir 21 Love Hotel, rendez-vous sur leur page myspace.
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