Espen Lund - Vitnesbyrd

1. Det Nye Jerusalem
2. Med Svidde Venger, I Torden Og Skinnande Herlegdom
3. O Tid, Dine Pyramidar

2025 - Bloxham Tapes

Sortie le : 7 mars 2025

Espen Lund

Il y a quatre de cela, Espen Lund ouvrait avec son dernier album en date les portes de l’enfer. Le voici qui revient en formation élargie pour délivrer un  Vitnesbyrd  vibrant, digne successeur dAetonal. 

Si ce dernier dépeignait un monde crépusculaire en pleine déliquescence, comme une mise en partitions de l’univers désespéré du peintre polonais Beksiński, il émane de  Vitnesbyrd  quelque chose de l’ordre de l’après. "Qu’y a-t-il après la fin ?" semble interroger le trompettiste norvégien, maître de l’amplification des cuivres. Et au regard de ce à quoi il a pu nous habituer, on apercevrait presque une lueur d’espoir. Moins monolithique,  Vitnesbyrd offre davantage de nuances à la palette musicale d’Espen Lund. Doit-on y voir l’apport de ses comparses Bjørn OgnøyJonas Hamre et Jard Hole (respectivement au violoncelle, au saxophone et à la batterie) ? Assurément, la chaleur apportée par les plaintes graves d’Ognøy ou la pulsation rythmique martelée par le percussionniste offrent davantage de repères aux auditeurs qui en étaient jusqu’alors privés. En ce sens, ces trois (longs) morceaux, s’éloignent (un peu) de l’abstraction drone pour se rapprocher du jazz. Det Nye Jerusalem, par exemple, rôde sur les terres d’un Morricone post-apocalyptique : un western spaghetti à l’époque de "Mad Max", "Les Sept Mercenaires" sonorisés par Glenn Branca. Certes, l’optimisme ne saute pas aux yeux. Mais il y a de la vie là où les gouffres sans fond dAetonal  ne s’emplissaient que du son des trompettes du Jugement Dernier. 

Pour autant, la fureur électrique n’a pas déserté le pavillon d’Espen Lund. Med Svidde Venger, I Torden Og Skinnande Herlegdom, grandiose envolée bruitiste, insuffle une certaine pompe à l’aridité de son propos et rappelle que le quatuor sait encore faire pleuvoir un déluge de métal en fusion. Le mégalithe funèbre O Tid, Dine Pyramidar, sombre et atmosphérique, laisse davantage de place au silence et clôt l’album avec majesté. Vitnesbyrd ne contient que trois titres, mais gageons qu’ils sauront rassasier, autant par leur longueur parfaitement ajustée que par leurs qualités intrinsèques, les oreilles les plus exigeantes. Quant aux esthètes et autres collectionneurs impénitents, ils ne seront pas en reste : le label londonien Bloxham Tapes leur a concocté une édition cassette des plus soignées dont il reste encore, à l’heure où nous écrivons ces lignes, quelques exemplaires. 

Un peu de lexicologie pour finir. Vitnesbyrd, en norvégien, signifie "témoignage". Celui que nous livre Espen Lund, de retour des Enfers, est aussi poignant que saisissant. Chef-d’œuvre.


( Ben )


Disques - 03.04.2025 par RabbitInYourHeadlights