The Magnetic Fields - Distortion

Attention jeune fan des Klaxons, sous sa pochette rose bonbon, Distortion n’est pas un album pour fluokids, juste le huitième album des Magnetic Fields en forme de concept ambigu tournant autour de la noisy pop. Au delà de la simple relecture d’un son, Distortion s’impose comme une nouvelle étape passionnante dans la discographie foisonnante d’un songwriter exceptionnel.

1. Three-Way
2. California Girls
3. Old Fools
4. Xavier Says
5. Mr Mistletoe
6. Please Stop Dancing
7. Drive On, Driver
8. Too Drunk To Dream
9. Till The Bitter End
10. I’ll Dream Alone
11. The Nun’s Litany
12. Zombie Boy
13. Courtesans

date de sortie : 15-01-2008 Label : Nonesuch

Depuis le pantagruélique triple album 69 Love Songs, tout à la fois somme des influences de son auteur et formidable vivier de la musique américaine, Stephin Merritt s’est mis en tête de sortir des albums aux concepts plus ou moins fantasques. Après le déceptif I sorti il y a quatre ans, dont les chansons débutaient toutes par la neuvième lettre de l’alphabet, les Magnetic Fields sont de retour avec un album entièrement dédié, comme son nom l’indique, à la distorsion, avec comme objectif « de sonner plus Jesus And Mary Chain que les Jesus And Mary Chain eux-mêmes », Stephin Merritt précisant au passage que pour lui, Psychocandy était le dernier grand album fondamental de l’histoire du rock.
La problématique ainsi posée, on est en droit d’être sceptique quand à l’intérêt d’un tel projet, d’autant plus que les Magnetic Fields ne sont pas les premiers à tenter de se réapproprier le son des frères ennemis écossais, certains en ayant même fait leur fond de commerce (The Raveonettes, au hasard), heureusement avec un peu plus de réussite et de talent que d’autres (à peu près tous les autres). Mais c’est un peu vite oublier que Stephin Merritt est avant tout un fascinant architecte sonore, fan de Phil Spector, des comédies musicales de Cole Porter et de... ABBA, capable de transformer un pastiche de synth-pop en chef-d’oeuvre inusable (cf l’album Holiday en 1994 et son petit frère indissociable, The House Of Tomorrow ). Le songwriter le plus misanthrope de l’indie rock américain réussit donc dans son entreprise de recréer cette utopie un peu folle des frères Reid, à savoir parvenir à concilier deux entités à priori antinomiques : la mélodie, travaillée, construite et malléable et le bruit, par définition socle monolithique, brut et imperméable à toutes interventions extérieures. Cette distorsion, Stephin Merritt la pousse à son paroxysme, l’appliquant non seulement aux guitares mais aussi à tous les autres instuments : piano, batterie, violoncelle, accordéon... essayant d’ériger les murs du son d’une enclave où les mélodies ainsi préservées, deviennent la pierre angulaire, la base essentielle de chaque chanson. L’introductif Three Ways, instrumental Pixien, ouvre ainsi les portes d’un disque dense et opaque mais pourtant resserré en moins de quarante minutes. Shirley Simms assure la moitié du chant du disque avec sa voix de Cindy Lauper indie, en contrepoint idéal de la voix de basse désabusée de Stephin Merritt, et pourfend la futilité et la superficialité (« I hate California girls »), dès le deuxième morceau, sorte de sunshine pop noyée dans un larsen salvateur. Old Fools, chanson typiquement magnétique dresse un rideau de bruit blanc sur lequel vient s’échouer un piano dégoulinant, dessinant les contours d’un son tout à la fois sale et caressant. Tout au long de Distortion, Stephin Merritt ne se détache pas de son ironie acide et mordante, dressant toute une galerie de portraits de personnages absurdes comme cette religieuse qui rêve d’obscénité (The Nun’s Litany) et compose même un nouvel hymne dépressif à la biture (Too Drunk To Dream).
Please Stop Dancing a même les allures du tube que les Magnetic Fields n’obtiendront probablement jamais mais on se doute que Stephin Merritt enfermé dans sa misanthropie légendaire, n’en a que faire. Distortion est un ultime pieds de nez à un monde qui l’ignore et le reflet d’une certaine ambition proche de sa mégalomanie : occuper de façon optimale le maigre espace qui lui est imparti en ne laissant aucune marge de manoeuvre au vide et à l’inconsistance, voilà le credo de ses Magnetic Fields, groupe fondamental depuis près de 20 ans.

Chroniques - 27.01.2008 par Aurelien
 


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