Selah Sue - Selah Sue

Après l’excellent EP Black Part Love, Selah Sue se livre enfin sur un format plus long. La Belge n’en finit d’ailleurs pas de nous étonner tant elle sait, tel un caméléon, varier les plaisirs (et les registres) d’un morceau à un autre. Et même bien souvent au sein d’une même composition...

1. This World
2. Peace Of Mind
3. Raggamuffin Voir la vidéo Selah Sue - Raggamuffin
4. Crazy Vibes Voir la vidéo Selah Sue - Crazy Vibes
5. Black Part Love
6. Mommy
7. Explanations
8. Please (feat. Cee-Lo Green)
9. Summertime
10. Crazy Sufferin Style
11. Fyah Fyah
12. Just Because I Do

date de sortie : 07-03-2011 Label : Because Music

Pour ce genre d’exercice, l’utilisation de la première personne du singulier ne fait pas partie de mes habitudes. Par pudeur, probablement. Pourtant, pour parler de ce premier album de Selah Sue, étant un fan de la première heure, il m’était impossible de garder ce ton neutre. Le rapport que j’ai avec la musique de cette jeune artiste ne s’explique pas. Il tient d’ailleurs à peu de chose.

Ou plutôt à un grand monsieur puisque sans le génial Moby, qui permit au public français de découvrir la jeune Belge en lui accordant un duo sur une reprise de Walk On The Wild Side, je n’aurais sans doute jamais eu l’idée de creuser la (jusqu’alors) mince discographie de la chanteuse. Celle-ci se résumait en effet à l’époque à l’EP Black Part Love, signé en 2008 et évoqué plus haut, sur lequel on retrouvait notamment son titre phare, Raggamuffin.

Autant le dire tout de suite, et éviter ainsi aux esprits les plus étroits de perdre davantage leur temps, Selah Sue, ce n’est pas du rock. Loin de là. Sa formidable voix soul capable de monter dans les aigus constitue l’un des principaux atouts de la native de Louvain qui se révélait sur ce premier EP capable de composer à l’envie de redoutables mélodies du calibre de Fyah Fyah ou Explanations, ritournelles quasi-acoustiques imparables.

D’accord, mais ce premier album, que vaut-il ? On pouvait ainsi légitimement redouter que, victime d’un relatif succès populaire, l’artiste sombrerait dans une facilité lui permettant de s’inviter dans toutes les émissions de variété du PAF...

Crainte confirmée dans un premier temps, puisque trois ans après son EP initial, j’ai d’abord tiqué à la réception de cet album. Déjà, la pochette donne dans le mauvais goût, Selah semblant parodier Amy Winehouse et donner ainsi raison à ceux qui la comparent volontiers à cette dernière. Si du côté capillaire et au niveau de la voix, ceci se tient, ils occultent évidemment la classe nettement plus développée et évidente chez la Flamande. Autre aspect justifiant cette première réception mitigée : sur les douze morceaux de l’album, on retrouve les cinq présents sur l’EP. En trois ans, l’auteur de Black Part Love n’aura composé que sept nouveaux morceaux...

Et puis, il faut bien avouer que la première écoute m’a dérouté. Pas évident en effet de quitter le petit cocon que Selah Sue avait fini par créer avec ces cinq ritournelles presque acoustiques, pour retrouver cette fois-ci une ambiance moins minimaliste et de nombreux changements de rythme (et de style) au sein d’un même morceau.

Mais en insistant, et en acceptant de se laisser guider par la jeune guitariste, ce côté imprévisible (je citerai le remarquable titre introductif This World dont le démarrage aux accents trip-hop mène finalement contre toute-attente vers des rythmiques aux accents jazzy) fait la richesse de cet album, bien plus audacieux qu’on n’aurait pu l’imaginer.

Selah Sue est suffisamment talentueuse pour nous conduire là où elle le souhaite et nous surprendre à n’importe quel moment. Elle devient même encore plus sympathique lorsque, en plus des thèmes habituels de ses chansons (son adolescence douloureuse durant laquelle elle s’invita chez de nombreux psychologues), elle dissimule quelques piques lancées vis-à-vis d’une industrie du disque avec laquelle son conflit rendu public justifie peut-être, finalement, les trois ans d’attente avant ce premier essai...

La thèse de la page blanche est même définitivement écartée puisque, si l’on retrouve bien ici les 5 morceaux du premier EP de la chanteuse, ceux-ci ont été retravaillés à un point tel que l’on peine parfois à leur trouver des points communs avec les versions originales. Je fais ainsi référence à Black Part Love dont le faux-rythme redoutable laisse s’intercaler des transitions dont les claviers rappellent la patte de Moby. Je ne peux également que recommander Fyah Fyah, déjà splendide dans sa précédente version, qui constitue ici l’un des grands moments de l’album. On croirait retrouver les cuivres des plus belles heures de Morcheeba dominés par la voix soul de notre Belge préférée. Même Explanations, dont le lifting est sans doute le plus léger, a été bonifié par ces passages sur lesquels les cordes s’invitent au second plan...


"Lorsque je compose un morceau, s’il sonne bien et qu’il me plaît, il n’a pas besoin d’être rangé dans un style spécifique. Les gens qui n’ont entendu que Raggamuffin me placent dans la catégorie artiste reggae, mais c’est faux, je suis autant une artiste reggae que dubstep, hip-hop ou drum’n’bass" estimait récemment Selah Sue.

Personnellement, à part effectivement sur Raggamuffin (et encore), je n’ai jamais ressenti le côté "reggae" de la musique de la chanteuse. Tant mieux d’ailleurs. En revanche, il est indéniable, je me répète, que celle-ci est toujours aussi à l’aise quel que soit le registre. Sur Peace of Mind, elle débite ainsi un flow extrêmement convaincant et proche du hip-hop pour un résultat rappelant certains sommets du premier album de Mongrel. En duo au côté de Cee-Lo Green sur Please, elle développe sa face soul avec brio.

Elle clôt même ces quarante six minutes avec l’excellent Just Because I Do, qui pourrait donner le ton de ce que sera son prochain album, celui-ci s’annonçant déjà "beaucoup plus électronique, la musique permet l’évolution alors pourquoi s’en priver ?"...

Mais cette projection est bien lointaine, et pour l’instant cette galette suffira à notre bonheur, pour peu que l’on se résigne à se laisser surprendre à chaque écoute, abandonnant définitivement à Selah les clés de ce disque dont on ne maîtrise finalement jamais le destin... C’est peut-être là d’ailleurs l’un de ses points faibles, puisqu’on a parfois l’impression de passer du coq à l’âne sur un ou deux enchaînements.

Rien de bien grave en tout cas. Et pour les réticents qui n’auront pas aimé cet album, n’hésitez pas à y revenir, il fait partie de ceux qui se méritent. A défaut, il conviendra de revenir vers ce Black Part Love initial au format peut-être plus adapté pour les néophytes. Car je l’ai déjà dit, Selah Sue est un véritable caméléon capable de jongler avec les styles musicaux. Ainsi, avec une telle voix, il serait fort étonnant que vous ne trouviez nullement votre compte dans les compositions de la jeune musicienne.

Chroniques - 12.03.2011 par Elnorton
 


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