L’oeil sur 2025 - 33 morceaux préférés (par Rabbit)
Comme souvent j’attaque mes classements de fin d’année par la sélection qui m’est la plus difficile, et avec elle ses sempiternels questionnements : faire une place à quelques-uns de ces impressionnants crescendos ambient, jazz ou noise qui émailleront mon bilan albums, ou rester "pop" - non pas comme dans "pop music" mais en privilégiant des morceaux accrocheurs, que l’on a envie de réécouter encore et encore ? Se limiter aux chansons au sens strict (comprenant forcément, donc, des vocalises et des paroles) ou autoriser les instrumentaux au risque de se retrouver confronté à des choix encore plus cornéliens ?
Et comme souvent la solution s’est imposée d’elle-même : "choix 2" puis "choix 2". Instrumentaux il y aura bel et bien, parfois ardus mais toujours appréciables à répétition hors du contexte du disque dont ils sont tirés, et beaucoup de rap également, puisque même aux antipodes de cette "nouvelle pop" à laquelle il es désormais de bon ton d’assimiler son incarnation la plus racoleuse et radiophonique, le hip-hop, le "vrai", y compris dans le foisonnement de l’underground, reste une formidable fabrique de tubes instantanés.
33. Homeboy Sandman & Brand The Builder - Artillery (feat. Georgia Anne Muldrow)
L’écriture goguenarde d’Homeboy Sandman et le flow azimuté de la productrice de Declaime ou Dudley Perkins, trop rare au micro ces dernières années, le tout sur un instru baroque à souhait de Brand The Builder : forcément c’est la régalade.
32. James Yorkston feat. Nina Persson - With Me, With You
Si les contributions vocales trop passe-partout de la chanteuse de First Aid Kit, Johanna Söderberg, ont limité mon appréciation de l’album, celles de Nina Persson, sans égaler les plus belles réussites de son hôte James Yorkston ou les siennes en solo (en particulier sous le pseudo A Camp), ont indéniablement leur charme, en particulier cette ballade romantique que j’avais découverte en concert en 2023.
31. Brother Ali & Ant - Head Heart Hands
C’est dans l’immédiateté mélodique teintée de guitare électrique et de psychédélisme discret d’un morceau tel que celui-là que cette collab entre le rappeur du label Rhymesayers et le metteur en son d’Atmosphere se rapproche pour notre plus grand bonheur des instantanés de ces derniers à la grande époque d’un Seven’s Travels.
30. Macie Stewart - Disintegration
Entre field recordings et orchestrations en déréliction, le bien-nommé final du chef-d’oeuvre When the Distance is Blue n’en irradie pas moins, surtout quand le piano s’en mêle, d’une irrésistible et entêtante mélancolie qui n’est pas sans évoquer Hildur Guðnadóttir ou le regretté Ryuichi Sakamoto.
29. Jak Tripper x Aloeight - Under The Steps (feat. Wakizashi Jabberwockyz)
Le quasi meilleur album rap de l’année 2025 réserve au duo Omegah Red/7’Rinth en feat. son sommet d’angoisse cinématographique, émaillé de breaks morriconiens probablement samplés sur quelque soundtrack du Maestro pour Dario Argento ou Lucio Fulci (les harmonies des choeurs et des violons ne trompent pas).
28. Tortoise - Promenade à deux
Si le nouvel opus des génies chicagoans m’a un peu laissé sur ma faim, on y trouve de beaux restes de leurs faits d’armes passés, à l’image de ce Promenade à deux dont les pulsations deep et la mélancolie électro-acoustique télescopant marimbas, violons et synthés auraient pu faire office de transition idéale entre Standards (2001) et It’s All Around You (2004).
27. Tom Caruana - Influential (feat. Supastition & Boog Brown)
Difficile de tirer un track en particulier de cette usine à tubes signée Tom Caruana, mais Supastition est en feu et Boog Brown inspirée dans l’exercice casse-gueule du refrain féminin dans le rap sur cet Influential au groove à la fois minimaliste et enchanté.
26. Rauelsson - Prelude No. 7
Un sommet d’épure que cette ouverture aux cordes évanescentes du merveilleux Niu, et pourtant là aussi, comme pour Macie Stewart dont on parlait plus haut, l’émotion qui s’en dégage (en particulier dans sa seconde moitié à la Max Richter) invite à la réécoute, avec ou sans le reste du disque.
25. Chantal Acda - The Whale
Toute la mélodicité de la Néerlandaise Chantal Acda semble condensée sur ce morceau introductif - et homonyme - de son dernier album, le genre de classique instantané que l’on a hâte de redécouvrir en concert débranché, bien que la finesse de ses arrangements soit de toute beauté.
24. SCVTTERBRVIN - Dr. Killemoff
J’en avais parlé dans ce podcast, le premier extrait de Cabaret Voltaire s’est également révélé être le plus beau titre de l’album et de loin, idéal de spleen baroque aux fascinantes mélopées francophones (si vous avez la réf du sample aux allures de Françoise Hardy, n’hésitez pas à vous manifester).
23. Luke Haines & Peter Buck - Sufi Devotional
Comme on le disait ici, son association avec le guitariste des défunts R.E.M. a tiré Luke Haines d’une trajectoire en demi-teinte, jusqu’à culminer cette année sur ce Sufi Devotional aux gimmicks mélodiques increvables et aux faux airs surréalistes de Pixies du début des 90s.
22. Pulp - Got to Have Love
J’ai bien accroché à ce nouveau Pulp et à ses accents northern soul, mention spéciale à ce petit tube métissé - et orchestré - dont même la dimension disco (un genre que je honnis) fonctionne à plein régime grâce au lyrisme décomplexé de Jarvis Cocker.
21. Moor Mother feat. Wooden Elephant, Beethoven Orchester Bonn & Dirk Kaftan - LA92
En parlant d’orchestrations, cette relecture symphonique - mais toujours aussi ténébreuse et tendue - par Moor Mother de son chef-d’oeuvre de 2019 Analog Fluids Of Sonic Black Holes finira très haut dans mon bilan de l’année, avec une affection toute particulière pour les cordes et cloches solennelles à la Carter Burwell de ce LA92 qui nous donnerait presque l’impression d’être dans une version urbaine et cauchemardée de "Fargo".
20. Elie Zoé - change my name
Toute l’intensité écorchée d’Elie Zoé et de sa difficile réinvention personnelle dans ce morceau en deux temps, entre tourments incandescents et élégie chorale, sommet du beau et bien-nommé Shifting Forms dont on touchait un mot ici.
19. Slick Rick - Stress (feat. Giggs)
Si ce retour pourtant pour le moins concis du grand Slick Rick se perd trop souvent en morceaux dansants assez quelconques, il n’en contient pas moins quelques pépites, à commencer par ce single dont la fluidité du groove et les gimmicks heurtés évoquent le meilleur des productions de Q-Tip ou feu J Dilla.
18. Herbert & Momoko - Someone Like You
Le touche-à-tout Matthew Herbert en mode pop brésilienne sur un rythme de batucada, avec l’irrésistible Momoko Gill au micro, particulièrement libre et inspirée sur ce titre d’une fraîcheur mélodique délicatement jazzy.
17. AJ Suede - Own Plate (feat. Milc)
Podcastée ici en début d’année, une miniature rap enchanteresse dont la boucle au spleen romantique semble sortie tout droit d’un soundtrack du grand Henry Mancini.
16. Blonde Redhead - Oda a Coda
"Une relecture assez merveilleuse du crève-coeur For the Damaged Coda (conclusion de Melody of Certain Damaged Lemons qui fêtait justement le quart de siècle cette année), entre cuivres mariachi et orchestrations de toute beauté", écrivais-je ici sur ce petit bijou auquel deux minutes suffisent pour déployer sa chaleureuse mélancolie latine.
15. Ill Clinton - Halitosis (feat. Goretex & Vas)
Quand Ill Clinton (dont le retour en long format est annoncé pour janvier avec du beau monde au micro... hâte) retrouve son ogre de poulain, Vas Vigoda, pour lequel il avait produit l’un des tout meilleurs albums hip-hop des 10s, la dystopie prend des allures d’épopée du côté obscur.
14. Jozef De Schutter - Perséides
L’instantané mélodique le plus désarmant d’un EP modern classical qui n’en manque pas, le tout sur un label qui a encore brillé en la matière cette année.
13. The Divine Comedy - The Man who Turned Into a Chair
On ne dira jamais assez à quel point le premier tiers du dernier The Divine Comedy nous a réconciliés avec les plus belles heures du songwriting de Neil Hannon, même si la suite du disque n’est pas vraiment à la hauteur. Il y a ainsi une indiscutable vibe à la Burt Bacharach sur ce petit bijou nostalgique qui n’aurait pas dépareillé sur Victory for the Comic Muse.
12. Nuse Tyrant x Trust One - Trust Nuse
Le talentueux MC et beatmaker du label M25 n’a pas tout à fait égalé l’excellent NUTSO avec ce nouveau long format, mais son final là aussi en deux temps façon piste cachée est à lui seul un petit monument de rap ambivalent, dont le spleen saillant se mue à mi-parcours en angoisse cuivrée façon film noir (Bernard Herrmann much ?).
11. Sven Wunder - Turning Tides
Là encore ce fut une gageure de choisir un morceau, le 5e opus du jazzman suédois féru de library music regorgeant de pépites au lyrisme envoûtant. Entre sa section rythmique à la David Axelrod et ses cordes soul presque féériques rappelant le meilleur d’Adrian Younge, Turning Tides a tiré la courte paille.
10. Public Enemy - Messy Hens
Chuck D et Flavor Flav ont sorti cette année leur meilleur album depuis au moins 2007, et ce Messy Hens emmené au mic par le second en est le joyau noir, abrasif, entêtant et percutant comme à la grande époque des instrus du Bomb Squad, Chuck D lui-même participant à la production de ce titre.
9. Zack Ryan - Still Here
Il y a deux thèmes de bandes originales dans cette sélection, étrangement tous deux tirés de films de Steven Soderbergh, pourtant on ne peut plus différents à l’image comme à la musique. On commence avec celui, troublant et capiteux, de Zack Ryan qui marche pour son score de "Presence" sur les traces du Jerry Goldsmith de "Basic Instinct", entre accords mineurs au piano et orchestrations insidieuses : idéal pour ce film de présence fantôme au sein d’un cocon familial à la communication dysfonctionnelle.
8. Big O$o - An Odd Winter (feat. 7 Arm’d Labyrinth)
Quand deux compères rappeurs/producteurs férus de culture japonaise, Ichiban Hashface aka Big O$o et 7’Rinth aka 7 Arm’d Labyrinth, se retrouvent après les quelques années de hiatus du premier, ça donne un nouveau sommet de mélancolie tristounette au son - probablement - d’un sample d’animé nippon gondolé à la SP-404.
7. From the Mouth of the Sun - The Last Shepherd
Il fallait bien quelques tracks plus expérimentaux dans le lot, et autant dire que mon futur [spoiler on] album de l’année [spoiler off] ne manquait pas de sommets en la matière, à commencer par ce terrassant crescendo démarrant sur de l’ambient crépitante pour culminer sur l’irrésistible tension tribale d’un post-rock incantatoire et habité aux arrangements piloérectiles.
6. Ramson Badbonez - Hijack
On a l’habitude des albums blindés de tubes à la fois accrocheurs et insidieux avec le rappeur britannique du label High Focus, cette fois c’est Leaf Dog qui régale à la production avec pour résultat l’un des plus beaux albums du bonhomme, dont ce Hijack est pour moi le sommet de sampling baroque et anxieux.
5. Watine - Dessine-moi la mer
Je finirai bien par vous toucher deux mots, très haut dans mon bilan albums, de cette dernière merveille en date de Catherine Watine, qui après sa magnifique quadrilogie électro-ambient et autres incursions néo-classiques s’attaquait cette année à la chanson française versant pianistique, philosophique et affligée, avec une infinie délicatesse et une finesse peu commune dans les arrangements. Avec son atmosphère endeuillée aux accents presque funestes, cette méditation sur le temps assassin en est un parfait aperçu.
4. Clark - Globecore Flats
Il n’y avait que Clark, l’un des derniers beatmakers mythiques de la grande époque du label Warp - avec Autechre bien sûr - à ne pas être tombé en panne d’inspiration, pour accommoder avec un tel sens de l’atmosphère drum’n’bass et modern classical au piano préparé, un véritable ovni même pour lui qui renvoie, quelque part, au meilleur d’Emika.
3. David Holmes - Black Bag
Autre BO pour Soderbergh donc, celle de son formidable film d’espionnage Antonioni-esque sur fond d’incommunicabilité dans le couple, "Black Bag" aka "The Insider" en français, et cette fois c’est l’habitué David Holmes qui s’y colle entre abstract et électronique, avec le sens du groove inquiétant dont le génial metteur en son des "Ocean’s" est capable à son meilleur.
2. Sacco & Vanzetti - DUCKS
J’avais déjà tout dit ici : "un chef-d’oeuvre de groove psyché/tribal qui fera rire jaune jusqu’à la gêne n’importe quel anglophone avec son allégorie de la connerie humaine appliquée à la vie sexuelle douteuse de nos amis les canards et à la cruelle confection du foie gras." Ducks, what the fuck ?
1. Kelly Moran - Reappearing
Une pure tranche de scintillement solaire prélevée à la source par la future Ryuichi Sakamoto de sa génération, partie pour sauver le label Warp à elle toute seule. Tout est dans la chronique, sauf les frissons et les larmes de bonheur que procure irrémédiablement la réécoute de ce bijou.
Bonus autopromo :
Moki Mcfly + Konejo - The Chains
Assez fier de cette collaboration avec le beatmaker et batteur philippin du Luneta Freedom Jazz Collective, d’autant plus dans le contexte d’une compilation de mon label préféré des années 2020, l’écurie bulgare Mahorka. Et puis à tout prendre, à force de mixage et de remixage, c’est probablement le morceau que j’ai le plus écouté en cette année 2025 - qui fut certes assez paresseuse du côté de mes projets musicaux Konejo et Aries Death Cult, mais à charge de revanche en 2026 !
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