Retour élégant mais quelque peu déroutant pour l’Allemand Apparat, qui en s’attaquant au drone post-classique majestueusement orchestré d’un label tel que Bedroom Community (Valgeir Sigurðsson et Ben Frost en tête) perd en personnalité ce qu’il gagne en ampleur lyrique et texturée.

Bande-son retravaillée d’une adaptation contemporaine de Guerre et Paix par le metteur en scène de théâtre Sebastian Hartmann enregistrée en compagnie d’un ensemble de 30 musiciens, Krieg und Frieden fait écho au foisonnement du récit de Tolstoi en alternant chansons atmosphériques (LightOn) et abstractions métaphysiques (Blank Page), crescendos de lyrisme orchestral mâtinés de piano massif (Austerlitz), de percussions graciles ou de zébrures électroniques (K&F Thema) et passages plus méditatifs flirtant tour à tour avec la musique de chambre (les mélancoliques 44 et K&F Thema Pizzicato) ou avec le bruit blanc (Tod).

Ainsi, 44 (Noise Version) semble à la fois rendre hommage au minimalisme lunaire de Brian Eno et titiller les nappes sismiques d’un Tim Hecker mais si l’on sent poindre derrière les denses entrelacs soniques de Sascha Ring ce fatalisme résigné qui irrigue le roman-fleuve de l’écrivain russe, l’exercice demeure un brin scolaire au regard de ce que l’Allemand maîtrise le mieux depuis The Devil’s Walk  : les mélodies ferventes et les arrangements luxuriants, qu’il s’agisse de LightOn aux accents de soul moderne sur fond de dub aggloméré et de guitare pincée, ou du déjà connu A Violent Sky qui clôt le disque sur un sommet de ferveur éthérée.

Au final, difficile de savoir après une paire d’écoutes si l’album finira par imposer la puissance de sa narration instrumentale ou par perdre Apparat dans la masse des musiciens de talent sans véritable identité, mais quoi qu’il en soit gageons que PV, judicieusement positionné en milieu de disque, saura mettre d’accord même les plus réticents avec sa progression dévastatrice d’où émergent sans crier gare batterie martiale et cuivres épiques.