Le streaming du jour #1300 : Backburner - ’Eclipse’

Jusque dans le vortex luminescent de sa pochette évoquant cette fois la froideur surnaturelle d’une nuit d’éclipse propice aux rencontres du troisième type, ce deuxième véritable album du collectif alt-rap d’Halifax reprend les choses là où Heatwave les avait laissées il y a 4 ans sur le même label Hand’Solo, à savoir pile en équilibre entre good vibes funky de nerds en bermuda blindées de grooves rondelets et de name-dropping improbable, et bad trips façon séries B qui jouent à se faire peur en télescopant SF geek, pop culture prépubère, mythes revisités et autres allégories surnaturelles sur fond de tension au cordeau et d’angoisses véritables.

Pas étonnant que les Beastie Boys se trouvent samplés une bonne demi-douzaine de fois sur cet Eclipse, le crew canadien aux flows hauts en couleur partageant avec ses aînés new-yorkais un goût marqué pour les contrastes entre délires dixième degré, érudition du son (cf. l’épure blaxploitation d’All City, les rembobinages déliquescents de Creepy Crawly ou le boom bap baroque de Future Shock, parfait triptyque aux basses jazzy sonnant comme à la belle époque des ATCQ et autres Digable Planets) et sincérité sous-jacente allant des madeleines de Proust adolescentes que ravivent les soirées arrosées entre potes (Bottle Caps) aux fantasmes d’excès sans conséquence (le salace Bad Lieutenants) en passant par l’évident mal-être d’inadapté qui sous-tend les spleenétiques Scarecrows et Idea Junkies - produits par Savilion avec ses deux compères de Swamp Thing au micro.



Un continuel retour vers le futur qui fait donc honneur plus d’une fois au film du même nom (du bien-nommé DeLorean à l’épique Nothin’ Friendly Pt 2 dopé aux cuivres du compositeur Alan Silvestri), réinvente le trap versant gothique engourdi aux chœurs Björkiens dHomogenic (les vocalises de l’Islandaise n’avaient jamais sonné aussi fantomatiques que sur le rampant Goon To A Goblin) ou offre un petit frère hyperactif au coolissime Lifers de l’opus précédent, riffs de guitare à la Californienne et flows décontractés du gland sur l’imparable Death Defy qui fait de nouveau la part belle au phrasé nonchalant du génial Timbuktu - entouré notamment de Chokeules, Wordburglar ou encore More Or Les retrouvant tous pour l’occasion le fidèle Mister E aux manettes, dénominateur commun parmi d’autres entre les sorties de tous ces rappeurs en roue libre.

Quant au milieu d’album, on y trouve trois tueries sidérales, les effluves orientaux du morceau-titre faisant écho au hip-hop égyptologique d’un Golden Empire réussissant là où City Rising From The Ashes de Deltron 3030 s’était lamentablement cassé les dents il y a deux ans, tandis qu’In The Place s’impose aisément comme le manifeste tardif de cette fine équipe : un festival de couplets de bravoure où surnagent un Jesse Dangerously fou comme feu Ol’ Dirty Bastard, Mister E en surtension d’emblée et décidément trop rare au micro et The Mighty Rhino en guest pour un final au bord du pétage de plombs, Fresh Kils signant pour l’occasion un véritable instru d’anthologie - guitare sèche habitée, synthés menaçants, beats martelés et cerise sur le gâteau, les scratches d’Uncle Fester confrontant aux punchlines des principaux intervenants celles de leurs figures tutélaires précitées, j’ai nommé les BB, encore eux... et par quelque indéfinissable magie des samples et du talent on n’y voit que du feu.


Streaming du jour - 05.05.2015 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
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