Top albums - avril 2021

Un top mensuel à contre-courant du printemps et du déconfinement qui appellent à s’éloigner un temps de nos systèmes d’écoute... qu’importe, en extérieur ou non, restons masqués et surtout bien casqués à la (re)découverte d’un mois d’avril riche en sorties qui marqueront l’année, dont la vingtaine d’albums et d’EPs ci-dessous ont encore laissé de côté pas mal de petits frères moins rassembleurs à explorer via les tops rédacteurs, le podcast ou l’agenda !




Nos albums d’avril 2021



1. Babelfishh - Coma Worthy

Rescapé de la grande période du label anglais Decorative Stamp de James P. Honey (dont le spoken work nasillard s’immisce sur quelques titres ici, à l’image de Atop an Old Building in Reno) et Jamesreindeer, celle aussi où son cousin américain toujours actif pour sa part, le passionnant I Had An Accident Records, faisait encore le grand écart entre hip-hop singulier et expérimentations plus ambient ou noisy, Babelfishh partageait cette scène passionnante de fossoyeurs de l’indie rap avec d’autres marottes d’IRM qui se font rares voire carrément absentes aujourd’hui telles que Papervehicle, FRKSE, Oskar Ohlson (avec lequel il co-signait l’excellent We’d Rather Not chroniqué à l’époque dans nos pages), Evak, Edison ou Filkoe - plus d’un croisés par ailleurs chez les défunts WORK. Autant dire que c’est un petit évènement que de retrouver le Washingtonien Scott Huber, après quelques années aux sorties plus espacées, avec un chef-d’œuvre absolu de rap lo-fi sans concession dopé à la noise, à l’indus et aux productions de Sixtoo et d’Odd Nosdam chez Anticon il y a 15 ou 20 ans mais également au punk hardcore (Hollow Badges) ou même au black metal pure souche (Sangre Negra). Quelque part entre les flows de conscience abrasifs et désespérés du Sole de Live From Rome (No More Thanksgiving), les cordes plombées des compères A Band of Buriers (The Worst Thing Imaginable, Wednesday Foodbank), le noise rap de Techno Animal (Writhe in the Ailments, du nom de cet excellent cru) et tout ce que la musique bruitiste peut mêler d’urgent, de névrotique et de décharné, Coma Worthy offre ainsi une digne suite, 8 ans après, à l’apocalyptique et libertaire Howl Bender avec un petit quelque chose en plus, peut-être dans sa construction ou sa progression, qui le rend particulièrement addictif et propice aux écoutes répétées, en dépit de son inconfort assumé à faire passer Dälek pour un descendant du daisy age.

(Rabbit)


2. Ochre - An Eye to Windward

L’ancien pensionnaire du label Benbecula aux côtés de Christ. ou Gareth Dickson lorgne plus volontiers vers les abstractions du premier, poursuivant avec An Eye to Windward une oeuvre déjà colossale où chacun des chapitres explore de nouvelles contrées sans nuire à la cohérence d’ensemble. Éthéré et peut-être plus apaisé qu’à l’accoutumée, ce disque permet à Christopher Leary de réinventer le point de rencontre entre Boards of Canada et Brian Eno. Brassant au-delà de l’IDM, An Eye to Windward est un ovni d’abstractions synthétiques aussi ambitieux qu’abordable. Ochre nous offre ainsi un sommet du genre.

(Elnorton)


3. BIG|BRAVE - Vital

Avec Vital, BIG|BRAVE demeure insaisissable : lourd et léger à la fois, compact et filandreux, clair et obscur. Une nouvelle fois, on sait qu’il faudra multiplier les écoutes sans pour autant être tout à fait sûr d’en faire le tour. La simplicité n’est qu’apparente et une fois qu’on égratigne la surface, on tombe sur une nouvelle surface qu’il faudra aussi égratigner et continuer ainsi jusqu’à ne jamais atteindre le cœur. Il y a beaucoup d’impalpable là-dedans. De prime abord, celui-ci (le premier enregistré avec Tasy Hudson à la batterie) apparaît un poil plus frontal que l’immense A Gaze Among Them (2019) mais ce n’est qu’une perception fugace. Le silence est imposant, les strates de guitares, féroces et par-dessus, la voix de Robin Wattie batifole et hypnotise : habitée, déchirante, elle mène par le bout du nez. L’écrin qui la cerne, tout en tension, offre de multiples embranchements derrière le minimalisme affiché et c’est encore une chute vers un sol qui se dérobe sans cesse. On rentre dans le disque sans jamais en sortir vraiment.

(leoluce)


4. Cryptic One & Jestoneart - Pirata

Si en dehors d’un Cool Story Bruh ou d’un Political Tinder aux envolées de synthé impressionnistes, Cryptic One et Jestoneart ne donnent plus vraiment dans le rap du turfu d’un The Prequel qui les voyait il y a plus de 20 ans croiser le fer avec les futurs Cannibal Ox notamment, les deux ex Atoms Family, au rap ligne claire et aux productions mélangeuses respectivement, n’en demeurent pas moins passionnants sur cette ode à la piraterie des résistants du sampling. Partant du constat d’une évolution de l’industrie du hip-hop où depuis le début des années 2000 le holà sur les samples non clearés des rappeurs indé, laissant aux seuls pseudo MCs millionnaires du mainstream la possibilité de sampler à loisir, est allé de pair avec une batardisation de plus en plus commerciale et vulgaire du genre et à la démocratisation de ses thématiques les plus égotripesques, vénales, sexistes et on en passe, les deux Américains contribuent depuis le génial bastion du label à cassettes I Had An Accident à raviver la flamme d’un hip-hop intelligent, inventif et d’une classe absolue, tout en contrepieds où la mélancolie indie rap se teinte de dissonance (Davey Jones Locker), les courants de conscience d’atmosphères fantasmagoriques (Ostritch Syndrome) et le storytelling de pics de tension épiques (Catch N Release), où Gainsbourg (Skeleton Key) et Morricone se frottent à la blaxploitation et au jazz entre deux instrus aux allures de soundtracks bis (Go To The Devil, Loose Lips Sink Ships Part 2). Claque !

(Rabbit)


5. Capra - In Transmission

Capra, c’est le métal hardcore et chaotique comme on lui demande de se tenir. Des riffs puissants et complexes, souvent déchirants, des arrangements alambiqués, des structures labyrinthiques, quelques blasts quand il faut, et surtout, une voix, omniprésente, vénère, déter, éraillée et cette voix, cette fois est féminine. Le quatuor, venu de Lafayette en Louisiane, charpenté par un batteur décontracté (tout droit sorti de New Kids Turbo) et un guitariste très concentré, a d’abord tourné avec un chanteur barbu dont la voix, il faut le reconnaître, pouvait être confondue avec d’autres, en particulier avec celle d’un groupe dont ils semblent très admiratifs (au point de les imiter souvent) : Converge. Avec l’arrivée de Crow Lotus au micro, Capra a trouvé son identité et sa différence. On espère les voir prochainement dans un lieu étroit et lugubre pour mieux vibrer au son de leurs beuglantes agressives et sentir avec eux la moiteur torride de leur Louisiane originelle.

(Le Crapaud)


6. Rorcal / Earthflesh - Witch Coven

Deux petits titres et puis s’en va. Enfin, chacun frise néanmoins le quart-d’heure. Et chaque seconde manifeste un sacré poids. D’un côté, le doom toujours très très black, tellurique et encore plus caractéristique de Rorcal, de l’autre, l’indus-noise (qui peut aussi être très ambient voire lumineuse mais ce n’est pas ce côté-là qui est exploité ici) d’Earthflesh et au centre Witch Coven, soit une trentaine de minutes de pure terreur découlant d’une parfaite symbiose. Il faut dire aussi que Bruno Silvestre Favez aka Earthflesh fut longtemps bassiste de Rorcal et que ces deux-là se connaissent par cœur. L’habillage bruitiste de l’un s’emboîte parfaitement aux strates féroces et malaisantes de l’autre, l’amalgame se révèle tout à la fois menaçant et claustrophobe. On déguste certes mais on passe surtout un très bon moment : après l’ouverture quasi-liturgique d’Altars of Nothingness, place à l’abrasivité, à la violence et au grand malaise. La première plage est sans doute un brin plus rampante que la seconde mais au fond, tout ça finit toujours en grosse bagarre. Ça blastbeate généreusement, ça drone aux entournures, ça crie et ça racle, ça nuance pas mal aussi - c’est là tout l’apport d’Earthflesh - jusqu’à atteindre une densité sidérante. Définitif.

(leoluce)


7. Noblonski - Waveforms

Ce disque, inspiré par l’univers graphique de Zehai Liu qui signe d’ailleurs l’artwork, a été enregistré en dix jours, le producteur berlinois s’étant imposé la contrainte de composer un titre par journée durant cette période. Le résultat surclasse toutes les espérances, comme si la spontanéité constituait le meilleur allié de Noblonski dont les constructions sonores, à situer entre trip-hop et ambient - souvent instrumentales mais pas uniquement, Orientation et Dis-Ease admettant par exemple un flow lorgnant sur le spoken word - se font l’écho et reflètent l’esprit des peintures de Zehai Liu en faisant aussi bien rimer immersion et contemplation que complexité et majesté. Une œuvre majuscule qui nous accompagnera (au moins) toute l’année.

(Elnorton)


8. Jute Gyte - Helian

On en parlait dans notre IRM Podcast #10, Jute Gyte est le projet d’Adam Kalmbach, volontairement maintenu sous les radars par une absence totale d’infos en ligne ou de présence sur les réseaux sociaux, mais deux fois mentionné en bonne place dans nos tops metal collégiaux en 2017 et 2019, et déterminé semble-t-il à vider ses brillants fonds de tiroir en ce début d’année. Toujours aussi mythologique, nihiliste et malsain, le black metal déglingué de l’Américain nourri aux théories de la musique contemporaine, à l’atonalité et aux univers de piliers des musiques expérimentales tels que Coil ou Nurse With Wound, se déploie d’abord sur un Helian I de près de 20 minutes, dont seul le grunt de damné semble vouloir lier les mouvements et tiroirs successifs. Ce titre issu d’un split de 2018 est ensuite déconstruit par le musicien sur deux autres morceaux fleuves plus atmosphériques et abstraits mais tout aussi abrasifs et inconfortables, lesquels piochent également dans les deux-tiers non utilisés à l’époque du matériel vocal inspiré du poème Helian de l’Autrichien Georg Trakl donnant son titre à ce disque singulier, qui ne choisit pas entre blast beats martiaux, guitares dissonantes et liquéfiées, textures dark ambient et crescendos harsh noise pour orchestre de tronçonneuses, perceuses et scies sauteuses.

(Rabbit)


9. Thisquietarmy x Hellenica - Houses of Worship

Souvent associé pour ses dernières sorties à des batteurs, notamment Tom Malmendier sur Steppe ou Aidan Girt de Godspeed You ! Black Emperor pour le projet Some Became Hollow Tubes, Eric Quach s’acoquine sur House of Worship avec un autre montréalais, Jim Demos, et laisse cette fois ses méditations électriques improviser et dialoguer avec les nappes dystopiques en déréliction de l’instrument de prédilection de ce dernier, l’organelle, sorte de synthé/sampleur lecteur de patches qu’il contrôle via un clavier midi. Ode à la fin d’une ère pour la culture underground de Montréal, symbolisée par des mutations urbaines où se côtoient immeubles décrépis en passe d’être rasés et constructions modernes sans âme ni personnalité, l’album étire avec une infinie mélancolie ses reflux texturés, comme autant de vagues érodant les souvenirs d’une époque bénie, parfois plus abrasives voire menaçantes (Neon Horse, ou Satanizer avec ses pulsations martiales) à l’image de cette urbanisation galopante, ou ailleurs plus chaleureuses et empathiques lorsqu’elles évoquent les communautés qui résistent encore tant bien que mal à ces changements (Congregation) ou à la dépréciation de plus en plus systématique d’une activité créatrice désormais considérée comme superflue (Non-Essential Culture). Superbe.

(Rabbit)


10. Rata Negra - Una Vida Vulgar

"Troisième album déjà – après le Oído Absoluto inaugural (2017) et Justicia Cósmica (2018), tous deux parus sur le toujours excellentissime La Vida Es Un Mus (entre autres) – mais le premier à mettre à ce point en avant le côté pop du trio madrilène (constitué de membres de La URSS, Juanita Y Los Feos ou encore La Fe, tous portés sur le versant punk des musiques amplifiées) et il en résulte cette collection de bombinettes acidulées franchement irrésistibles. Alors attention, ça reste encore très punk dans l’arrière-plan et très marqué par les ’70s agonisantes/’80s balbutiantes mais les échardes semblent aujourd’hui entièrement recouvertes de sucre. Elles entaillent toujours l’épiderme et le sang qui s’en écoule paraît de plus en plus velouté lorsqu’on le porte à la bouche. (...) Comme à chaque fois, le disque fait immédiatement son trou. Il séduit d’emblée et les écoutes suivantes ne font que confirmer : celui-ci aussi monopolisera la platine. L’évidence mélodique le dispute à la rythmique cadrée et dynamique et comme tout est souvent concis, les tubes succèdent aux tubes : aucune fioriture, rien de vain, absence totale de remplissage, énergie à revendre, chez Rata Negra on ne garde que l’essentiel et chez eux, l’essentiel, c’est aussi le meilleur."

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(leoluce)


Les EPs du mois


1. Dead Neanderthals - Rat Licker

"On ne va pas bien et Dead Neanderthals non plus, Rat Licker est un témoignage qui concentre toutes les émotions qui, depuis plus d’un an, nous accompagnent et ne nous lâchent plus. (...) La frustration, l’angoisse, l’incertitude, la colère, l’ennui, le ras-le-bol, l’enfermement sur soi-même et j’en passe contenus dans ces morceaux qui trouvent leur épiphanie dans les onze minuscules secondes de Hate Trip, une longue stridence sur un déchaînement monstrueux. (...) Rat Licker renvoie au tout début du duo et privilégie l’attaque éclair. Un titre, un uppercut. Un autre titre, un crochet du droit et ainsi de suite jusqu’à l’agonie de ce très grand tout petit EP. Ici, le jazz (très très free et très très exploratoire) se grime en grind et inversement, la batterie tabasse mais en finesse, la saxophone se lance dans des circonvolutions carnassières et la trajectoire strictement morbide (dont on sait bien qu’elle trouvera le mur) n’empêche nullement la variété. (...) Bref, avec Rat Licker, on reste captif des Dead Neanderthals qui l’air de rien, viennent de sortir leur album le plus politique, tutoient Naked City et préservent leur lignée d’enregistrements jusqu’ici strictement essentiels."

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(leoluce)



2. Konejo - Some Light

Lapin est prolifique, il ne s’arrête jamais et enfile les EPs et albums à une vitesse supraluminique. Par exemple, il m’a fallu 120 secondes pour écrire cette phrase d’introduction (oui, moi je suis lent) et je suis sûr que c’est le temps qu’il lui faut pour malaxer cinq ou six nouveaux morceaux. Le corolaire, c’est qu’à multiplier ainsi les formats et solliciter sans cesse sa créativité, le risque est grand d’épuiser à la fois ses neurones et ses (quelques) auditeurs (hin hin hin !). Eh bien non. Même pas. Some Light ménage une chouette enclave hors du temps dans laquelle on prend plaisir à déambuler : neuf titres impalpables mais ciselés qui construisent autant de plans-séquences derrière les yeux, un peu énigmatiques et légèrement inquiets (Escape Syndrome), parfois accidentés (D’Ille With It), toujours élégants (Underwater). Fidèle à son credo, Konejo assemble les samples à dessein et cette fois-ci le puzzle est dédié à Mario Bava dont l’ombre tutélaire éclaire effectivement largement cette poignée de morceaux. Some Light, comme un giallo aux rebondissements finement calculés, impose tranquillement son atmosphère. Lapin et ses potes Roland SP-404SX, Maschine MKII, Yamaha RX15, Yamaha PSR-E403 & Portasound MP-1, Korg Volca Kick, Stylophone et Monotron Delay filent une nouvelle fois un post-score joliment ouvragé dans lequel on prend plaisir à s’emmitoufler.

(leoluce)



3. Otrno Slvani - Fortes têtes (et quelques centaines d’âmes​.​.​.​)

Pour son 4e EP, le Lillois Otrno Slvani rend hommage via 4 morceaux enregistrés en toute spontanéité au regretté Bertrand Tavernier, chacun titré en référence au personnage principal de l’un de ces quatre long-métrages tournés par le réalisateur dans les années 70 et 80 : La vie et rien d’autre, L’horloger de Saint-Paul, Coup de torchon et Le juge et l’assassin. Des personnages incarnés pour trois d’entre eux par Philippe Noiret (qui joue d’ailleurs aussi dans le 4e film), pour autant, s’il célèbre le symbole d’une certaine époque du cinéma français, musicalement le successeur du prenant Disturbing Echoes ne donne pas vraiment dans la nostalgie : beats abstract lourds et syncopés et nappes dissonantes sur le sommet Descombes aux accents presque dystopiques, loops mi-martiales mi-cristallines aux incursions jazz malmenées sur Cordier ou samples du terroir hachés menus sur un Bouvier tout en tension constituent en effet un écrin pour le moins décalé pour les monologues et autres réminiscences du grand écran qui s’immiscent dans ce hip-hop instrumental aussi névrotique que truculent.

(Rabbit)



4. Illogic x Odd Nosdam - Right the Ship

23 ans après sa collaboration avec le rappeur sur un titre du premier cLOUDDEAD, Odd Nosdam retrouve Illogic le temps d’un EP trop court et un brin décousu mais emporté par le flow de l’Américain, dont une paire de titres étaient déjà connus depuis l’an dernier, à commencer par l’excellent Trafik Jam qui voit le beatmaker renouer avec ces nappes baroques, ascentionnelles et texturées aux élans psychédéliques qu’on lui connaît depuis la grande époque de ses productions pour Sole. Forcément, le sommet déjà éventé, on reste un peu sur notre faim mais c’est toujours un délice de retrouver le pilier du son de feu Anticon avec cet univers sur lequel les années ne semblent avoir aucune prise, quelque part entre Edan (Right the Ship, surtout dans son remix final old school et rondelet) et Boards of Canada (Handwritting).

(Rabbit)



5. Gary Bartz, Adrian Younge & Ali Shaheed Muhammad - Jazz Is Dead 006

Depuis la création du label Jazz Is Dead il y a à peine plus d’un an, l’insatiable duo Adrian Younge & Ali Shaheed Muhammad ne s’arrête pas et chaque mois une nouvelle petite perle jazzy, classieuse et granuleuse vient s’ajouter à cette série de EPs qui rend hommage aux maîtres du style en les faisant jouer sur des instrumentations soyeuses, formidablement bien arrangées et surtout, en cultivant le goût du son authentique des enregistrements analogiques. Ici, c’est le saxophoniste Gary Bartz qui vient improviser sur les grooves imparables des rythmiques du duo. Plutôt reconnu dans l’histoire du jazz pour son travail de side-man, dans l’ombre de grands hommes tels que Mingus, Eric Dolphy, ou carrément Miles Davis, c’est plutôt pour sa seconde vie d’artiste allégrement samplée par A Tribe Called Quest, Jurassic 5, Warren G et bien d’autres, que Younge et Muhammad ont fait appel au saxophoniste. Avec ce 6e EP de la série, les thèmes proposés par ce label semblent un peu s’essouffler, tourner en rond... mais quel groove, quelle classe ! Impossible, à chaque sortie, de ne pas se laisser séduire.

(Le Crapaud)



6. Chris Weeks - Optics

Le génial Britannique s’invite tous les ans (et souvent plusieurs fois) dans nos différents bilans tant tout ce qu’il touche semble se transformer en or. Optics s’inscrit dans la lignée d’un Quietude sorti en toute fin d’année dernière, et constitue une ode à la détresse solaire, l’ambient qu’il décline associant des nappes renversantes étirées et rythmées par quelques boucles et accords de piano. Cristallin, l’ensemble rappelle aussi bien les univers de Brian Eno ou Max Richter que les travaux ambient de Trent Reznor. Un EP majuscule dont le format plus resserré (à l’inverse d’un contenu extrêmement aéré) pourrait constituer une porte d’entrée vers l’univers de Chris Weeks pour ceux qui ne se seraient pas encore confrontés au reste de sa discographie.

(Elnorton)



7. Frank Riggio - Empreinte Initiale

Après l’échappée plus frontale d’Aqka Torr, Frank Riggio revient avec un nouveau concept ambitieux qui fait écho à ses superbes Psychexcess, celui d’une nouvelle trilogie dénommée Empreinte Musicale et vouée cette fois à tenter de percer le mystère de ce qu’il reste en nous de la musique, art dématérialisé par excellence, après l’avoir écoutée, une réflexion amenée par des titres faisant référence à ces divers aspects qui conditionnent les sensations qu’un morceau nous procure : maximalisme ou minimaliste, atonalité, texture, caractère grandiose ou subliminal, viscéral ou abstrait. Mêlant toujours avec cette science de la production qu’on lui connaît éléments acoustiques et électroniques en un tout organique aux nappes futuristes, cette Empreinte Initiale s’ouvre sur le single du même nom au beat flirtant avec l’abstract hip-hop, introduction du premier long Empreinte Musicale 1 sorti dans la foulée et que l’on vous conseille aussi évidemment, mais ce sont surtout les deux autres morceaux de l’EP qui impressionnent : le cinématographique et déstructuré Empreinte Orbitale dont les volutes dubstep évoquent le futurisme de ce que le genre a connu de meilleur avant sa dilution mainstream, et un vertigineux Empreinte Spirale tour à tour martial et ascensionnel. À suivre en mai et juin sur le Bandcamp du Français !

(Rabbit)



8. Cult Of Occult - Ruin

Désormais agrémenté d’un second titre de 18 minutes, relecture du premier où le doom du projet se fait encore plus fantomatique et torturé avec des hurlements de damnés qu’on égorge façon Chip King chez The Body, ce nouvel EP de Cult of Occult veut de toute évidence nuiRe à notre santé mentale et y parvient très bien avec ses riffs poisseux et son atmosphère de cérémonie sacrificielle dans les ruines d’un dongeon moldave ou d’une crypte scandinave. C’est pesant, malaisant, entrecoupé de dissonances stridentes de d’élans sludge plus menaçants, et surtout l’immersion est totale de part le format même de ce Ruin, progression de 21 minutes dans les fantasmes cauchemardés du Lyonnais Jérôme Colombelli.

(Rabbit)




Les bonus des rédacteurs


- Le choix de Rabbit : Vladislav Delay - Rakka II

Suite des pérégrinations de Vladislav Delay dans la tounrdra arctique du nord de la Finlande qui avaient donné naissance aux drones pulsatoires urgents et inhospitaliers de Rakka premier du nom l’an passé, ce nouvel opus de l’expérimentateur scandinave flirte toujours avec la musique industrielle et l’épilepsie texturée mais également avec une sorte de techno bruitiste et tachycardique (Ranno), se pare dans son enchêtrement en flux tendu d’éléments rêches et abstraits d’une aura maximaliste encore plus grandiose par moments (Rakkn), et ménage lui aussi entre deux roulements de percussions sourdes et de basses sismiques son accalmie bienvenue, avec Rakas et son ambient de fonte des glaces. Un nouveau chef-d’oeuvre organique et singulier en somme pour l’auteur du génial Visa.



- Le choix de leoluce : Black Ink Stain - Incidents

"Black Ink Stain, c’est un trio (originaire de Clermont-Ferrand) et sa musique, du noise-rock à la noirceur de jais. Très marqué par les ’90s, rappelant Unsane même si Incidents n’est évidemment pas un décalque : c’est frontal et jusqu’au-boutiste certes mais c’est aussi très froid. Un genre de glas résonne d’ailleurs au tout début et il traduit plutôt bien ce que sera le disque. Tendues, incisives, tracassées, les huit enclumes dIncidents transpirent l’exaspération, la colère et le pas clair par tous les pores de leur masse froide et il y a un je-ne-sais-quoi de moribond qui s’insère en permanence là-dedans.
D’emblée, c’est Slice Of Pain, sa grosse basse psychorigide, les incisives de sa guitare barbelée, la batterie un poil tribale et les cris. Les enclaves de calme relatif aussi où ne semblent résonner que quelques arpèges clairs alors que les tirs de mortier ratissent le pourtour. Ça représente bien ce que par quoi va nous faire passer tout le reste : le chant clair et le tempo lent de Pont Des Goules, le strictement instrumental Sans Façon, l’urgence toute unsanienne d’I See You Dead ou Frozen Stance, les strates à l’épaisseur mouvante de S.O.M.A, etc. La nuance est loin d’être proscrite et les potards ne sont pas que dans le rouge, décuplant l’envergure dIncidents. "

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Les tops des rédacteurs


- Le Crapaud :

1. Capra - In Transmission
2. Babelfishh - Coma Worthy
3. Cryptic One & Jestoneart - Pirata
4. Damon Locks & Black Monument Ensemble - Now
5. BIG|BRAVE - Vital
6. L’Envoûtante - Espoir féroce
7. Noblonski - Waveforms
8. Françoiz Breut - Flux flou de la foule
9. Trond Kallevag - Fengselsfugl
10. Rata Negra - Una Vida Vulgar

- Elnorton :

1. Noblonski - Waveforms
2. Ochre - An Eye to Windward
3. Beachy Head - s/t
4. Prefuse 73 - The Failing Institute of Season No​.​2
5. Modeselektor - Extended
6. BRUIT ≤ - The Machine is burning and now everyone knows it could happen again
7. Godspeed You ! Black Emperor - G_d’s Pee AT STATE’S END !
8. Gimmik - Cloudwalker
9. Notre Dame de la Colline - Poèmes fous pour herbes fraîches
10. LTO - Déjà Rêvé

- leoluce :

1. BIG|BRAVE - Vital
2. Babelfishh - Coma Worthy
3. Black Ink Stain - Incidents
4. Spread Joy - s/t
5. Rorcal / Earthflesh - Witch Coven
6. Dope Purple - Grateful End
7. Moontype - Bodies Of Water
8. Rata Negra - Una Vida Vulgar
9. Capra - In Transmission

- Rabbit :

1. Babelfishh - Coma Worthy
2. Vladislav Delay - Rakka II
3. Ochre - An Eye to Windward
4. Cryptic One & Jestoneart - Pirata
5. Jute Gyte - Helian
6. Max Richter - Voices 2
7. Thisquietarmy x Hellenica - Houses of Worship
8. Christine Ott - Time to Die
9. Frank Riggio - Empreinte Musicale 1
10. Stalsk - Give Us Back This Martyr...

- Riton :

1. Rorcal / Earthflesh - Witch Coven
2. Babelfishh - Coma Worthy
3. Jute Gyte - Helian
4. Ochre - An Eye to Windward
5. BIG|BRAVE - Vital
6. Body Void - Bury Me Beneath This Rotting Earth
7. Capra - In Transmission
8. Cryptic One & Jestoneart - Pirata
9. Thisquietarmy x Hellenica - Houses of Worship
10. Current Value - The All Attracting