Mary Lattimore - Goodbye, Hotel Arkada

1. And Then He Wrapped His Wings Around Me (feat. Meg Baird & Walt McClements)
2. Arrivederci (feat. Lol Tolhurst)
3. Blender in a Blender (feat. Roy Montgomery)
4. Music for Applying Shimmering Eye Shadow
5. Horses, Glossy on the Hill
6. Yesterday’s Parties (feat. Rachel Goswell & Samara Lubelski)

2023 - Ghostly International

Sortie le : 6 octobre 2023

Impermanence et rêves lynchiens

En solo comme avec l’excellent Jeff Zeigler (cf. ici ou ), cela fait déjà pas mal d’années que Mary Lattimore nous enchante derrière son instrument de prédilection, la harpe, dont elle aime à frotter les sonorités séraphiques à un univers plus clair-obscur voire inquiétant aux entournures. L’habituée du label Thrill Jockey, également croisée en tant qu’instrumentiste chez Wrekmeister Harmonies, Jarvis Cocker, Marissa Nadler, Thurston Moore, Kurt Vile, ou encore récemment Moor Mother, Weyes Blood et Jefre Cantu-Ledesma - excusez du peu - a toujours tiré le meilleur des collaborations et c’est ainsi qu’on la retrouve sur le successeur de Silver Ladders entourée d’un certain nombre de compagnons de jeu plus ou moins récurrents, avec un opus dans la lignée du précédent, tout en romantisme onirique et un peu hanté (Music for Applying Shimmering Eye Shadow), qui n’est pas sans évoquer les atmosphères lynchiennes du compositeur Angelo Badalamenti (Horses, Glossy on the Hill).

Ajout de taille sur ce disque qui lui confère une aura encore plus envoûtante : les voix, celles en particulier de la fidèle Meg Baird, co-auteure avec la Californienne d’adoption du joli Ghost Forests dans une veine plus folk il y a 5 ans, et de Rachel Goswell de Slowdive, qui habitent chacune, de leurs harmonies susurrées, un morceau de cette ode à l’hôtel Arkada en Croatie, devenu pour la musicienne un symbole de l’inéluctable changement et de la beauté éphémère des choses, alors que se profile une rénovation moderne du lieu après des décennies de délabrement progressif face aux ravages du temps. Le premier, And Then He Wrapped His Wings Around Me, n’est autre que le morceau d’introduction de ce nouvel album et bénéficie des sonorités atemporelles et capiteuses d’un omnichord et de l’accordéon discret de Walt McClements (Dark Dark Dark), la voix de Baird flottant comme dans un rêve sur des cascades d’arpèges et des flots de nappes ambient. Le second, Yesterday’s Parties, sert quant à lui de conclusion et ça n’est qu’à la moitié de ses 8 minutes caressantes que sa mélodie de harpe épurée décolle au gré des vocalises réverbérées de Goswell et des lignes de violon dronesques de Samara Lubelski, vers des contrées qui ne sont pas sans rappeler les songes d’une Laura Palmer encore insouciante.

Habillé par les synthés aux accents gothiques de l’ex Cure Lol Tolhurst, le minimaliste Arrivederci s’était avéré entretemps plus menaçant avec ses affleurements saturés, ouvrant sur le spleen anxieux du nébuleux et bien-nommé Blender in a Blender avec le Néo-Zélandais Roy Montgomery à la guitare. Car il ne faudrait pas assimiler trop vite la musique de Mary Lattimore à des comptines d’une pureté innocente, les textures recelant à chaque fois leurs zones d’ombre et autres recoins intrigants... probablement comme l’hôtel de l’île Hvar dont les souvenirs des salles de bal désertées aux ambiances de romances du passé ont inspiré cette merveilleuse collection de méditations élégiaques.


( RabbitInYourHeadlights )


Disques - 07.10.2023 par RabbitInYourHeadlights
 


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