2024 à la loupe : 24 albums hip-hop (+ bonus)
Étrangement mais au fond pas tant que ça, ce bilan hip-hop sera très probablement le moins lu de cette série de classements thématiques, d’autant moins que viennent s’y immiscer des albums pas forcément taillés pour les derniers fans hardcore de hip-hop digne de ce nom, entre spoken word tirant sur le jazz ou la musique électronique, disques de producteurs mêlant instrumentaux et morceaux rappés par divers invités, ou autres incursions aux sonorités disons plus "radicales" (quoique moins nombreuses parmi mes coups de coeur cette année).
Il faut dire que presque 5 ans après le constat de cette introduction, les choses n’ont fait qu’empirer côté mainstream, en particulier en France où les susnommés aficionados du genre ne sont aujourd’hui plus qu’une niche sans le moindre atome crochu avec son nouveau public majoritaire, troupeau de lemmings tombés depuis gamins dans la marmite avariée du rap français et dénués de toute curiosité pour ce qui sort un tant soit peu de sa norme de médiocrité. S’illusionnant d’écouter du "hip-hop", puisque passe désormais pour tel n’importe laquelle de ces mixtures populaires et mal torchées de pop autotunée, de r’n’b, de variété et de musique africaine pour peu qu’un semblant de beat drill ou trap loopé à partir d’un preset Ableton serve à rythmer l’ensemble (pas forcément rappé d’ailleurs), ces derniers sont ainsi responsables de 99% des échanges sur le sujet sur les réseaux sociaux, tombant comme un nuée de moucherons enragés sur quiconque aurait la mauvaise idée de dénigrer sur Twitter (dernier espace de cohabitation forcée de ces deux microcosmes désormais totalement distincts et incompatibles), au hasard, PNL, PLK ou Booba. Et côté amateurs de "musiques actuelles" au sens large, que l’on imagine forcément plus ouverts d’esprit et moins perméables aux tendances préfabriquées par les grosses maisons de disques et leurs idiots utiles des radios et de la télé, la réalité n’est guère plus enthousiasmante, seuls quelques rappeurs américains "tendance" et souvent tout aussi commerciaux ayant les faveurs de la presse spécialisée et donc de tous ceux qui viennent y chercher une "alternative" désormais galvaudée (toujours à peu près les mêmes d’ailleurs, Kendrick Lamar et Tyler, The Creator en têtes de gondole cette année encore avec des disques pourtant assez boursoufflés et peu intéressants, portés aux nues essentiellement par des dilettantes qui en la matière n’écoutent pas plus de 4 ou 5 sorties par an... heureusement qu’il y a le décent ScHoolboy Q pour remonter le niveau).
On saluera donc plus que jamais les quelques résistants, HipHopGoldenAge aux US dont le succès tient sans doute davantage à ses reviews et listes d’albums cultes de l’âge d’or qu’à ses conseils d’écoute plus "actuels", l’émission de radio du Mans La Carotte chez nous ou depuis une paire d’années le podcast Excursions, autant d’esprits éclairés que l’on vous encourage à suivre de près pour peu que vous soyez tombé sur cet article en connaissance de cause et en quête de pépites sous-médiatisées à vous glisser dans les tympans.
(Petite précision en passant : pas d’album 100% instru dans cette liste, ceux-ci figureront au sein d’un classement electronica/beat music à paraître dans le courant de la semaine prochaine.)
1. Beans - ZWAARD
"Comme avec les précédents albums solo de Beans, en particulier ceux sortis sur l’excellent label clermontois Hello.L.A. ces dernières années (on parlait ici de l’immense Ace Balthazar, là de Venga), ZWAARD ne manquera pas de diviser les amateurs de hip-hop même le plus jusqu’auboutiste et radical, probablement plus encore tant les productions de Vladislav Delay, dans la continuité de ses derniers opus à la fois maximalistes, véloces et régressifs en tant que Ripatti (Speed Demon par exemple), déploient pour les courants de conscience en flux tendu du rappeur américain des écrins post-techno épileptiques jusqu’au mal de tête, un peu comme du Thavius Beck sous... speed (comme s’il n’était déjà pas suffisamment agité lui-même), mélant kicks et claps en cascades, synthés distordus, percussions d’objets (on retrouve même la fameuse balle de ping-pong sur ZWAARD 3), loops de voix pitchées et autres joyeusetés azimutées. Un degré d’abstraction encore supérieur au hip-hop du turfu de ses Antipop Consortium en leur temps, dont le line-up reparaît d’ailleurs sur un ZWAARD_OVER plus downtempo et particulièrement dystopique."
2. Dizraeli - Joy Machine
"Rappeur et multi-instrumentiste de Bristol croisé du côté du producteur virtuose Tom Caruana (notamment au sein du collectif de Brighton The Menagerie) ou encore outre-Atlantique sur un titre de l’excellent premier album d’Ockham’s Blazer, projet jazz/hip-hop du beatmaker canadien Fresh Kills et du MC ricain PremRock, Dizraeli condense ici tout ce que le jazz peut revendiquer d’actuel avec une élégance sans faille. Avec la participation d’Alabaster DePlume au saxo sur le superbe I See Ghosts, titre mi-tribal mi-méditatif aux manipulations électro fantasmagoriques, des bassistes Daisy George et Joe Downard ou du batteur Ben Brown (Waaju), entre autres, c’est la scène londonienne qui est à l’honneur sur ce disque et ça s’entend de diverses manières, tant via le midtempo acid jazz très cool de la coda de A Love for the Rain que sur un Greek Summer louvoyant entre pop et orchestrations psyché capiteuses à la Heliocentrics, ou sur les tendus et percussifs Wild Animus et Dear Cousin qui semblent devoir autant à la bass music qu’au grime ou à l’afrobeat. Même les morceaux les plus ouvertement jazz - du syncopé Sunlight au très enlevé Curiouser and Curiouser en passant par l’introspectif Abigail au spoken word piano/batterie - ont toujours quelque chose de singulier à offrir, qu’il s’agisse des arrangements impressionnistes et narcotiques du premier, du maelstrom de lignes vocales droguées au milieu du second ou encore, pour le troisième, de ce crescendo discret mais puissant de basses fréquences et de synthés, transcendant une simple fugue en vertigineux vortex de spleen cinématographique."
3. E L U C I D - REVELATOR
"Décidément, depuis Horse Latitude il y a 7 ans, chaque nouvel opus d’E L U C I D semble en remontrer au précédent en matière d’inventivité dystopique et viscérale. Beaucoup plus proche dans l’esprit du superbe BLK LBL LP que du dernier album "officiel" d’Armand Hammer, We Buy Diabetic Test Strips qui se voulait plus accessible voire mélodique dans la foulée du célébré - et quelque peu décevant - Maps de son compère billy woods (avec lequel il livre d’ailleurs ici deux des titres les plus sages du disque), REVELATOR incarne tout ce que l’ADN de l’Américain - qui met régulièrement la main à la patte côté production - peut renfermer d’urgent (The World Is Dog, Kebana), d’anguleux (CCTV, Xolo), de baroque (Voice to Skull, ou Yottabyte dont l’instru compte déjà parmi les plus belles réussites de l’inégal Child Actor) et de déstructuré (Slum of a Disregard, RFID, 14.4), à la hauteur de son flow plus habité que jamais et d’un goût toujours affirmé pour les atmosphères d’anticipation crépusculaires, cf. notamment Skp composé par Andrew Broder (Fog) ou le sommet final ZigZagZig."
4. Armand Hammer - BLK LBL LP
"Sorti uniquement en vinyle distribué de la main à la main lors de la dernière tournée du duo, BLK LBL pourrait bien être le meilleur album de la paire billy woods/ELUCID depuis Paraffin et enterre en tout cas leur inégal We Buy Diabetic Test Strips de l’an passé, en renouant avec une dimension plus sombre et radicale dont le minimalisme hypnotique parfois presque ambient (Colony, Gripewater, Tar Baby ou encore Ox Blood avec Zeroh) se révèle particulièrement fantasmagorique et insidieux, sans pourtant s’enfermer dans une quelconque opacité comme en témoigne cette efficace triplette finale aux sonorités blaxploitation."
5. Nonstop - Alien au pays des aliénés
"Le trop rare Frédo Roman aka Nonstop est au rap ce que le Diabologum de 3 fut au rock sous nos horizons, name-dropping absolument pas fortuit puisqu’entre des tournées avec d’anciens membres du groupe (à commencer par son propre frère le bassiste Richard Roman), la production signée Arnaud Michniak de l’increvable Road Movie en Béquilles il y a déjà presque 20 ans et un univers à la fois nihiliste et révolté, les liens entre les deux projets sont multiples. Trois ans après Zyklon Bio, Renan Guilcher remet le couvert aux productions synthétiques, écrins de futurisme dystopique assez parfaits pour le spoken word du bonhomme, unique dans le paysage français comme au-delà. Volontiers absurde et morbide, le Toulousain déroule ainsi ses visions d’effondrement social et autres associations d’idées qui se marchent sur la tête à coups de punchlines aussi jouissives ("Dans la confusion, un pédophile repart par erreur avec un nain" ; "Mars n’était en fait qu’une tranche de chorizo") que décalées ("Remake du Dernier Tango à Paris avec du beurre salé") si ce n’est carrément dérangeantes ("Un bébé trop cuit, un poulet dans une poussette : le train-train qui déraille"), comme autant de distorsions aberrantes de la réalité. À la croisée de l’introspection désabusée ("J’étais le plus malin du tas de cendres") et d’une lucidité sans concession sur notre condition ("Le berceau de l’humanité était trop près du mur"), rêveries cosmiques (Crocodile Gandhi, Un pyromane en hiver, Afterwork à l’aftershave), fables régressives (L’an 01, Autoportrait dans un miroir convexe) et hallucinations abrasives (Ambiance bon enfant, Alain Proust), une nouvelle dinguerie de storytelling de fin des temps."
6. NightjaR - Mala Leche
"On a retrouvé Jimi Goodwin des fabuleux Doves, probablement le meilleur groupe britpop des années 2000, avec un projet qu’on n’attendait pas forcément de la part du Britannique malgré ce goût du sampling qu’on lui connaissait déjà ici par exemple) : un album de collabs hip-hop entrecoupées d’instrus, où donnent notamment de la voix les excellents Homeboy Sandman, Vast Aire de Cannibal Ox (avec son copain Pruven), Pan Amsterdam (qui trompette également ici et là comme il le fait si bien), Guilty Simpson, Sonnyjim & Quelle Chris ou encore le compatriote Jason Williamson de Sleaford Mods (déjà moins étonnant). Au programme, un très bel équilibre entre instrumentation psyché/pop, collages, influences jazzy et groove inventif aux atmosphères accaparantes... et plus surtout une paire d’instrus absolument terrassants, Sylvester qui n’est pas sans évoquer Crookram avec en prime des arrangements de chamber music contemporaine et l’ultra-tendu et très Lalo Schifrin The Fuck It Boogaloo."
7. NAHreally & The Expert - BLIP
"C’est du New Jersey via l’Irlande que nous vient ce gros coup de coeur, repéré grâce à la présence aux manettes du beatmaker de Dublin The Expert, auteur l’an passé d’une belle doublette de sorties soulful/psyché et surannées pour le MC du Kansas Stik Figa. Musicalement, on est encore un cran au-dessus, entre fééries orchestrales décalées (These Days, Little Wins) et psychédélisme acoustique de soundtracks 60s (Rapper Hands, All At Once, That Many of ’Em), groove aux percus boisées (l’irrésistible Smarter Than I Am) ou aux sonorités orientales (Bubble Wrap), jazz cristallin (Read The Room, ou Movement & Light avec Hemlock Ernst en guest) et funk narcotique (Why Don’t You ?). Pas étonnant de retrouver sur un titre (Breaking Down In Real Time) le fringant Open Mike Eagle, lui-même symbole d’intelligence décontractée d’un indie rap aérien et mélangeur, rétro sans être passéiste, qui évoque ici, sur ce morceau comme plus loin sur Push Pressure Points par exemple, les productions droguées riches en échantillonnages de pop baroque et en guitares wah-wah du génial Edan. Avec son sample en sourdine de la BO de "Barbarella" et son introspection smooth irriguée de mélancolie, Brainstorm With Showers pourrait presque résumer ce disque de fin observateur du quotidien à l’humour pince-sans-rire, qui entre deux élans plus énergiques revient régulièrement à ce genre d’atmosphères feutrées voire presque engourdies (cf. That Many of ’Em ou So It Goes), contrastant merveilleusement avec le flow ligne claire de NAHreally (que l’on découvre pour l’occasion), d’une coolitude fluide et dynamique."
8. Heems & Lapgan - Lafandar
"Celui-là avait fait couler assez d’encre pour que l’on se passe de le mettre en avant, et néanmoins l’album de l’ex Das Racist, bien plus intéressant que son groupe de l’époque sous la patte mélangeuse et colorée du producteur indo-américain Lapgan il faut bien l’avouer, m’a suivi depuis février, entre influences orientales au feeling cinématographique, rap décalé irrésistible de dérision, tension insoupçonnée et featurings bien sentis, de Saul Williams à Kool Keith en passant par Open Mike Eagle, Blu & Quelle Chris, l’omniprésent Fatboi Sharif, Your Old Droog ou encore Sonnyjim sur le très narcotique et british-versant-dark Going for 6." Malheureusement il n’en fut pas de même de VEENA quelques mois plus tard, sans Lapgan cette fois, une seconde livraison annuelle nettement plus inégale et surtout moins cohérente dans son atmosphère avec des incursions dansées funky ou bollywoodiennes tombant comme un cheveu sur la soupe.
9. Phiik & Lungs - Carrot Season
"Seconde collaboration pour les deux New-Yorkais qui ont su s’entourer (Zeroh au mix, et quelques favoris maison tels que Homeboy Sandman, Fatboi Sharif ou Akai Solo en guests au micro), révélant au passage un certain OLASEGUN qui produit l’ensemble du disque avec brio, dans une veine rappelant par moments la froideur menaçante de Company Flow (Daily Operation, Zombified) et les déstructurations d’Antipop Consortium (Amazon Breakfast). Portés sur le glitch (WHO / Eagle Eye) et les percus polyrythmiques (PSG Grip), entrecoupés de scratches subliminaux à la Buck 65 des débuts (Scratch Off, Shorty Broke My Heart At An Usher Concert In Winnipeg), les beats donnent le ton de l’ADN du projet, qu’il serait pourtant dommage de réduire à ces influences malgré les flows au diapason, véloces et presque désincarnés des deux rappeurs. Car du boom bap 90s (Gazpacho, Curb Melders) au jazz (Uber Dents, Abilify Robe, Paradigm Shift) en passant par le sampling rétro/psyché (Left The Game Dizzy, Kurt Mcburt) ou la lofi déglinguée (John Taffer, Stop Sleeping), Carrot Season fait en réalité feu de tout bois, y compris via des choix de production étranges ou autre tendance à virer de bord en plein track."
10. Gaza Glock x Illinformed - Frontline 97
"Encore du lourd de la part du producteur britannique Illinformed, avec un disque dont la durée ne se fout pas du monde (45 minutes bon poids), et un rappeur dont le flow d’une belle singularité évoque le côté à la fois chien fou et percutant d’un Curly Castro aux US par exemple, qu’on aurait dopé au Dizzee Rascal des débuts. Quant aux productions, baroques, organiques, elles sentent bon les samples de soundtracks horrifiques et de jazz déglingué avec leurs clavecins d’un autre temps (Body 4 A Body), leurs cordes fantomatiques (Soul Food), leurs pianotages désaccordés (The Hustle Don’t Stop) et autres synthés aux rêveries insidieuses (Gate Close, Late Night Ajax), faisant preuve par ailleurs d’une belle diversité en termes de sonorités, même si l’inspiration boom bap reste dominante, avec des orgues psyché (Hell’s Kitchen), des claviers 90s (Frontline 97), des cuivres (The Ship Sails), du sitar (Not A Musical), de la guitare (C.D.A) ou encore de la contrebasse (Ill In Formed). ’Nuff said, ce petit classique en puissance devrait parler de lui-même aux amateurs de rap UK sans concessions ni simagrées."
11. Spice Programmers - Transatlantic Shit 2
"Normalement, les Spice Programmers, vous commencez à connaître. Après les instrus plus tôt dans l’année, retour au rap métissé pour le collectif français via une suite au déjà fort réussi Transatlantic Shit de 2023 dont les morceaux les plus jazzy incitaient à la comparaison avec les regrettés Jazz Liberatorz, avec toutefois une dimension nettement plus bricolo et rétro/80s dans le sampling. À la mesure des intervenants de ce nouvel opus (jugez plutôt : Mike Ladd, Guilty Simpson, Blu & Cashus King, Planet Asia, AJ Suede, Sleep Sinatra, Hus Kingpin... !), les Spice Programmers élèvent leur game et livrent un disque débordant d’élégance et foisonnant d’idées, capable de briller aussi bien dans la mélancolie (Hidden Fruit, Morphine) que dans le glitch (Whole Wise World) ou le groove funky (RDU, Bread & butter), dans la légèreté rétro (Order taking, Universal Linguistics) voire le cool Daisy Age (Go to the store, All y’all) que dans l’abstraction hantée aux samples de soundtrack horrifique à l’image du formidable 150424 où l’inimitable Mike Ladd fait merveille. Qu’il soit épique (Saints and sinners) ou plus inquiétant (BRICK), le jazz n’est pas en reste, on pourrait vous spoiler les 26 tracks mais on vous laisse plutôt explorer tout ça par vous-mêmes, rien de tel que le plaisir de la découverte, surtout quand il s’agit d’un groupe qui risque assurément de marquer l’indie rap ces prochaines années."
12. Arrested Development - Bullets In The Chamber
"N’ayant jamais été le plus gros client du crew d’Atlanta, pas même de son inaugural 3 Years, 5 Months & 2 Days in the Life of... dont le CD prend la poussière sur l’une de mes étagères et dont seul le rappeur/producteur Speech a survécu au line-up, j’ai été le premier surpris d’adhérer presque inconditionnellement à ce généreux Bullets In The Chamber. 4 ans après Don’t Fight Your Demons, les Américains prônant des valeurs positives et spirituelles ont une nouvelle fois sollicité le beatmaker britannique Configa pour coproduire l’album, transcendé au micro par une pléiade d’invités de marque, d’un Chuck D toujours vert sur le soulful et désarmant Hip Hop Saves Lives aux Rhymesayers-affiliates Sol Messiah et Sa-Roc sur un God Bless You incarnant une facette pop moins subtile et légèrement dégoulinante du disque, en passant par Skyzoo et Canibus ou le vétéran Ras Kass sur l’introductif Hello que l’on jurerait produit par le Q-Tip de The Renaissance (miam). Vous l’aurez compris, l’album n’est pas exempt de morceaux dispensables voire bancals (We Want This, Ain’t Got Much To Say No More) ou de connotations mainstream anachroniques pas forcément désagréables ceci dit au regard de ce dont les radios nous abreuvent aujourd’hui (Still Fired Up, Turn the Speakers), mais sa production ligne claire est définitivement un atout, et jamais le groupe n’avait atteint de tels sommets de lyrisme, on mentionnera le merveilleux It Couldn’ Be (A Beautiful Night) aux samples piloérectiles, les cuivres blaxploitation du tubesque Classy, le boom-bap Daisy Age de For Free, l’aérien Arrogance tout en percus boisées et en mélancolie (et son remix final évoquant rien de moins que les Hieroglyphics), Mine, fausse reprise étonnante et presque Herma-Puma-esque de Tracy Chapman avec le rap en portugais de Flavia Coelho, ou même And This I Know qui devrait me faire saigner des oreilles et pourtant c’est le frisson du sample rétro et du refrain choral qui l’emporte, magie sur le fil d’une sincérité palpable et absolument irrésistible."
13. Kenny Segal & K-the-I ??? - Genuine Dexterity
Le grand retour de K-the-I ??? 6 ans après Accomplished Astronaut, une période où il semblait pourtant bien parti pour multiplier les EPs à la fois expérimentaux et d’une ferveur désarmante avec pas moins de 5 sorties cette année-là (cf. ici également) dans la foulée de sa chouette participation à notre compilation IRMxTP, est un petit miracle que l’on n’attendait plus, d’autant moins sous la patte de Kenny Segal aux instrus et dans le giron des excellents Backwoodz Studioz, label qui a plus que jamais le vent en poupe auprès des amateurs de hip-hop atypique et habité. Beats déstructurés, atmosphères psyché de rêves éveillés, lyrisme lo-fi et flow en liberté, rien n’a vraiment changé même si le Californien ne produit plus lui-même, de ce goût du jazz et du piano découpés au scalpel sur A Little Bit, Warhammer, Reduced Introduction ou surtout Crushed Heavenly avec les rappeurs de ShrapKnel en guests (cf. le #18 du présent classement), à une certaine forme de féérie moderne incarnée ici par Immediate Imminent Immunity et plus encore Local Anastasia, qui fait la part belle à l’élégance tranquille d’Open Mike Eagle - Fatboi Sharif étant également de la partie sur le particulièrement étrange Season Of The Sickness à l’ambiance plus cauchemardée, ainsi que les tauliers billy woods et ELUCID sur le sommet Spellcasted Television à l’irrésistible gimmick de guitare saturée. Autant dire que les deux bonhommes se sont bien trouvés, en espérant que la collaboration se pérennise tant elle paraît déjà riche de promesses au charme singulier.
14. Krohme x Pruven - Divine Reciprocity
Moins emballé en début d’année par la collaboration assez lo-fi et un peu terne du rappeur américain avec le prodo japonais ILL Sugi, pourtant fabuleux en metteur en son pour SCVTTERBRVIN récemment (cf. 5 places plus bas), Divine Reciprocity m’a immédiatement réconcilié avec le bonhomme, que l’on suit mine de rien depuis plus de 8 ans dans ces pages. Sous la houlette de Krohme, producteur assez coté notamment croisé chez Hell Razah, Ras Kass ou en remixeur pour Stetsasonic, le MC renoue avec le genre d’univers qui lui siéent le mieux, à la croisée du jazz, de la soul et d’un boom bap insidieux aux atmosphères à la fois sombres et empreintes de spiritualité. Capables de jolis grands écarts entre minimalisme inquiétant (Learn Living, Blue With True Truth Shades) et instrus plus extravertis et luxuriants (Unknown Character, Restricted Restraints) par l’intermédiaire parfois de gimmicks vocaux samplés assez ludiques (Am I Focused ?, Weed For Your Eardrums) voire d’incursions synthétiques plus futuristes à la Cannibal Ox (Son Strong Sun (One), Dark Knight Bright Water), le beatmaker connaît visiblement les atomes crochus du MC avec son copain Vast Aire mais ne part jamais véritablement dans le lyrisme stellaire de ce dernier, laissant de l’espace au flow de Pruven dont l’élégance naturelle fait une nouvelle fois mouche ici.
15. Ghostvolume - El Enmascarado
Je disais par là à propos du dernier Nuse Tyrant tout le bien que je pense du label de San Diego Module 25 et à quel point son explosion cette année augure du meilleur, et il est certain que le producteur Ghostvolume n’est pas étranger à cet engouement. El Enmascarado, auquel participe justement le MC susnommé sur une paire de titres, est tout ce que j’attends d’un album de producteur : une atmosphère évocatrice et immersive aux samples sombres et inquiétants (violons et clavecin ayant la part belle entre autres choeurs, vibraphone, guitare, orgue éthio-jazz, cordes asiatiques ou piano gondolé), un beatmaking singulier (en l’occurrence des jeux d’échos psyché et de glitchs assez récurrents voire presque un peu trop, garants en tout cas d’une dynamique bouillonnante et tourmentée), un aspect narratif incarné ici par des samples de dialogues en espagnol façon cinéma des années 50, et des incursions rappées qui viennent s’intégrer à l’ensemble sans tomber comme un cheveu sur la soupe (on découvre pour l’occasion les très bons Emphasize et Kaustradamus, Fable One ou encore le rappeur hispanophone Remo Virogha). Une vraie réussite, pour amateurs de productions assez lo-fi certes (on n’est pas chez RJD2 ou DJ Shadow bien que l’esprit s’en rapproche) mais emballante à tous points de vue.
16. Stress Eater - Everybody Eats !
Stress Eater, pour faire court, c’est Czarface avec Kool Keith au micro à la place d’Inspectah Deck. Il faut croire que le trio aux artworks de comics de super-vilains ne sortait pas encore suffisamment de disques depuis ses débuts en 2013 (une douzaine de longs-formats tout de même, auxquels s’ajoutent un certain nombre de singles et de maxis), mais on ne risque pas de s’en plaindre tant le niveau demeure au rendez-vous, dans une veine toujours aussi ludique, énergique et mélangeuse, Kool Keith n’ayant rien à envier en la matière au MC du Wu-Tang Clan. Hymnes virevoltants mêlant guitares rock et scratches enlevés (The Hunt For Czarface), petits tubes du côté obscur (Rocket Science, Cold Wave), tension old school rythmée à la contrebasse (Here’s Some Homicide feat. Ice-T), synthés rétrofuturistes (Willrow Hood, Off The Bone, Aladdin’s Castle), groove cristallin (Genuine Lifestyle, Giving Back To The Universe) et puis ces breaks à l’ancienne (Top Men Of Rap), interludes samplés et autres collages baroques à tous les étages (People Want Sugar, Mecha And The Sole Brother) : 7L fait comme toujours feu de tout bois aux instrus tandis qu’Esoteric, fidèle au poste, oppose son flow vindicatif à celui plus cool et décalé du rappeur de Dr. Octagon, tout à fait dans son élément ici entre science-fiction, pop culture et crossovers à marcher sur la tête.
17. 1Jack & Illinformed - Happy After Hell
"Basses enveloppantes, choeurs samplés, claviers cristallins mi-spleenétiques mi-vénéneux et autres boucles d’orchestrations se mêlent ici à des beats boom-bap sans chichi pour accoucher d’un mini-album clair-obscur comme on aime, alternant productions au cordeau tout en précision percutante à l’Américaine (Mannequins, ou Basquiat avec Jack Jetson), incursions plus insidieuses typiques de l’underground anglais (Mirrors) ou presque trip-hop aux entournures (Joey Crack) sur lesquelles le flow tendu de 1Jack s’avère particulièrement magnétique, et titres parfaitement à la croisée de ces deux univers (Triple Heads, Outside, Vienna Aktionists ou encore Twisted Calligraphy avec Smellington Piff). Un autre must signé Illinformed dont on ne regrettera que la courte durée, environ 27 minutes pour 10 titres, format bâtard entre album et EP qui malheureusement prend pas mal l’ascendant dans l’underground hip-hop depuis une paire d’années."
18. ShrapKnel - Nobody Planning To Leave
"Pour ce 3e long format toujours défendu par le label de billy woods, les rappeurs américains PremRock et Curly Castro s’associent pour la première fois à un seul et unique producteur en la personne du Californien Tommy McMahon aka Controller 7, beatmaker récurrent des grandes heures de feu Anticon. Ici, son travail se révèle versatile dans le bon sens du terme, avec des atmosphères intrigantes et travaillées via des morceaux fragmentés et souvent libérés de tout carcan esthétique, offrant un boulevard aux flows complémentaires des deux MCs dès le cinématographique Metallo d’ouverture au piano inquiétant où la frénésie hallucinée de Curly Castro succède à la décontraction solennelle de PremRock. Dans la foulée, sur Dadaism 3, Open Mike Eagle fait merveille au spoken word sur fond de boucles capiteuses aux choeurs fantomatiques qu’on jurerait tout droit sortis de quelque film fantastique de la Hammer. D’un côté, avec ces deux morceaux exceptionnels en tête de tracklist, on pourrait presque regretter que l’album ait grillé d’entrée de jeu ses deux plus belles cartouches... mais de l’autre, force est de constater que la suite ne démérite jamais pour autant, entre les sonorités old school azimutées d’un LIVE Element qu’Edan n’aurait probablement pas renié, un Steel Pan Labyrinth métamorphe et métallique comme son titre le laissait supposer, le tout aussi changeant et volontiers dissonant Uru Metal avec ELUCID, le jazz pur jus de Human Form ou encore Worry Doll, conclusion étrange et spirituelle à souhait. ShrapKnel, duo virtuose et friand de chemins de traverse, est en train de se construire une belle identité libertaire dans le refus, justement, d’en choisir une."
19. SCVTTERBRVIN & iLL S.U.G.I. - The Rotten King
"L’EP Blunt Raps 2 produit par Psychopop avait mis la barre très haut quelques semaines auparavant, c’est en s’associant à un autre beatmaker chouchou d’IRM, le Japonais Ill Sugi, que le rappeur de San Diego lui donne suite ici avec 13 titres clairs-obscurs beaucoup plus jazzy et cristallins, tout en cuivres et vents vintage (The Incomplete Guide To Omnicide, Sky Burial), vibraphone (Raphael De La Ghetto, Johnny Rotten) et autres samples rétro élégamment déconstruits (Alien vs. Predator, Racial Profile). Si SCVTTERBRVIN est égal à lui-même avec ce flow intense aux accents légèrement menaçants, le beatmaker de Kanagawa y gagne encore en textures par rapport à ses productions habituelles et signe peut-être là sa plus belle réalisation à ce jour."
20. 7X3=21 + August Fanon - The Intentional Whatever
On vous avait déjà touché un mot de Kevin Beacham il y a quelques mois pour son excellent Know Purpose avec le beatmaker chicagoan Antainale. Cette fois c’est à August Fanon, fidèle comparse du rappeur Iceberg Theory entre deux productions ces dernières années pour Mach-Hommy (poke au très chouette mais un brin surcoté #RICHAXXHAITIAN absent de ce top, dont il signe le morceau d’intro), les Armand Hammer, Sleep Sinatra, AKAI SOLO ou Defcee (sacré beau monde, et pourtant on en passe), que l’ex manager de Rhymesayers a confié les manettes de The Intentional Whatever, et bien lui en a pris : toujours aussi sombre et sans concession, cette seconde sortie de l’année met la barre encore plus haut, entre saturations cauchemardées (Welcome To The Shadow World, For Granite), jazz cinématographique aux motifs entêtants (Once Was), tendus (What I Get, et surtout le génial The Law of Savages évoquant Quincy Jones ou Lalo Schifrin) voire plus feutrés (Moving Along), sonorités industrielles (The Intentional Whatever) et autres guitares distordues (Quiet Is Kept, Be Well), le flow de 7X3=21 servant de fil conducteur via sa constance dans une dynamique mi-menaçante mi-hypnotique.
21. Kurious - Majician
Pas facile de passer après Monkeyman enregistré avec le duo de producteurs finlandais Cut Beetlez, aka tout bonnement mon EP favori de 2023 et peut-être même la sortie hip-hop qui m’avait le plus emballé cette année-là. Ainsi, au départ, ce nouvel opus du rappeur new-yorkais Jorge Alvarez, surtout connu pour ses participations dans les 90s au crew Constipated Monkeys de MF Doom - qui donna son titre à son premier album solo A Constipated Monkey en 1994, mis en musique à l’époque par les Beatnuts - et au cultissime Operation : Doomsday de ce dernier, ne paie pas de mine avec le genre d’instrus que son producteur Mono En Stereo réserve généralement à Homeboy Sandman (justement invité ici sur le décalé Open), simples boucles samplées de library music, de soundtracks rétrofuturistes ou d’instrus soul ou funk méconnus sur lesquels le New-Yorkais adepte du freestyle vient poser son flow. Et puis comme avec l’EP Rich de Homeboy Sandman l’an passé, le charme finit par agir, quelques beats old school bien sentis aidant ici et là et surtout la vibe libertaire doublée de hargne du MC, capable de transformer en or tout ce qu’il touche. Petit plaisir par ailleurs que de voir Kurious, qui s’était fait discret ces deux dernières décennies, distribué aux US par Rhymesayers pour cet album, un coup de projecteur tout sauf superflu pour ce très grand de l’underground aujourd’hui un peu oublié.
22. Eric The Red & Illinformed - Painting Da Town Red
"La paire constituait déjà les deux tiers du projet Creatures Of Habit, autant dire qu’ils ont l’habitude de collaborer en plus de se connaître par coeur, et ça s’entend sur cet album sans chichi où le flow nasillard du rappeur s’accorde à merveille avec les productions 90s à l’Américaine d’Illinformed, qu’elles soient jazzy et feutrées (Same Day, avec leur compère Jack Jetson), cinématographiques et inquiétantes (Super Fiends, Switching The Keys), purement boom bap avec ces cuivres à la DJ Premier (Need In Your Life, ou le tubesque Again And Again aux accents old school à la EPMD), ou au contraire plus typiquement british à l’image de DNA (featuring Leaf Dog, aîné de la fratrie dont Eric est le benjamin) ou de Danger. On pourra reprocher à l’album des basses un brin redondantes (de Krylon à Route 66 avec l’habitué Smellington Piff en guest en passant par Minds Gone, un motif similaire semble simplement s’éclaircir et prendre peu à peu le dessus) mais l’ensemble est tellement bien fichu et rafraîchissant d’efficacité rétro dans le paysage actuel que l’on ne peut s’empêcher de relancer ce petit bonbon indie rap, une bien jolie réussite qui en dépit de ses références vieilles de 30 ans n’en refuse pas moins la bête nostalgie et les recettes toutes faites."
23. Bishop Nehru - Nehruvia : Solace In Shadows
Rappeur au succès précoce propulsé à 16 ans à peine en première partie du Wu-Tang sur leur tournée des 20 ans de 36 Chambers, l’Américain Markel Scott aka Bishop Nehru repéré et signé par Nas la même année s’est quelque peu fait oublier par la suite et c’est tant mieux, lui qui n’avait jamais été aussi bon que depuis qu’il troque ses velléités radiophoniques contre un rap de backpacker aux beats bruts de décoffrage et samples saccadés (cf. ici). Par chance, c’est toujours le cas sur ce dernier volet en date de la série Nehruvia, moins sous-produit que l’EP Mysteries of Initiation de l’an passé mais qui brille par le même genre d’élans pop dans les refrains autant que dans les boucles de jazz déstructuré ou de soundtracks rétro, un peu comme si MF Doom, avec qui il signait NehruvianDOOM il y a dix ans déjà, avait croisé le fer avec le Kanye West du milieu des années 2000 (on ne va d’ailleurs pas se cacher les menues ressemblances entre le flow du bonhomme et celui de l’auteur de Late Registration à l’époque, même si Bishop Nehru est déjà un MC nettement plus accompli).
24. Blueprint - Chamber Music II
"Drôle de projet que cette suite vingt ans après de Chamber Music, première incursion essentiellement instrumentale et produite par ses soins du MC de feu Soul Position dont le chef-d’oeuvre solo, Respect the Architect, ne verrait le jour que 10 ans plus tard. En effet, comme son prédécesseur où l’on pouvait croiser Aesop Rock ou Vast Aire, Chamber Music II n’est pas à proprement parler un album instru puisque plusieurs morceaux sont investis par les flows de l’Américain lui-même, de son compère Illogic (l’éthéré All Three) ou de The Orphanage - qui l’associe à ce dernier ainsi qu’à Aesop Rock et à Slug d’Atmosphere -, pas plus qu’il n’est un album "dark" comme l’annonce pourtant l’intéressé en intro, promettant des "beats sortis tout droit du putain de donjon". Un donjon plutôt relax alors, car passées les vagues tonalités spectrales de The Second Chamber, ode paradoxalement rappée à un hip-hop instru en voie de disparition, cette direction est vite abandonnée, que ce soit avec les élans aériens du bien-nommé Axelrod’s Ghost en hommage au précurseur de l’abstract David Axelrod, tout en cuivres et guitares psyché comme il se doit, le cool d’un I Believe flirtant avec l’esprit de Q-Tip, ou plus encore le lyrisme décontracté de And You Don’t Stop. Pour qui apprécie comme nous le feeling old school compact et texturé des beats de Blueprint, amateur de drum machines à l’ancienne façon Yamaha RX et compagnie sur lesquelles il pratique un fingerdrumming au groove simple et efficace dont les kicks sonnent bien lourdement, Chamber Music II sera forcément un régal tant ce genre de vibe se fait rare aujourd’hui."
Bonus - 26 albums de plus :
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J.O.D - Place & Actions
Billion O’Clock & Grosso Gadgetto - Astro Travail
your best friend jippy - Unidentified Friendly Object
Talib Kweli & J. Rawls - The Confidence Of Knowing
Godfather Don - Thesis
Nuse Tyrant - NUTSO
Cognac Kingz (Him Lo x Giallo Point) - LO Frasier
K.A.A.N. & DJ Hoppa - Delusions Of Grandeur
Hemlock Ernst + Icky Reels - Studying Absence
Spectacular Diagnostics - Appetites
Estee Nack x Giallo Point - Papitas 2
Jack Jetson & Illinformed - Winter Forever / Kobayashi Porcelain
Him Lo presents 67th Infantry - Stampede of Equestrianz
Johnny Slash & DJ Hoppa - Shadows In Sound Vol. 1
Crimeapple & Preservation - El León
Your Old Droog - Movie
Collapsed Skull - Truth Serum
Skyzoo - Keep Me Company
Gangrene - Heads I Win, Tails You Lose
Sparkz & Pitch 92 - Full Circle
Seez Mics - With SFR
Blank Thought - Ghost in the Machine
Epic & Rob Crooks - Nassau Manor
AKAI SOLO - DREAMDROPDRAGON
154 fRANKLIN & Black Saturn - Black Antebellum
Bonus 2 - Les 50 suivants à l’instant "t", pour les plus acharnés.
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