100 artistes, 100 albums : les incontournables (Part. 2)

Été 2008, Indie Rock Mag vous propose un dossier incontournable, inédit et indispensable. Prenez un sujet du Forum Indie Rock intitulé "vos 100 meilleurs disques de tous les temps", ajoutez-y une poignée de formules validées par l’INSEE, mixez le tout avec des choix de la rédaction intercalés en parfaite cohabitation et vous voici face à ce que l’on peut considérer comme 100 artistes, 100 albums incontournables (des temps modernes).

45. The Beach Boys - Pet Sounds (US - 1966)

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En 1966, Brian Wilson, impressionné par le Rubber Soul des Beatles paru l’année précédente, se propulse compositeur, parolier et chef-d’orchestre exclusif de son groupe de surf music californien à succès, dont le talent évident n’avait pas bénéficié jusqu’alors de l’ambition nécessaire à son plein épanouissement. Ce sera le cas ici, et de la façon la plus éclatante qui soit sous la houlette de ce jeune mégalo touché par la grâce et déterminé à enregistrer l’album de pop ultime, dont le songwriting, aussi pur puisse-t-il être, n’empêcherait pas la musique de se suffire à elle-même (cf. les instrumentaux Let’s Go Away For Awhile et Pet Sounds, véritables tourbillons oniriques beaux à couper le souffle). Mais les Beatles, impressionnés à leur tour (surtout Paul McCartney) ne tarderont pas à répliquer avec Revolver, auquel Wilson, poussé dans les derniers retranchements de sa raison lors de l’enregistrement du fameux Smile avec son ami parolier et arrangeur Van Dyke Parks, échouera à répondre, miné par les dissensions au sein du groupe, les réticences de Capitol Records et les problèmes techniques qui l’empêcheront d’obtenir sur bande la musique qu’il entend dans sa tête.

En 67, Sgt. Pepper enfoncera le clou, envoyant Smile aux oubliettes et Brian Wilson au sanatorium. Cloîtré dans son lit, il ne le quittera plus que ponctuellement pour donner un coup de main à ses camarades sur les albums suivants du groupe qui révèleront bientôt les talents de songwriter et de producteur de ses frères Carl et Dennis ou encore de son cousin Mike Love avec des merveilles reconnues sur le tard telles que Sunflower, Surf’s Up, 20/20 ou Holland, mais parviendra tout de même à entamer une carrière solo à la fin des années 80 qui le mènera finalement à enregistrer le Smile dont il rêvait.

Un parcours étrange et chaotique pour un songwriter, compositeur, producteur et arrangeur d’exception, qui n’aura payé que pour avoir été en avance sur son temps : parce qu’il faut bien le dire, beaucoup rigolent dans leur barbe aujourd’hui rien qu’à l’idée qu’on ait pu un jour comparer l’inégal Revolver et le désuet Sgt. Pepper à ce chef-d’oeuvre nostalgique et solaire dont le flot de souvenirs fantasmatiques, avec ses hymnes faussement insouciants (Wouldn’t It Be Nice), ses ballades mélancoliques (I Just Wasn’t Made For These Times) et ses comptines crève-coeur (God Only Knows, déclaration d’amour pragmatique qui tirerait des larmes à une pierre et que McCartney lui-même, également réaliste, qualifiera de "plus belle chanson d’amour de tous les temps"), a souvent été pris à tort pour du psychédélisme tant ces réminiscences d’un amour sans issue s’assemblent à la façon d’un trip mental, d’une plongée brumeuse aux tréfonds d’un esprit séquestré par un passé à jamais révolu.

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The Auteurs - New Wave (UK - 1993)
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The Auteurs - New Wave dispo sur amazon.fr

Que dire sur Luke Haines et The Auteurs qui soit à la hauteur de son talent ? Que dire qu’il n’ait pas aussi bien dit lui-même ? Cet anglo-saxon de 41 ans est à l’origine de quelques formations cultes : The Auteurs, Black Box Recorder, Baader Meinhof. Et avec une pseudo compilation de morceaux réorchestrés qu’il intitulera modestement Das Capital (The Songwriting Genius Of Luke Haines), on comprend rapidement que ce Brian Wilson des temps modernes en a à revendre. 1992, en pleine période brit-pop, The Auteurs nous sortent un New Wave qui détonne vraiment à l’époque. Le mensuel Les Inrockuptibles se voit même contraint de sortir exceptionnellement une double couv’ Suede / The Auteurs. Le quasi glam-rock et la force mélodique de Showgirl font mouche. Luke Haines sombrera plus tard dans on ne sait quelle folie, entre imagerie des années sombres allemandes et albums de pur génie. Incontournable.

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44. Eels - Electro-Shock Blues (US - 1998)

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Douze ans de carrière discrète depuis le coup de projecteur inattendu reçu par Beautiful Freak, et pourtant le groupe de Mark Oliver Everett se retrouve là avec son album le plus expérimental et torturé, écrit et composé dans l’ombre du cancer qui ravageait sa mère et du suicide de sa soeur cadette. Forcément douloureux, parfois profondément dépressif mais toujours plein d’espoir, ce deuxième opus n’en est pas moins construit autour de deux funérailles, de quoi réduire à néant le semblant de célébrité acquis deux plus tôt avec le succès de Novocaine For The Soul, faute de promo engageante et de single fracassant.

Le songwriting de E est pourtant ici à son sommet, de même que sa capacité à croiser des influences quasi-antinomiques avec la plus grande évidence : indus et surf music sur le rageur Cancer For The Cure, pop psychédélique et rock noisy sur l’aérien Last Stop : This Town (cf. le clip ci-dessous, symptomatique de l’humour du bonhomme), ambient et musique arabe sur la bouleversante complainte-titre, folk et trip-hop sur le lumineux Efil’s God... Cette créativité foisonnante - appuyée ici et là par des productions parfaites signées Michael Simpson (moitié des Dust Brothers) et des participations de Lisa Germano ou Jon Brion (génial artisan de l’ombre qui fera les plus belles heures de la pop de Rufus Wainwright, Aimee Mann ou Fiona Apple et signera une poignée de BO mémorables notamment pour P.T. Anderson), E se chargeant lui-même de presque tout le reste -, l’américain ne la retrouvera véritablement qu’en 2003 le temps du coup de génie de son side-project méconnu MC Honky, ce qui ne l’empêchera pas de développer encore son talent de songwriter unique album après album, entre réminiscences pudiques d’un trauma d’enfance persistant, détresse relationnelle, tendresse naturelle, regard social acide et humour pince-sans-rire, jusqu’au superbe double Blinking Lights And Other Revelations en 2005.

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Fiona Apple - Tidal (US - 1996)
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Des mélodies irrésistibles au piano, de superbes arrangements, une voix touchante et sensuelle, un peu de douce folie mélancolique dans ce premier album pop teinté de jazz, c’est la recette qui a propulsé Fiona Apple sur le devant de la scène et lui a permis de rencontrer un succès critique et commercial inattendu. Sur Tidal, cette jeune fille de New-York inconnue et frêle d’à peine 19 ans impressionne par la maturité dont elle fait preuve aussi bien dans sa voix que dans ses émouvantes compositions (Shadowboxer, Criminal...). Mais surtout, elle délivre une œuvre incroyablement personnelle et tourmentée qui n’est pas si facile et évidente d’accès. Elle y dévoile les plus profondes blessures de son enfance (le divorce des ses parents mal supporté, un viol à l’âge de 12 ans, de nombreuses séances de psychothérapie), avec une réelle émotion et sincérité et une pointe d’acidité et d’amertume dans ses propos et son écriture. Elle règle ses comptes avec ses vieux démons, ce qu’elle continuera à faire sur son deuxième album au nom à rallonge toujours aussi torturé et particulier avec de nouveau Jon Brion à la production (metteur en son d’Aimee Mann et compositeur des BO de Magnolia et Eternal Sunshine for a Spotless Mind notamment). La belle Fiona Apple veut tout simplement être libre, sa musique lui servant d’exutoire et lui permettant de dévoiler une partie de son univers comme avec cette belle reprise des Beatles sur un clip de Paul Thomas Anderson, réalisateur justement de Magnolia et plus récemment de There Will Be Blood  :

Darko

43. DJ Shadow - Endtroducing (US - 1996)

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En 1996, Endtroducing fait l’effet d’une mini-révolution pour le monde des musiques électroniques et d’un véritable séisme pour la critique et les mélomanes qui pour la plupart d’entre eux découvraient seulement alors l’univers de ce virtuose du sampling du nom de Josh Davis, révélé trois ans plus tôt par l’extraordinaire et séminal In/Flux, single à tiroirs de plus de 12 minutes paru sur le label Mo’Wax : comment un Américain d’à peine 24 ans avait-il pu réaliser un album aussi riche, complexe, personnel et harmonieux tout seul dans son petit appartement avec pour unique source d’instrumentation sa collection de vinyles (une première d’ailleurs, qu’on retrouve même dans le Livre Guinness des Records) ?

Car à l’époque, Endtroducing, malgré ses nombreuses influences et en particulier le trip-hop des premiers albums de Massive Attack, ne ressemblait à rien de connu : un mélange ténébreux et anxieux, downtempo et en majeure partie instrumental, de beats hip-hop en roue libre, réminiscences atmosphériques de jazz, funk ou soul, voix fantomatiques et piano cinématique profondément spleenétique (cf. le fabuleux Building Steam With A Grain Of Salt) s’autorisant toutes les audaces (sampler Possibly Maybe de Björk sur Mutual Slump, il fallait oser). L’abstract hip-hop, déjà approché par DJ Krush ou même pourquoi pas Boards Of Canada, tenait enfin son manifeste anthologique et limpide qui allait par la suite inspirer à son tour nombre de créateurs-recycleurs de talent, de Scott Herren (Prefuse 73, Savath & Savalas) et Sixtoo à RJD2 (et son superbe Deadringer ) ou Amon Tobin en passant par les petits génies du hip-hop californien Blackalicious (dont Shadow avait déjà co-produit l’EP Melodica, également précurseur du genre en 94) et Latyrx, lesquels formeraient bientôt avec Jurassic 5 la garde rapprochée du propre label de l’Américain, Solesides, rebaptisé plus tard Quannum.

DJ Shadow, quant à lui, ferait preuve du même génie deux ans plus tard avec UNKLE, propulsé par son mentor James Lavelle en metteur en son de l’épique et ambitieux Psyence Fiction, dont il signera toutes les compos inquiètes et schizophrènes avant de couper les ponts avec le patron mégalo de Mo’Wax pour multiplier les collaborations en tirage limité avec Dan The Automator (lui-même pilier de l’abstract dès 1996 avec l’EP A Better Tomorrow et son projet Dr. Octagon, tous deux avec le leader des Ultramagnetic MC’s, Kool Keith) ou Cut Chemist puis finalement explorer de nouvelles directions plus pop avec The Private Press, deuxième album inégal mais passionnant paru en 2002 et malheureusement suivi après quatre ans de hiatus d’un troisième opus terriblement décevant.

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Beastie Boys - Paul’s Boutique (US - 1989)
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Beastie Boys - Paul’s Boutique dispo sur amazon.fr

Des Beastie Boys, on aurait pu citer le tubesque Hello Nasty, OVNI hip-hop ouvert aux quatre vents débordant de folie et d’inventivité, une idée de génie toutes les dix secondes à peu près, sans doute le sommet de leur discographie. Ou même To The 5 Boroughs, hommage politiquement engagé des trois trublions à leur New-York natal, dont l’équilibre quasi-miraculeux entre énergie brute, sonorités électro radicales et constructions équilibristes témoigne en 2004 d’un talent toujours plus aiguisé près de 25 ans après leurs débuts. D’autres auraient certainement choisi de parler de Check Your Head ou Ill Communication, faux jumeaux aux fusions hip-hop/funk/jazz/punk électrisantes et influentes, ou même du séminal Licensed To Ill, manifeste un poil daté mais toujours aussi jouissif d’un trio de blanc-becs surdoués qui avaient décidé de marier hip-hop et groove à un rock parfois heavy pour transformer la Grosse Pomme en gigantesque party.

Tous ces albums ont marqué ou marqueront l’histoire du hip-hop, mais Paul’s Boutique a quelque chose de plus. En s’associant aux Dust Brothers - futurs producteurs du Odelay de Beck notamment (qui se réclamera de cet album dès Mellow Gold ) et auteurs dix ans plus tard d’un véritable chef-d’oeuvre d’abstract de fin de monde avec la BO du génial Fight Club de David Fincher -, Adrock, Mike D et MCA vont en effet encore plus loin que les Stereo MC’s la même année avec 33-45-77 et transforment la pratique du sampling en méthode de composition à part entière, dont la systématisation virtuose ne rime plus ici avec pillage mais plutôt créativité débridée : pour preuve notamment le single Hey Ladies et ses tiroirs déjantés d’où surgissent guitares funk 70’s, clappements de mains, voix vocodée et cloche de vachette pyrénéenne, ou surtout le fabuleux Egg Man, dont la basse piquée au Superfly de Curtis Mayfield est détournée en moteur de tension de cette histoire de vengeance d’un souffre-douleur qui témoigne du regard social aigu de nos trois pourfendeurs de la bêtise humaine et se termine dans un bain de sang traduit par une métaphore sonore tout droit sortie des Dents de la mer et de Psychose - certains y décèleront également un hommage vocal à Public Enemy, l’autre grande formation hip-hop de l’époque qui venait de sortir son chef-d’oeuvre radical et vindicatif, It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back.

Une nouvelle façon de concevoir la musique qui influencera à des degrés divers des artistes aussi importants que Massive Attack, DJ Shadow et Prefuse 73 ou plus récemment les créations débridées des Avalanches ou de Girl Talk, marquant durablement bien qu’indirectement tout un pan de la musique de ces 20 dernières années.

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42. Slint - Spiderland (US - 1991)

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Alors qu’en 1991, le phénomène Nirvana occupe l’attention générale, Steve Albini, le producteur qui va deux années plus tard radicaliser le son de la bande de Seattle sur In Utero, est en charge d’un album qui va marquer l’histoire musicale. A l’époque, on est loin de se douter de son impact étant donné que la sortie de cet album passe inaperçue. Pourtant ceux qui vont tomber sur la toile tissée de Spiderland ne vont pas s’en remettre. Dans cet univers angoissant et claustrophobe, se succèdent des plages calmes avec une tension invisible et palpable, et des plages électriques de décharges rageuses et intenses. Rarement une ambiance sombre et dépressive développée par une rythmique lancinante et des déflagrations d’une telle puissance sans parler de cette voix alternant murmures et hurlements inquiétants, n’aura été entendue de la sorte. C’est tout simplement l’album qui sera considéré comme fondateur du post-rock (Mogwai, Godspeed You ! Black Emperor...). Cet album essentiel, dont la pochette est une photographie du groupe signée Will Oldham, sera toutefois fatal au groupe qui se séparera ensuite. Le travail du groupe pourra être apprécié avec la réédition de Tweez, leur premier album, et un EP sobrement intitulé Slint. Par la suite, les membres de Slint ont continué et participé à divers projets. Le guitariste David Pajo a été aperçu du côté de Tortoise et Zwan, tandis que le chanteur-guitariste Brian McMahan a formé The For Carnation et a été vu en compagnie du bassiste Todd Brashear et du batteur Britt Walford au côté de Will Oldham (Palace Brothers), le batteur ayant également tenté l’aventure avec The Breeders sur l’album Pod. En ce qui concerne Steve Albini, celui-ci continue de produire de nombreux disques d’excellente facture et officie lui-même au sein de Shellac qui perpétue quelque peu l’héritage de Slint.

Darko


Tortoise - TNT (US - 1998)
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En s’associant avec la paire fondatrice Doug McCombs/John Herndon en 1990, John McEntire (futur leader implicite du groupe) et Bundy K. Brown, tous deux ex-pionniers du post-hardcore avec Bastro initiés aux expérimentations les plus déconstruites par le génial David Grubbs (inventeur entre autres du math-rock et du grunge avec Squirrel Bait - qui révéla le futur leader de Slint et The For Carnation, Brian McMahan - et moitié de la géniale formation post-folk/ambient Gastr Del Sol avec Jim O’Rourke dans les années 90), et le dernier arrivé Dan Bitney allaient tracer dès leur premier single Mosquito en 1993 puis l’année suivante avec leur premier album éponyme les contours d’un rock instrumental particulièrement évocateur qu’on appellerait bientôt post-rock.

Un pseudo-genre un peu fourre-tout que le quintette chicagoan allait transcender dès l’album suivant, le cultissime Millions Now Living Will Never Die, avec l’aide de l’ancien guitariste de Slint, David Pajo (futur Aerial M et Papa M) en remplaçant de luxe, avant de le laisser définitivement derrière avec TNT, peut-être l’album le plus fascinant et foisonnant des années 90. Can, le free jazz (sous l’influence sans doute de Jeff Parker, nouveau venu et remplaçant définitif de Bundy K. Brown qui allait peu à peu imposer sa marque sur la musique du groupe), DJ Shadow, l’électronica du label Wap, Brian Eno, le guitariste argentin Gustavo Santaolalla ou encore La Jetée (pour l’atmosphère et les noms des morceaux tous tirés de ce moyen-métrage culte de Chris Marker, dont le scénario d’anticipation avait déjà servi de base à L’armée des 12 singes de Terry Gilliam), autant d’influences fondatrices dont la somme ne saurait pourtant résumer la musique de ce chef-d’oeuvre organique tantôt lumineux tantôt anxieux mais toujours d’une fraîcheur inouïe, demeurée intacte après dix ans et quelques centaines d’écoutes toujours plus captivées. Les mélodies tortueuses et néanmoins limpides préfigurent quant à elles un autre chef-d’oeuvre à venir trois ans plus tard, le méconnu Standards qui systématisera les percussions cristallines en apesanteur déjà entendues sur certains morceaux de TNT, irréelles et pourtant tellement évidentes de naturel, pour livrer un précis de néo-jazz vénusien (si-si, puisqu’on vous le dit...) dont l’étrange beauté n’a d’égale que la candeur enivrante.

Depuis, Tortoise, non content d’avoir ouvert la voie à un certain nombre de musiciens parmi les plus passionnants de ces dernières années (Four Tet, Mice Parade, Dosh, Savath & Savalas...), n’a jamais cessé d’expérimenter et de se renouveler avec talent sans se soucier de la versatilité d’une critique malentendante, allant même jusqu’à s’associer avec Bonnie "Prince" Billy en 2006 le temps d’un album de repises hybrides ( The Brave And The Bold ) véritablement bluffant.

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41. dEUS - The Ideal Crash (Belgique - 1999)

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Une mélodie accrocheuse et entêtante dont la partie finale et rageuse ne cesse de résonner dans les oreilles sans que l’on veuille qu’elle se termine, c’est tout le charme d’Instant Street qui allait faire connaître dEUS au grand public. Difficile d’imaginer que ce groupe d’Anvers allait avoir un tel impact en cette fin de siècle et attirer de nombreux regards sur la Belgique (Venus, Zita Swoon...) . Et pourtant, on aurait dû s’en douter en écoutant Worst Case Scenario ou In A Bar Under The Sea, les deux précédents albums foisonnants d’idées et remarquables dans leur diversité et leur inventivité. Le groupe avait déjà toutes les cartes en main pour s’imposer mais n’avait pas encore sorti le grand jeu. Ce sera chose faite avec The Ideal Crash dont il est bien difficile de se remettre.

Avec une grande cohérence, le groupe va montrer un sens de la mélodie impeccable et maîtrisé tout au long de ces 10 titres superbes. Entre acoustique et électricité, les morceaux se révèlent riches et complexes, parfaitement travaillés et arrangés à base de cordes de toute beauté et de nappes électroniques aériennes et envoûtantes. Moins arty qu’à ses début, le groupe garde toujours cette envie de surprendre l’auditeur avec des sonorités inattendues ou des envolées de guitares détonantes. Mais c’est également la voix charmante et émouvante de Tom Barman que l’on retient. Il faut l’entendre chanter Sister Dew, sans doute la plus belle ballade du groupe, ou encore Magdalena. Avec cet album, le groupe a rallié un sommet qu’il n’atteindra peut-être plus jamais.

Darko


Zita Swoon - Life = A Sexy Sanctuary (Belgique - 2001)
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Zita Swoon - Life = A Sexy Sanctuary dispo sur amazon.fr

Des souvenirs d’Anvers, tout le monde aimerait en avoir par milliers : même si les diamantaires sont nombreux dans la ville, il est évident que certains rêveront bien plus à l’écoute de l’un des joyaux offerts par les musiciens du coin. Tom Barman, Rudy Trouvé... ils sont nombreux les musiciens talentueux a avoir croisé leurs destins autour de dEUS. Mais un seul groupe ne pouvait répondre à l’étonnante créativité de chacun de ces membres. Ainsi l’un des fondateurs, Stef Kamil Carlens, fut également l’un des premiers du groupe à prendre le large. A Beatband, Moondog Jr., c’est finalement sous le patronyme original de Zita Swoon qu’on peut dorénavant acclamer ce songwriter hors-pair. Et il faut bien se rendre à l’évidence, si Tom Barman n’avait pas fait tourner les têtes du monde entier 2 ans plus tôt avec The Ideal Crash, Zita Swoon serait de nos jours vénéré (mais c’est tout de même le cas) pour son étonnant Life = A Sexy Sanctuary. Pop alambiquée, déjantée, intelligente, allumée, cet album est tout à la fois aussi parfait que son confrère. Oui c’est possible : 2 amis, 2 formations, quelques années d’écart et chacun un chef-d’oeuvre reconnu même par les autorités qui les proclameront ambassadeurs culturels de Flandres ! Ils ont tout de même eu le nez fin ces belges. L’un comme l’autre ont emprunté des chemins musicaux déroutants pour les fans de la première heure tout en constituant au fil des années une discographie foisonnante d’innovations et de qualités. Ils nous ont mis la tête à l’envers, et on ne s’en remettra jamais vraiment. Sacrés belges. Allez cadeau, My Heart Belongs To Someone Else en version live studio.

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Un dossier en 10 épisodes : part. 1 - part. 2 - part. 3 - part. 4 - part. 5 - part. 6 - part. 7 - part. 8 - part. 9 - part. 10