100 artistes, 100 albums : les incontournables (Part. 10)
Été 2008, Indie Rock Mag vous propose un dossier incontournable, inédit et indispensable. Prenez un sujet du Forum Indie Rock intitulé "vos 100 meilleurs disques de tous les temps", ajoutez-y une poignée de formules validées par l’INSEE, mixez le tout avec des choix de la rédaction intercalés en parfaite cohabitation et vous voici face à ce que l’on peut considérer comme 100 artistes, 100 albums incontournables (des temps modernes).
5. Sonic Youth - Goo (US - 1990)
Retrouver Sonic Youth dans les sommets de ce classement n’est pas une surprise, c’est même une évidence tellement le groupe a une influence considérable sur la musique depuis quasiment une trentaine d’années sans aucune relâche. On peut juste s’étonner que ce ne soit pas le monumental Daydream Nation souvent cité comme un des albums les plus importants de l’ère moderne ou bien même Dirty souvent considéré comme le plus accessible et qui a d’ailleurs connu le succès auprès d’un public plus large suite aux louanges d’un fan en la personne de Kurt Cobain. En fait celui qui se retrouve en haut des marches se trouve être Goo sorti entre ces deux albums et pierre angulaire de leur discographie foisonnante et essentielle. En effet, il s’agit du premier album publié sur une major du groupe après une dizaine d’années d’existence. Et sa place est méritée et n’est pas aussi surprenante que cela, cet album restant dans le cœur des inconditionnels avec sa célèbre pochette qui se retrouve en effigie sur de nombreux tee-shirts. Et puis Sonic Youth n’a pas sacrifié ses mélodies bruitistes et son esprit avant-gardiste en signant sur une major, il a su rester indépendant et rassurer les fidèles de la première heure. Dirty Boots (en clip ci-dessous), l’un des meilleurs singles de la formation new-yorkaise en est la preuve, le groupe ne fera aucune concession. Il invite même Chuck D de Public Enemy sur Kool Thing, qui donne la réplique à Kim Gordon avec son chant toujours aussi sensuel et rebelle. Autre figure alternative et incontournable, J. Mascis de Dinosaur Jr. donne de la voix sur trois titres de cet album qui se révèle à la fois énergique et intellectuel, une chose que l’on retrouve chez peu de groupes et qui lui permet de conserver son aura sur de nombreuses générations.
Darko
- Yo La Tengo - And Then Nothing Turned Itself Inside-out
Yo La Tengo est le plus grand groupe américain. 12 albums en 22 ans d’une carrière atypique, pléthorique et parfois même chaotique. Mais plus encore que de la discographie parfaite du groupe, il était important de parler de ce voyage au bout de la nuit, décoloré et livide, qu’est And Then Nothing Turned Itself Inside-Out, disque majeur, atemporel bien que méconnu, magique, envoûtant, nocturne, dépressif et tout simplement beau. Un album qui suinte le désespoir amoureux, thème central de cette épopée brumeuse et rêveuse qui laisse agir son insidieux poison avec l’œuvre du temps. Mais la narration, qui se rapproche étrangement de celle de Berlin de Lou Reed, n’a pas besoin d’être expliquée pour être comprise tant elle crève les oreilles. Car il y a de ces disques que l’on n’explique pas, dont on a l’impression qu’ils nous appartiennent et qu’on les a créés juste pour nous.
Ici, dans cette nuit où la lumière des étoiles perce à peine les nuages, tout est parfait, de la pochette aux noms des morceaux en passant par l’artwork des pages centrales. Toute l’œuvre de Yo La Tengo se synthétise et trouve ici une cohérence impeccable contrairement à certains de ses prédécesseurs. Ici, à une exception près (Cherry Chapstick, rencontre nocturne avec Sonic Youth au coin d’un feu), le noise d’antan est masqué derrière la brume pour agir plus délicatement et se laisser apprivoiser de manière plus belle encore. Le titre inaugural, Everyday, est parfois à la limite du shoegaze, Tears Are In Your Eyes est la plus belle chanson des années 2000 et Saturday sonne comme un Pink Floyd période Meddle perdu dans le brouillard du New Jersey.
Si l’on devait résumer ce disque en quelques lignes, on parlerait de la bande-son d’un road-movie 50’s, nocturne, en noir et blanc avec l’image qui bave et la pellicule rayée. Une épopée blafarde dans laquelle on se retrouve directement acteur, et où l’on parcourt les grands espaces américains. Voyage émaillé par l’histoire du couple intime Kaplan / Hubley qui se fait et se défait au fil des kilomètres. La nuit est magique. Au dehors la lumière grisâtre laisse pénétrer entièrement cette nuit froide, noire, parfois même inquiétante et pourtant tellement belle. Il y a de ces échappées nocturnes et de ces albums dont on souhaiterait qu’ils ne s’arrêtent jamais, mais quand on nous ramène doucement à une réalité parfois morose, c’est à la fin des 13 minutes folles de Night Falls On Hoboken, faites de poésie nocturne et féérique sans couleur, où rêve et réalité se confondent pour finalement nous faire perdre tout repère. On pleure. Sans raison. On est simplement heureux. L’histoire de l’on vient de vivre, et dont l’auteur de ces lignes n’est plus de 8 ans après toujours pas revenu, pourrait peut-être bien être la plus belle du rock américain.
Casablancas
4. The Velvet Underground - The Velvet Underground & Nico (US - 1967)
Que n’a-t-on pas dit et écrit sur The Velvet Underground ? Il y a notamment cette histoire selon laquelle tous ceux qui ont pu écouter ce premier album ont fondé un groupe. Attribuée à Brian Eno, cette anecdote n’est sûrement pas loin de la réalité étant donné que ce disque s’est écoulé à peu d’exemplaires lors de sa sortie et qu’également la première écoute d’un tel album ne laisse jamais indifférent que ce soit il y a 40 ans ou encore aujourd’hui. Ce premier album est tout simplement un monument, un chef-d’œuvre, une référence en matière de rock urbain qui a encore une influence considérable. Entre débauche et perversion, ce manifeste avant-gardiste est avant tout une réponse au mouvement hippie idéaliste de l’époque. Sombre et radical, il montre une autre image de la jeunesse américaine, une jeunesse citadine et désinvolte à fois perdue et désenchantée qui préfère s’oublier dans les fêtes orgiaques et les drogues dures et s’adonner à des pratiques sexuelles déviantes.
Pourtant le début de cet album ne laisse rien transparaître avec ce premier titre de douce mélancolie et rêverie qu’est Sunday Morning. La suite est bien plus dérangeante et provocante avec le génial I’m Waiting For The Man qui voit Lou Reed attendre son dealer. D’ailleurs, le groupe ne cache pas ses excès en tous genres avec des paroles suffisamment explicites et moralement incorrectes (Heroin, Run Run Run …). Malgré son aspect difficile à la première approche, cette œuvre impressionne et se révèle d’une étrange beauté, fascinante et intrigante à l’image de Nico dont Andy Warhol est tombé sous le charme et est à l’origine de sa venue au sein de la formation new-yorkaise qu’il a prise sous sa protection et pour laquelle il a réalisé cette pochette, symbole phallique. Ainsi, glaciale et distante, la belle mannequin et actrice d’origine allemande attire sur elle tous les regards et envoûte quand elle se met à chanter Femme Fatale, I’ll Be Your Mirror, ou All Tomorrow’s Parties, d’une voix si particulière et monotone (remarquable également sur Chelsea Girl, premier exercice solo). Les guitares déstructurées et criardes de Lou Reed et Sterling Morrison, la batterie minimaliste et martiale de Moe Tucker, le violon lancinant et strident de John Cale se superposent et servent une musique expérimentale hypnotique, hallucinante, cacophonique, sensorielle et angoissante (qui trouve son apogée avec European Son qui clôture l’album dans un long délire bruitiste).
Suite à ce premier opus, Nico sera écartée, sans doute sujet de tensions au sein du groupe, et The Velvet Underground sortira trois autres albums studio plus ou moins accessibles et sans réellement plus de succès. Mais ce sera aussi une période de dissensions qui verra partir les membres un par un, désireux d’assouvir leurs propres passions. C’est Lou Reed qui s’en sortira le mieux mais John Cale davantage dans l’ombre fera preuve d’autant de talent et de génie.
Darko
"1, 2, 3, 4, 5, 6, Roadrunner, Roadrunner..." En prononçant cette simple formule, Jonathan Richman ne pensait évidemment pas que ce titre allait devenir un hymne punk (repris par les Sex Pistols quelques années plus tard) et surtout que ce premier album des Modern Lovers allait devenir aussi essentiel et important. Agé d’une vingtaine d’années, il est surtout insouciant, et préfère s’oublier dans de grandes embardées à toute allure, la musique à fond, à la recherche d’une fille idéale, le rêve de tout jeune de son époque et même encore d’aujourd’hui. C’est en 1969 qu’il s’éloigne de Boston et s’installe à New-York, ayant même l’occasion de dormir quelques jours chez le manager du Velvet Underground dont l’influence sera primordiale sur la musique des Modern Lovers, le groupe qu’il formera immédiatement une fois revenu dans sa ville d’origine. Après plusieurs séances d’enregistrement sous la direction de Kim Fowley puis de John Cale en 1971 et 1973, cet album éponyme ne verra sa sortie que 3 ans plus tard, les maisons de disques n’étant pas convaincues du résultat. Il faut dire que cette musique entre rock garage et psychédélisme urbain avec ces guitares dissonantes et cette rythmique minimaliste inspirées du Velvet Underground, et ces claviers rappelant The Doors, est bien éloignée des modes et des normes de l’époque. Et puis, il y a évidemment le phrasé atypique et désinvolte à la Lou Reed de Jonathan Richman. Mais il sait prendre ses distances avec le côté sombre et malsain de son idole, préférant déclarer sa flamme au monde entier (Old World et Modern World), aux filles (Girlfriend et Hospital) et montrer son aversion des drogues (I’m Straight) avec une certaine candeur et un profond optimisme. Il sait néanmoins rester lucide en maniant l’humour lorsqu’il raconte notamment ses histoires de drague et de loose (l’ironique et excellent Pablo Picasso repris par David Bowie). Mais voilà, lorsque sort cet album qui deviendra une grande influence du mouvement punk et du rock actuel, Jonathan Richman est déjà bien loin, il ne se reconnaît plus dans cette musique (ayant même choisi de dissoudre le groupe original et continuer l’aventure de son côté), le nouveau crooner romantique se cache déjà derrière ses ballades pop surréalistes et intemporelles (on le reverra avec plaisir en troubadour moderne dans Mary à tout prix ). On pourra également signaler que la première mouture du groupe aura vu ses membres réussir avec de nouvelles formations comme The Cars ou The Talking Heads qui ne passeront pas inaperçues.
Darko
3. Pixies - Surfer Rosa & Come On Pilgrim (US - 1988)
Surfer Rosa date de mars 88, Come On Pilgrim d’octobre 87. Voici les cinq albums les plus vendus aux USA en 1988 : Faith de George Michael, la B.O. de Dirty Dancing, Hysteria de Def Leppard, Kick d’INXS, Bad de Michael Jackson.
Aujourd’hui, l’album des Pixies figure dans n’importe quel top 20 de cette année-là, voire de la décennie. Mais il faut l’écouter en se replaçant dans le contexte de l’époque, dans un monde dominé par le heavy metal chevelu et la pop sirupeuse. Les Lutins, avec leur non-look, leurs chansons bancales et explosives, l’imagerie splendide et mystérieuse développée par Simon Larbalestier et Vaughan Oliver, faisaient figure d’extraterrestres. Ils n’entraient dans aucune case.
Vingt ans après, on n’entend plus trop parler de l’album de Def Leppard.
Jediroller
- Throwing Muses
Throwing Muses a été publié par 4AD en 1986. Premier groupe américain signé par le label londonien, le quatuor de Providence entraînera bientôt les Pixies dans son sillage. Le reste appartient à l’Histoire du rock... Mais on peut regretter que le parcours météorique de la bande à Black Francis ait fait de l’ombre à leurs compagnons de label, trop souvent réduits à un "girls band" (une ânerie) mené par une malade mentale (un raccourci facile de journaliste blasé).
Réédité en 1998 au sein de l’indispensable compilation In A Doghouse, Throwing Muses n’a pourtant pas à rougir de la comparaison avec un Come On Pilgrim. Certes, ce n’est pas un disque facile d’accès. Anguleuses, sinueuses, les chansons de Kristin Hersh sont d’insondables blocs d’émotions brutes, entre schizophrénie rageuse (mémorable Vicky’s Box), rock convulsif (America) et hillbilly destructuré (Rabbits Dying), pour terminer sur une ballade automutilatoire, le bouleversant Delicate Cutters.
À peine contrebalancée par la douceur du timbre de sa demi-soeur Tanya Donelly, la voix puissante de Kristin nous entraîne dans un labyrinthe d’émotions incompréhensibles, passant en un instant d’un sanglot brisé à un hurlement de banshee. Tanya se faufile dans le maelström pour poser un moment de douceur, une délicate chanson d’amour intitulée Green.
Le groupe connaîtra par la suite une carrière aussi tourmentée que ce premier album. Tanya finira par rejoindre les Breeders après avoir participé au magnifique The Real Ramona (1991). Mais Kristin s’acharnera contre vents et marées à faire vivre un groupe dont elle n’admettra jamais qu’il puisse cesser d’exister.
Jediroller
2. The Smiths - The Queen is Dead (UK - 1986)
Difficile de parler de The Queen Is Dead, troisième album des Smiths sorti sur Rough Trade en 1986, sans rien répéter de ce qui a déjà été dit mille fois. A commencer par la pochette, photo tirée du film L’insoumis où figure Alain Delon allongé sur le sol, traduisant d’entrée le ton funeste et romantique qui caractérisera l’ensemble de l’album.
Il s’ouvre sur la chanson éponyme, reprenant en premier plan un extrait de The L-Shaped Room, film de Bryan Forbes sorti en 1962, avant que la batterie de Mike Joyce, la guitare de Johnny Marr, la basse d’Andy Rourke et enfin la voix de Morrissey n’entrent en scène. Il est forcément question de reine, de prince, avec en toile de fond les répercutions du régime Thatcher, conclu par un triste constat ("Life is very long, when you’re lonely"). Titre dur, brut, qu’on se prend en pleine gueule à peine la touche ’play’ a-t-elle été effleurée. Le second titre, Frankly, Mr Shankly se montre plus joyeux, dans la veine des chansons de pop légères dont le groupe a le secret, à la rythmique simple mais terriblement efficace, où Morrissey titille l’industrie musicale non sans ironie et provocation.
Puis vient I Know It’s Over, la chanson la plus triste mais aussi la plus touchante de l’album, où ressortent les accents mélancoliques familiers des Smiths. Morrissey se lamente avec le lyrisme qu’on lui connaît sur la solitude, le manque d’amour, le désespoir et les doutes qui l’envahissent. Voix de crooner sur mélodie tout en douceur, la formule fait mouche, et le rôle sied comme un gant à notre héros baudelairien. Mélancolie et tristesse sont également au rendez-vous sur Never Had No One Ever, qui fait référence au tragique fait divers qui a secoué Manchester et le jeune Patrick Steven Morrissey entre 1963 et 1965 : les ’Moors Murders’, ou le premier cas de pédophilie aggravée de meurtres en série perpétré au Royaume-Uni.
Cemetry Gates redonne un peu de baume au coeur malgré son titre peu engageant. Ode aux auteurs britanniques affectionnés par le Moz, John Keats, William Yeats et par-dessus tout Oscar Wilde, c’est avant tout un nouveau pied de nez aux critiques dont certains ont qualifié de plagiats une partie de ses textes. C’est joyeux, pétillant, et on aimerait finalement bien traîner aux alentours de ce cimetière pour entendre ces accords de guitare et cette voix unique.
A la suite de ça, on tombe sur le lourd, très lourd de l’album, non pas que le niveau précédent ne tenait pas la route, bien au contraire, mais Bigmouth Strikes Again, The Boy With The Thorn In His Side et There Is A Light That Never Goes Out font partie de ces classiques intemporels dont on ne se lassera jamais, dont on attend encore les premiers accords lors des concerts solo du Moz, ceux qui restent plus que les autres, et à propos desquels tout a déjà été dit.
Bigmouth Strikes Again, tout d’abord, où Morrissey règle ses comptes avec les journaux people. Il est soutenu par la cavalerie guitaristique de Marr qui introduit le morceau et ne le quittera plus, et les chœurs de « Ann Coates » (en réalité Morrissey sous hélium) donnent encore plus de relief à l’acidité du texte. The Boy With The Thorn In His Side laisse quant à elle planer un mystère, cette épine est-elle l’amour pour un autre garçon qui chercherait la compréhension des autres, ou comme l’aurait déclaré Morrissey, l’industrie musicale qui n’a pas toujours entendu la démarche du groupe ? Quoiqu’il en soit sa mélodie pop fait mouche, Marr démontrant une nouvelle fois son talent tant à la guitare qu’en qualité de compositeur. Enfin, There Is A Light That Never Goes Out nous plonge une nouvelle et dernière fois dans les bas-fonds de l’âme de Morrissey. Cette âme esseulée à la recherche de repères et d’affection, qui supplie qu’on l’emmène loin, qui n’a rien à perdre, rien à craindre, surtout pas la mort qui pourrait enfin l’unir à l’être aimé : "To die by your side is such a heavenly way to die". Cette fois encore ces paroles ne signifieraient pas grand-chose si elles n’étaient pas appuyées avec autant de justesse par les lignes mélodiques de Marr enrichies ici par la présence d’un violon.
Les deux autres chansons du disque, Vicar In A Tutu et Some Girls Are Bigger Than Others sont à mon goût beaucoup plus anodines. La première pique l’Église et son intolérance sur une musique légèrement country, tandis la seconde trouve difficilement sa place sur le disque. Drôle d’idée que de l’avoir choisie en guise de conclusion.
Quoiqu’il en soit, il ressort de l’écoute de The Queen Is Dead que le duo Marr / Morrissey n’avait pas fini de nous émerveiller. Le cynisme et la sensibilité de Morrissey mêlés au sens indéniable de la mélodie de Marr ont fait de ce groupe l’un des groupes britanniques les plus importants des années 80, et ont hissé Morrissey au statut d’icône. The Smiths are dead mais leurs chansons resteront à jamais dans l’histoire.
Pix
Alors que l’Angleterre a du mal à se remettre de la séparation des Smiths, un autre groupe mancunien va lui redonner le moral et devenir rapidement son chouchou. Il s’agit de The Stone Roses qui avec son premier album éponyme en 1989 va marquer l’histoire et mettre en avant toute une scène euphorique et dansante que l’on va vite surnommer la vague Madchester et dont les Happy Mondays sont également une figure de proue. Il faut dire que sur cet album, le chanteur Ian Brown annonce de suite la couleur avec un magistral I Wanna Be Adored auquel il est difficile de ne pas succomber. Et d’ailleurs, l’Angleterre tombera vite sous le charme et en adoration, elle avait pourtant été avertie de la déferlante qui allait arriver avec les singles annonciateurs Sally Cinnamon (cf. le clip ci-dessous) et Elephant Stone produits par Peter Hook de New Order qui est l’une des grandes influences du groupe. Le premier single de l’album à savoir l’excellent Made Of Stone se charge de terminer l’affaire. Il n’y a plus à résister, l’heure est aux pistes de danse et à l’éclate, la drogue ne devant sûrement pas être très loin (du côté de l’Hacienda). Entre pop psychédélique à guitares et acid house, les Stone Roses vont toucher au génie. Avec cet album produit par John Leckie (XTC, The Fall, Radiohead ...), le groupe au style baggy va enchaîner single sur single (leurs anciens titres sont même réédités, le groupe ayant tout de même mis 5 ans à sortir ce premier maxi). Cet album se conclue avec l’incroyable single I Am The Resurection. A l’époque, l’Angleterre y croyait et pouvait faire son deuil des Smiths (leur ombre n’étant pas si loin, puisque le guitariste John Squire a sans doute beaucoup écouté Johnny Marr). Malheureusement, le groupe se séparera après un deuxième album décevant. A l’heure des nombreuses reformations, on est en droit d’attendre une nouvelle résurrection...
Darko
1. Radiohead - OK Computer (UK - 1997)
Personne sans doute ne sera étonné de retrouver le quintette d’Oxford en tête de liste avec ce OK Computer (lire notre chronique) qui incarne toujours à la perfection plus de dix ans après sa sortie la marque imposée par le groupe anglais sur l’évolution du rock à guitares, de son champ d’influences à sa mythologie. Un groupe hors-normes assurément, qui non content d’avoir mené le genre dans ses derniers retranchements mélodiques et pop, en électrique comme en acoustique, avec le mélancolique The Bends devenu instantanément un classique des années 90, n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, engloutissant dès ce troisième opus labyrinthique et schizophrène Pink Floyd et les Beatles (l’hymnique Karma Police marqué par John Lennon, les emboîtements de l’épique Paranoid Android), Nick Drake (la mélodie de Subterranean Homesick Alien piquée au Parasite de Pink Moon ) et le krautrock, Ennio Morricone (les choeurs et la mélodie de guitare sèche d’Exit Music For A Film) et le "son de Bristol" (l’abyssal Climbing Up The Walls) avant de s’attaquer trois ans plus tard à l’électro, au free jazz et même au hip-hop avec Kid A, faisant dès lors tomber album après album les derniers cloisonnements de la pop tout en mettant à profit sa célébrité grandissante pour contribuer à démocratiser nombre de figures capitales de la musique moderne peu connues jusqu’alors des amateurs de rock indé (de Sparklehorse à Nusrat Fateh Ali Khan en passant par Messiaen, The Notwist, Autechre ou Public Enemy).
Un rayonnement qui malgré la régression du rock ces dernières années vers un revival 60’s et 70’s un peu paresseux n’en finit plus de marquer son époque, de ses grands rénovateurs (Massive Attack, qui dit avoir été influencé par OK Computer pour Mezzanine ; dEUS, père d’une scène belge fourmillante de talents) aux incontournables d’aujourd’hui (Sigur Rós, les Doves, Fog, B R OAD WAY, Elbow, les derniers Why ? et Portishead...) ou de demain (Parkside, The British Expeditionary Force ou encore Uzi And Ari).
RabbitInYourHeadlights
Un dossier en 10 épisodes : part. 1 - part. 2 - part. 3 - part. 4 - part. 5 - part. 6 - part. 7 - part. 8 - part. 9 - part. 10
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