IRM Expr6ss #17 - spécial pop mutante : Circuit des Yeux, Kuunatic, Light-Space Modulator, Mark Pritchard & Thom Yorke, Quade, Yung Lean

Si l’épithète "mutant" revêt souvent un caractère intrigant à connotation positive pour nous autres amateurs de musiques singulières en tous genres (et dieu sait que nos colonnes en sont friandes), j’admets ne pas avoir connu de gros emballement au sein de cette sélection, qui n’en méritait pas moins quelques avis succincts.




- Circuit des Yeux - Halo On The Inside (Matador, 14/03)

Il me faut avouer avoir toujours été plus ou moins hermétique à l’univers de la Chicagoanne Haley Fohr, dont l’emphase vocale et parfois aussi musicale me sortait déjà par les yeux du temps du 5e opus In Plain Speech aux télescopages stylistiques un chouia poussifs, pourtant défendu à l’époque par l’un de mes labels de chevet, Thrill Jockey. 10 ans plus tard, motivé par la présence d’Andrew Broder (Fog) à la production, je retente l’aventure... et malheureusement force est de constater que pas grand chose ne fonctionne sur ce disque aux contrastes "in your face", qui flirte péniblement avec l’EBM entre deux plages d’ambient-pop théâtrale - seul le technoïde Truth tirant à mon sens (et tout à fait étonnamment) son épingle du jeu en accommodant sans trop déborder atmosphère et tension.



- Kuunatic - Wheels of Ömon (Glitterbeat, 11/04)

Je découvre ce trio tokyoïte 100%% féminin, et reste partagé sur leur univers musical aux fréquentes dérives démonstratives (il y a quelque chose de prog sur Yew’s Path ou Syzygy and A Counter Truth par exemple, et comme chacun sait le prog c’est le mal) tout en accrochant davantage aux morceaux les plus atmosphériques où les métissages psyché/folkloriques sonnent également plus naturels (Yellow Serpent, Halu Shanta), ou ceux dont la tension se fait hypnotique voire presque primale (Disembodied Ternion). Intéressant mais loin d’un OOIOO en somme, pour en revenir à Thrill Jockey et rester sur ce genre de melting pot mystique mêlant instrumentation pop et sonorités traditionnelles asiatiques.



- Light-Space Modulator - The Rising Wave (AD 93, 25/04)

Laissé sur la bonne impression des collabs de Shackleton en 2024, que ce soit dans une veine électro tribale avec Scotch Rolex et Omutaba, du côté d’un psychédélisme atmosphérique en compagnie de Six Organs of Admitance ou plus encore d’un hypnotisme mystique et libertaire avec Holy Tongue, cette première rencontre avec la vocaliste Marlene Ribeiro des tout aussi inclassables Gnod s’annonçait pour moi prometteuse, du moins sur le papier. Malheureusement, à l’exception de These Things dont la mélodie vocale fait toute la différence, les mélopées de la Britannique s’y révèlent tout aussi lisses que les compositions luxuriantes mais sans aspérité du duo, au point de voir leur pop psyché tendre vers une joliesse aseptisée borderline new age. Pas désagréable mais tout sauf marquant.



- Mark Pritchard & Thom Yorke - Tall Tales (Warp, 9/05)

Bien que l’ex Global Communication, accoquiné avec Thom Yorke depuis ses remixes de The King of Limbs en 2011, ne nous ait plus guère passionnés passé l’abandon de son pseudonyme Harmonic 313, j’attendais mieux de sa collaboration avec le leader de Radiohead et The Smile, dont l’inspiration n’avait au contraire jamais faibli. Malgré les arrangements subliminaux et insidieux de ce dernier, Tall Tales peine en effet à transcender ses structures coincées entre deux chaises, ni suffisamment immersives ni assez dynamiques pour emporter l’adhésion, d’autant moins quand elles lorgnent sur un hédonisme aux effets pitchés dénués de finesse (Gangsters) ou même sur la béatitude sirupeuse des Flaming Lips, le lyrisme échevelé en moins (The Spirit). Restent quelques jolies tranches d’ambient fantasmagorique (Tall Tales, Wandering Genie), du moins lorsqu’elles ne sont pas trop portées sur les distos poussives et tape-à-l’oeil (cf. Ice Shelf, digne du pénible OPN). Assurément, l’admirateur du label Warp qui sommeille en Thom Yorke méritait mieux que cet interminable brouillon à la direction artistique approximative (on se demande par exemple ce que vient faire là The Men Who Dance in Stag’s Heads, pastiche du Velvet Underground et/ou de Nico, idem pour le pouët-pouët Happy Days).



- Quade - The Foel Tower (AD 93, 18/04)

Le meilleur album de cette sélection (et à ce jour l’une des meilleures sorties d’un label AD 93 aux projets souvent mi-cuits) nous vient d’un quatuor bristolien dont l’ambition est aussi la limite. En voulant télescoper des univers encore plus antinomiques que sur son précédent opus Nacre dont la principale qualité était de parvenir à instaurer une atmosphère d’ensemble, de plus en plus rare chez les groupes britanniques à l’ADN "indie rock" (bien que l’on soit plus proche ici du slowcore mélangeur d’un Hood), Barney Matthews et sa bande se perdent ici et là en digressions superflues (cf. See Unit qui n’a pas l’air de vraiment savoir où il veut aller) et ne sont finalement jamais meilleurs que quand ils délaissent le songwriting et le chant assez banal du sus-nommé, comme sur le très beau Nannerth Ganol au crescendo ambient/post-rock saisissant ou sur le final de Black Kites avec ses bien jolies orchestrations lyriques. Inégal mais plutôt prometteur.



- Yung Lean - Jonatan (World Affairs, 2/05)

Pas vraiment un bon disque mais en tout cas une surprise que ce Jonatan, qui voit le Suédois Yung Lean, chantre il y a quelques années encore d’un cloud rap mainstream au rabais blindé d’autotune marmonné et de beats hédonistes copiés/collés sur Ableton, s’orienter vers une indie pop lo-fi et bricolée. Surprise toute relative pour ceux qui avaient suivi le bonhomme ceci dit, puisqu’il avait déjà entamé cette mue depuis une paire d’albums, en plus de tenir le micro du duo grunge/post-punk Död Mark. Entre hymnes miniatures et morceaux plus introspectifs, on est plus du tout ici (hormis un court clin d’oeil final) dans le pseudo hip-hop pour ados ou la "pop urbaine" bâtarde des radios, le bonhomme alternant chant approximatif et spoken word sur fond de guitare fuzzy, de boîte à rythmes et même de jolis arrangements ici et là, pour un résultat toutefois assez inconsistant et plombé par des vocalises de slacker un brin fatigantes.




Articles - 13.05.2025 par RabbitInYourHeadlights
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