Dead Man’s Bones - Dead Man’s Bones

Quand zombies, spectres, loups-garous et autres créatures des ténèbres quittent les plateaux d’Hollywood pour ceux de Broadway, c’est à une étonnante expérience musicale funèbre qu’il nous est donnée l’occasion d’assister.

1. Intro
2. Dead Hearts
3. In The Room Where You Sleep
4. Buried In Water
5. My Body’s A Zombie For You
6. Pa Pa Power
7. Young & Tragic
8. Paper Ships
9. Lose Your Soul
10. Werewolf Heart
11. Dead Man’s Bones
12. Flowers Grow Out Of My Grave

date de sortie : 06-10-2009 Label : Anti

Des chemins qui se croisent par hasard, ceux de deux passionnés de créations sinistres en tous genres, une idée qui germe, et voilà que naît un projet condamné d’avance mais qui finit pourtant par s’attirer la faveur de quelques médias. Ryan Gosling et Zach Shields n’imaginaient probablement pas lors de leur rencontre en 2005 qu’ils sustenteraient quatre années plus tard l’appétit de chroniqueurs musicaux bien heureux d’être allés voir ce qui se cachait derrière ce pseudonyme macabre : Dead Man’s Bones. Vouées à se concrétiser sous forme d’une modeste comédie musicale, les nombreuses heures de labeur liées au travail de composition et de mise en scène se sont entassées sans jamais parvenir à quoi que ce soit de satisfaisant. L’édifice artistique érigé par les deux acteurs de profession s’est alors effondré comme un vulgaire château de cartes duquel il n’est resté que mélodies persistantes et frustration.
Seulement voilà, au beau milieu des cendres de se champ de ruines subsistaient quelques braises que nos protagonistes ont eu raison de s’empresser d’attiser. Qui dit nouveau départ, dit nouveau projet. Un enregistrement studio est envisagé mais pour ne pas altérer l’ambition initiale, ni souffrir de quelconques pressions extérieures, quelques règles sont volontairement adoptées. C’est donc en un rien de temps, dans la restriction des moyens et dans la spontanéité des enregistrements qu’a pris forme cet album insolite à l’univers particulièrement hors du commun.

Ryan Gosling et Zach Shields, les nouveaux Tim Burton de la communauté musicale, s’arment de pioches, creusent six pieds sous terre et exhument une horde de morts-vivants. Epaulés par une chorale d’enfants préférée à un ensemble de voix expérimentées, c’est en plein amateurisme que se dessine petit à petit un ensemble de tableaux aussi lugubres que curieusement lumineux.
En véritables autodidactes, nos deux compères s’approprient les quelques instruments sélectionnés et par une maîtrise bien personnelle leur donnent un rendu parfaitement adapté à leurs besoins. Un petit goût de vétusté est adopté, les guitares comme déterrées sont particulièrement distendues, la batterie rouillée sonne très creux et les cordes vocales atrophiées par la poussière sont presque éteintes. Par une double entrée en matière au caractère très introductif on attaque cet album graduellement comme s’il était nécessaire de s’approprier progressivement cet univers un peu glauque. Et c’est alors qu’on s’attend à une longue plongée abyssale dans les profondeurs de l’au-delà, que s’offrent à nous les plus inattendues des pépites pop dont il était difficile de soupçonner la présence ici-même. Les ambiances second degré se nourrissent du contraste entre les voix caverneuses des chefs de file et celles autrement plus étincelantes d’une troupe d’enfants en tenue d’Halloween. In the Room Where You Sleep met en scène un synthé dépoussiéré en parfait état de marche qui décoche ses notes les plus entraînantes tandis qu’en parallèle une voix grave et menaçante nous enchaîne quelques tirades terrifiantes :

"I saw something sitting on your bed"
"You better run"
"You better hide"

L’opposition permanente entre les propos tenus, l’opacité des arrangements et les divers éléments enjoués est un véritable fil conducteur qui rend l’expérience particulièrement croustillante. Sur Buried In Water les lourds accords de piano se jouent des sifflements et chœurs enfantins. Sur My Body’s a Zombie For You, c’est une véritable chorale de bambins qui endosse à contre-courant les rôles de spectres. Pa Pa Power, Lose Your Soul ou Dead Man’s Bones sont sans plaisanterie parmi les tubes les plus enlevés de l’année, forts de leurs refrains pour le moins entêtants.

Douze titres au total pour autant d’atmosphères dépouillées faites d’ombres et de brumes impalpables où les quelques clappements de main représentent les rares ingrédients matérialisables rencontrés. L’intention initiale a clairement été retranscrite, on est comme absorbé par cet univers funèbre, s’abandonnant sans résistance à cette fine sorcellerie. Le risque premier de rendre l’ensemble un peu lourd est évité, la chape de plomb qui menaçait de s’effondrer sur nos têtes ne s’affaisse à aucun moment et nous permet de profiter de tout cela le cœur léger. Le côté théâtral très marqué participe fortement au succès de cette expérimentation artistique. Mais c’est justement là que se crééent les quelques limites du projet, qui s’il ne reste pas un unique coup d’éclat, risque fort de tomber dans la redite surfaite en cas d’éventuelle suite apportée. Qu’importe, ce joli pied de nez effectué aux professionnels de la musique prouve une fois de plus que la cohérence d’un projet et le cœur mis à l’ouvrage sont tout autant garants de succès que les qualités intrinsèques de musiciens.

Chroniques - 10.11.2009 par Pol
 


Articles // 11 décembre 2009
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