Grosse rentrée hip-hop dans les franges avec déjà des coups de coeur qui se bousculent au portillon, il n’en fallait pas plus pour remettre à plus tard nos envies de rétro de l’été (on vous touchera probablement un mot tôt ou tard des albums de Sunmundi & Sasco, Blueprint, Declaime & Spectacular Diagnostics, Preservation & Gabe ’Nandez, voire pourquoi pas des derniers Timbuktu, Homeboy Sandman & Sonnyjim, Arrested Development, Open Mike Eagle ou The Band of the Hawk) au profit d’une sélection encore toute fraîche des 10/15 derniers jours et de nos impressions à chaud.

 vi.vi.vii - We Know the Names of All the Mountains (VI.VI.VII, 15/09)

Le collectif 667 des ex du label Decorative Stamp jamesreindeer, James P. Honey (A Band of Buriers) et Babelfishh s’affiche au grand complet avec les compères Dug Yuck, Evak, Edison, Mildew, Home et Beastmaster sur cette collab transatlantique enregistrée en Californie, à cheval entre lo-fi plombée, mysticisme psyché et folk-rap habité. Dans l’esprit, on est quelque part dans la ligné du 2e opus de cLOUDDEAD ou de l’album d’Hymie’s Basement, sans que ce We Know the Names of All the Mountains aux nombreux intermèdes narratifs ait à rougir le moins du monde face à ces sommets de la grande époque de Mush, Lex Records et bien sûr Anticon, dont Decorative Stamp avait brillamment pris la suite au tournant des années 2010.

 The Expert - Vivid Visions (Rucksack Records, 26/09)

D’une dimension pop et jazzy comparable à celle du petit bijou produit l’an passé par le beatmaker de Dublin pour le rappeur new-jersiais NAHreally (ici en featuring sur deux titres au milieu de cadors comme Buck 65 ou Blu et de figures montantes telles qu’AJ Suede, Milc, Duncecap, Defcee, Lungs ou bien sûr nos chouchous ShrapKnel), ce 3e "solo" de The Expert pourra d’abord sembler un peu léger du fait de sa prédilection pour les samples acoustiques caressants, mais s’impose rapidement par le groove de ses basses et son sens de l’atmosphère baroque aux télescopages électroniques et, plus encore, psychédéliques (les "visions éclatantes" du titre) d’une remarquable finesse.

 Eclyse - Theatre Obscura (DITCD.COM, 26/09)

Actif depuis une grosse dizaine d’années, le rappeur floridien Eclyse fraie avec l’underground des G Fam Black, Grim Moses ou encore Figerson et ça s’entend : passé un premier titre étonnamment aérien évoquant de loin le rap en suspension des Anglais de Strangelove, on glisse rapidement vers un hip-hop du caveau finement ciselé entre féérie noire et horrorcore aux samples giallesques 70/80s, la multiplicité des producteurs, pour la plupart peu connus, n’enlevant rien à la cohérence atmosphérique de ce bel album tout en downtempo inquiétant, cohérence qu’on pourrait parfois même lui reprocher tant certains titres semblent se mouvoir dans des sphères musicales apparentées (l’enchaînement Astral Prism / The Blind Shaman par exemple). Mais lorsque c’est aussi bien fait et que l’ivresse est là, aucune raison de bouder son plaisir, d’autant que la linéarité menaçante du flow du bonhomme est joliment déjouée par une cohorte d’invités incluant les trois MCs susnommés.

 Verbz & Mr Slipz - THE WAY FWD (High Focus, 26/09)

La livraison saisonnière d’High Focus, institution toujours très quali du rap indépendant britannique, voit le rappeur Verbz croiser le fer pour la 5e fois en long format avec le producteur de Brighton Mr Slipz, THE WAY FWD étant rien de moins que leur 3e opus pour l’écurie de l’excellent Fliptrix. Au programme, flow virevoltant à l’accent so british, beats lo-fi mélancoliques faisant la part belle aux samples de piano et à l’impressionnisme opiacé des effets reverse, soupçon de lyrisme... autant dire qu’on est en terrain connu mais la paire maîtrise son sujet et livre une nouvelle réussite douce-amère au spleen irrésistible.

 Atmosphere - Jestures (Rhymesayers, 19/09)

Toujours sémillants et surtout plus que jamais indissociables et complémentaires (j’avouerai à ce titre que les récentes beat tapes Collection of Sounds du producteur, bien qu’agréables dans l’absolu, m’avaient un peu glissé dessus), Slug et Ant signent avec Jestures un généreux 26-titres comme autant de lettres de l’alphabet - même les intervenants à l’image de Kurious et Yoni Wolf de Why ? apparaissent sur les titres commençant par la première lettre de leur nom. Efficacité et storytelling décalé y font bon ménage, avec des influences allant de la funk et du jazz au soft rock ou à la folk en passant par la musique électronique ou même le reggae, les écrins compacts et bien produits, parfois trop (une certaine sensation de lissage finit par prendre le dessus, à tout écouter d’une traite), faisant cohabiter toutes ces sonorités sans fausse note.

 Max Moon - The Grand Howl (Hand’Solo Records, 26/09)

Cordes pincées de la contrebasse, déstructurations discrètes, atmosphères plombées et flow minimaliste : il y a quelque chose de Sixtoo dans les meilleurs passages (Little Do They Know et Next Time en particulier) de ce nouvel album du canadien Max Moon, moitié de Magick Show au côté de Mickey O’Brien, de quoi nous faire d’autant plus apprécier que The Grand Owl soit défendu par Hand’Solo Records qui contribua à révéler il y a une trentaine d’années ce petit génie de l’indie rap aventureux dont on ne parle jamais assez. Pour le reste, on navigue entre l’excellence et le quelconque, avec un peu trop de skits peut-être mais suffisamment courts pour ne pas trop casser l’ambiance. Les bonus qui font du bien : Fresh Kils de Backburner en coproducteur, ShrapKnel et Ultra Magnus en guests... la famille quoi.