Les ponts, Machinefabriek les affectionne en tant que lieu d’enregistrement de ses field recordings, cf. notamment l’EP The Breathing Bridge de l’an dernier. Mais le stakhanoviste néerlandais les emprunte et les construit surtout, au fil de ses expérimentations comme de ses multiples collaborations (de Peter Broderick à Stephen Vitiello en passant par Tim Catlin ou Gareth Davis) qui l’ont vu se faire une place en l’espace de quelques années parmi les plus aventureux des sculpteurs de matière sonore, n’hésitant à mêler des influences aussi diverses que le drone, le jazz, l’acoustique ou le classique contemporain au sein de ses manipulations analogiques.

Et justement, en guise de passerelle, ce nouveau projet de Rutger Zuydervelt se pose là. Car aux deux notions sus-mentionnées vient s’en ajouter une troisième, qui consiste à confier chaque série de sons naturels enregistrée sous tel ou tel pont des Pays-Bas à une paire d’improvisateurs chevronnés issus du jazz ou de la noise, appelés à réagir chacun de leur côté à ce qu’ils auront entendu par le biais de leur instrument de prédilection, à chaque fois différent. Ne reste plus ensuite au maestro qu’à mixer tout ça avec lesdits field recordings, et y mettre la touche finale en post-production pour obtenir un morceau à part entière.

Vous l’aurez donc compris, du dialogue infrasonique des saxophones de Jim Denley (Machine For Making Sense, Mural) et Espen Reinertsen (Trondheim Jazz Orchestra, Koboku Senjû) répondant à celui des oiseaux, jusqu’aux vibrations sourdes des caisses d’Eric Carlsson (Mats/Morgan Band) et Steven Hess (On, Ural Umbo), en passant par le ballet des percussions en liberté de Burkhard Beins (Activity Center, Polwechsel) et Jon Mueller (Collections Of Colonies Of Bees, Pele) ou les errances bruitistes des cuivres de Mats Gustafsson (The Thing, Fire !) et Nate Wooley (Daniel Levin Quartet, Mêlée), les deux maîtres mots sont comme souvent chez Machinefabriek "interaction" et "atmosphère", et la notion-clé celle du "do It yourself" puisqu’il faudra passer par le Bandcamp du musicien, tout récemment mis sur orbite, pour se procurer le dernier exemplaire physique restant (soit un beau vinyle où s’animent lorsqu’on l’écoute des photos des ponts en questions prises par le plasticien Gerco Hiddink, co-concepteur du projet) de cette édition une fois de plus ultra-limitée, ou le cas échéant se contenter de la version digitale et de la libre écoute avec tout de même une compensation en forme de bonus track glitch et abstrait confié au bidouilleur japonais DJ Sniff :