Top albums - juillet 2012
Pendant que le gros des estivaliers s’échinait à jongler entre les orages et la canicule pour quelques instants de quiétude et d’air pur loin du bitume et de la pollution sonore, les juilletistes du Forum Indie Rock choisissaient leur chambre pour villégiature de prédilection, une destination autrement plus clémente et parfois même tout aussi exotique pour peu de bénéficier d’un climatiseur en état de marche et de la bande-son adéquate.
1. La Mauvaise Humeur : s/t
La mauvaise humeur, c’est le découvert glacial au premier du mois, la déformation faciale au rencard Pôle Emploi. Quand le carrelage est froid sous les pieds, c’est les chiottes qui rendent l’âme et la vaisselle sale dans l’évier. Jusque là, pas vraiment des vacances de rêve, certes. Mais La Mauvaise Humeur, c’est aussi le meilleur album de rap français de ce début d’année voire de décennie, en témoigne d’ailleurs cette première place unique pour un album hip-hop dans l’histoire des bilans mensuels du Forum Indie Rock. Un disque qu’on n’a pas non plus hésité à hisser en bonne place de cette sélection croisée quelques semaines à peine après sa sortie. Il faut dire que si le producteur O.S. sort de l’ombre ici pour la première fois, Monsieur Saï est loin d’être un inconnu dans les franges d’un hip-hop français trop occupé à se regarder le nombril pour encore donner à entendre ou à comprendre grand chose d’intéressant. Après deux albums en solo frappés du sceau d’une satire sociale et politique aussi jouissive que désabusée, La Mauvaise Humeur marque sa différence à défaut d’une rupture franche : toujours pessimiste mais plus introspectif, toujours sombre mais plus posé, marqué par le jazz downtempo et les ambiances de films noirs dans la continuité de certains morceaux de Soigne Tes Blessures mais avec une ambition accrue en terme de cohérence musicale et thématique, ce qui n’empêche pas le duo manceau de faire le grand écart entre métaphores d’un quotidien grisâtre (Le Canapé), chroniques schizophrènes (Mademoiselle La Mouche) et fables SF épiques (La Main de Joe) avec une classe inégalée.
(Rabbit)
2. Dirty Projectors : Swing Lo Magellan
Juillet 2012 et l’heure est venue pour Dave Longstreth et sa troupe d’offrir une succession, après une brève collaboration avec Björk (2011), à l’excellent Bitte Orca (2009). Si visiblement Domino s’est grandement amusé à faire languir les moins patients, au rythme d’un teasing cunéiformiquement mystérieux (Gun Has No Trigger), ce Swing Lo Magellan semble pourtant moins farfelu et nettement plus épuré, terre à terre (il faut dire que cette fois l’enregistrement s’est déroulé dans les bois). Mais en dépit d’un songwriting plus qu’évident, leur approche polyrythmique de la pop persiste et continue à creuser les brèches de structures alambiquées r’n’bisantes et d’harmonies auxquelles Angel Deradoorian et Amber Coffman se donnent à cœur joie. On prendra néanmoins beaucoup de plaisir à écouter cet album, épaté par ses musiciens impeccables, mais aussi à se reporter au passé, lorsque le groupe se montrait à la fois génial et imprévisible, en 2005 avec The Getty Address ou encore en 2007, en réinterprétant, de mémoire, l’album Rise Above des Black Flag.
(Riton)
3. Grasscut : Unearth
Avec Unearth, le duo anglais signé chez Ninja Tune continue de bouleverser le monde de l’électro, en faisant disparaître les frontières entre les styles. Si le déjà remarqué 1 Inch / ½ Mile en 2010 reposait énormément sur les samples, comme en témoigne le beau The Tin Man, ce nouvel opus donne quant à lui une place prépondérante aux voix (avec notamment celle de Robert Wyatt sur Richardson Road), rappelant les derniers travaux d’Apparat. L’alliage entre instruments classiques et électroniques prends dès lors une saveur inédite. Si le côté « pop » prend ici le pas sur l’électronique, ce n’est jamais pour affadir le style du duo ou accéder à la course aux charts, mais au contraire pour se hisser au rang des plus grand groupes d’électro-pop mélancoliques comme The Notwist ou leurs confrères anglais de Hood, Bracken ou Epic45, chez qui l’on retrouve cette même touche britannique, à base de mélancolie feutrée, d’ambiances brumeuses et cinématographiques. Arpèges délicats (Reservoir), beats downtempo (Pieces), mélodies cristallines (Stone Lions), cordes graciles (Lights) et samples inspirés (We Fold Ourselves) se mélangent sans heurts pour un résultat subtil et original, où jamais la tentation de « trop plein » et de virtuosité n’entache l’émotion.
(John Trent)
- Delphine Dora - A Stream Of Consciousness
4. Delphine Dora : A Stream Of Consciousness
Pianiste, chanteuse et songwriter, la Française Delphine Dora réalise une réelle prouesse technique. Les noires et les blanches apparaissent telles un prolongement naturel de ses mains. Car tout ce que l’on trouve au sein de cet A Stream Of Consciousness, c’est un piano et une sacrée dose de talent. Oui c’est tout, mais amplement suffisant pour nous absorber presque une heure durant. Souvent, le flux de notes vient compenser cet attrait pour le minimalisme instrumental. Le clavier est abordé avec une vélocité variable, tantôt en un déluge cristallin duquel on perçoit chaque contact de goûte sur un sol fait de verre, tantôt avec une plus grande retenue, laissant le soin aux notes de s’étendre avant de disparaître. Choisissons respectivement (afin d’illustrer le contraste) A Constellation Of Stars et Fragments Of Dreams Are Only Echoes Of Memories. Ce qui frappe également, c’est cette capacité à ne jamais exposer pleinement un ressenti, ne pas enjamber la frontière d’une production trop démonstrative. Tout en délicatesse, c’est un voyage intime, timide peut-être, mais assurément unique. De quoi réconcilier les personnes insensibles à ce type d’exercice.
En écoute :
(HaveFaith)
5. A Band Of Buriers : Filth
Le hip-hop alternatif n’est plus l’apanage des américains d’Anticon : depuis quelques années, l’excellent label anglais Decorative Stamp, souvent relayé dans ces pages, sort d’excellents albums, comme celui d’AbSUrd l’année dernière. Découvert en 2011 avec un EP mais surtout le clip du ténébreux Stuffing A Chest With Twigs, que l’on retrouve sur ce premier album, A Band Of Buriers invente un concept inédit, l’anti-rap/alternative folk. Un univers savamment travaillé, où se mêlent les fantômes de Leonard Cohen et Bob Dylan, des embardées folk emmenées par le flow désabusé de James P. Honey et une ambiance crépusculaire traduite parfaitement dans les beaux clips à l’aura inquiétante du groupe.
(John Trent)
Et n’oublions pas les belles mentions obtenues par ces deux EPs, encore une première pour le FIR que justifie pleinement le format pour le moins ambitieux des sorties en question, téléchargeables librement l’une comme l’autre via Bandcamp pour nous faire voyager très loin depuis à peu près n’importe où :
6. Ektoise : Down River EP
Honneur aux Australiens touche-à-tout et à leur dark ambient des Antipodes mâtiné de doom et d’électronique, dont les évocations marécageuses étendent leur ambiances mortifères sur plus de trois-quarts d’heure grâce à deux remixes-fleuves signés Noah Landis (Neurosis) et zK :
7. Kshhhk : s/t EP
Quant au mystérieux Belge Kshhhk, dernière recrue en date de l’impressionnant label Xtraplex, c’est l’infinité du cosmos que vise son glitch déstructuré à en croire cette chronique de nos sombres amis de DCALC, particulièrement portés sur la SF en ce mois de juillet :
Et après ces quelques conseils de rattrapage, place à un nouveau vote. Une inscription, 50 messages minimum, et il ne tient qu’à vous d’influer sur le prochain bilan en nous faisant partager vos découvertes !
Dirty Projectors sur IRM
Grasscut sur IRM
A Band Of Buriers sur IRM - Bandcamp - Site Officiel
Ektoise sur IRM - Bandcamp - Site Officiel - Myspace
Mauvaise Humeur (La) sur IRM
Delphine Dora sur IRM - Bandcamp - Site Officiel
Kshhhk sur IRM
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