Top albums - octobre 2012
Albums attendus, découvertes instantanées, confirmations flamboyantes et retours inespérés se côtoient dans ce nouveau bilan à la mesure du mois le plus chargé de l’année. Guitares acérées, beats syncopés, synthés mélancoliques, embardées noisy, mélodies poétiques, envolées lyriques et même quelques textes en français, chacun devrait trouver son bonheur dans ce petit tour d’horizon des albums choisis non sans difficultés par les membres du Forum Indie Rock.
1. Godspeed You ! Black Emperor - ’Allelujah ! Don’t Bend ! Ascend !
< infos >
Le retour de Godspeed soulève deux questions : la pertinence d’un genre, le post-rock, dont il est sous une certaine forme l’initiateur, et la raison de son réveil après dix ans d’absence.
Ce nouvel opus répond à ces deux questions de la manière la plus éblouissante qu’il soit. Le groupe nous avait promis un album plus "heavy", et dès le premier morceau, Madlic, on est emporté par un torrent de fulgurances noisy. Les longues montées de guitares et les orchestrations classiques qui prédominaient sur leurs précédents albums ont laissé place à une urgence et une puissance peu communes. Le final du deuxième morceau, We Drift Like Worried Fire, une cavalcade sonique rageuse et épique, laisse l’auditeur dans un état de contemplation béate, transi par cette évocation puissante et euphorique. Si le son monolithique et massif du groupe est toujours présent (notamment à travers deux drones apocalyptiques), on ressent le besoin d’un optimisme nécessaire mais qui ne fait pas d’ombre à la solennité du propos.
La seconde question, dont découle la première, est l’écho de l’album à l’actualité, de la situation mondiale qui ne s’est pas arrangée pendant l’absence de Godspeed jusqu’aux casseroles du printemps érable.
Le radicalisme du groupe et la puissance de son nouvel opus confirment que GY !BE reste parmi les plus grands, et cette démonstration de force, après 10 ans de silence, lui permet d’enterrer un genre qu’il a lui même contribué à façonner tout en faisant preuve d’une éthique et d’un engagement dont il est encore le seul détenteur aujourd’hui et qui, à vrai dire, nous avait manqués.
(John Trent)
2. Pinback - Information Retrieved
Retour très attendu pour le groupe de Rob Crow et Zach Smith après l’énergique Autumn Of The Seraphs sorti en 2007.
Si vous lisez ces lignes vous êtes certainement un habitué de l’IRM et vous connaissez obligatoirement Pinback… et vous aimez … ou vous êtes un cas désespéré.
Néanmoins, pour les quelques lecteurs qui ne se seraient pas encore plongés dans la musique de nos amis de San Diego, Information Retrieved est une occasion comme une autre de s’intéresser à leur discographie.
Comme toujours la musique de Pinback se reconnaît entre mille : basse mélodique, harmonies vocales troublantes et fausse désinvolture. Oscillant entre pop douce amère et rock en demi-teinte, Information Retrieved nous offre une belle galette de concentré d’indie rock mélancolique automnal parsemé de tubes doucement addictifs (His Phase, Sediment).
(nono)
3. Christ. - Cathexis - Motion Picture Soundtrack
< streaming du jour >< interview >
Accueilli par Parallax Sounds après l’arrêt du cultissime label Benbecula, Christ. ressort son matériel analogique pour une nouveau sommet d’électronica organique, teinté d’ambient amniotique et d’IDM en suspension.
Bande originale du court-métrage d’animation expérimentale du même nom que l’on peut désormais visionner en intégralité ci-dessous, ce quatrième LP de l’Écossais ne suffira peut-être pas à réparer l’injustice que lui font les amateurs d’électro onirique et racée depuis son départ de Boards Of Canada il y a 15 ans déjà. Qu’importe, entre un talent toujours aussi clairvoyant pour l’évocation d’un futur bucolique où nature et technologie copuleraient dans les cimes d’un écosystème en constante mutation (justement le propos du film de Stefan Larsson) et une construction limpide aux enchâssements particulièrement inspirés, ça n’est sûrement pas avec ce Cathexis que le niveau de la disco du géniteur de Blue Shift Emissions va baisser d’un cran.
(Rabbit)
4. Flying Lotus - Until The Quiet Comes
Devenu l’une des références absolues de l’électro actuelle avec cette fusion de glitch, d’abstract-hip-hop et de jazz qui n’en finit plus de marquer la fameuse scène californienne que son propre label Brainfeeder a largement contribué à démocratiser depuis son association avec Ninja Tune, on en oublierait presque à quel point Steven Ellison se joue des étiquettes et des sirènes du succès.
Certes il serait facile et de bon ton de lui reprocher ses accointances très branchées avec Thom Yorke ou le crew Odd Future, ou à ses morceaux leur parfum d’inachevé voire une tendance parfois épuisante à papillonner d’idées en contrepieds... et pour cause, ça n’est qu’avec une vision d’ensemble et sur la durée d’un album entier que le génie du Californien apparaît réellement pour ce qu’il est, dans sa capacité à nous envelopper tel un songe labyrinthique, kaléidoscope paradoxalement cohérent où chaque détail, du plus trivial au plus essentiel, trouve sa place et joue son rôle à la perfection (exemple ci-dessous avec le génial Putty Boy Strut).
Reste donc un dernier reproche, au regard des intrigants tâtonnements stellaires de Cosmogramma ou des rêveries embrumées de Los Angeles : trop parfait, cet Until The Quiet Comes ?
(Rabbit)
5. Blueneck - Epilogue
En écoute intégrale sur le site de Denovali, le quatrième album de Blueneck clôt en beauté le premier cycle discographique des Anglais.
Dans la continuité des titres les plus mélancoliques et méditatifs de leur très beau Repetitions de l’an dernier, Epilogue nous révèle le côté le plus nébuleux de Blueneck. Débarrassés des mélodies vocales de Duncan Attwood, les instrumentaux se succèdent comme autant d’invitations minimalistes à la dépression nerveuse.
Epilogue … En fait, tout est dans le titre.
(nono)
6. Baden Baden - Coline
< infos >
En cette période de grisaille automnale, annonçant l’arrivée du froid et le début du spleen hivernal, le besoin d’un album qui panse les blessures des cœurs sensibles se fait sentir. Et Coline, de Baden Baden, ne peut pas mieux tomber, de sa pochette aux couleurs ternies jusqu’à sa nostalgie diffuse et mélancolique.
Bande originale parfaite des amours fuyants, le groupe attise les sentiments confus dans 12 vignettes pop, aux contours divers mais jaunis par la mélancolie ouatée de Sigur Rós (Last Song, Anyone), l’intimité des grands espaces de Girls In Hawaii ou Arcade Fire (Good Heart, You’ll See), la délicatesse de Florent Marchet (Évidemment, Je Sais Je Vais) et les maux puissants de Death Cab For Cutie et Nada Surf (City Walls, Glory Lies). Des références avec lesquelles le groupe partage un même goût des couleurs de saison, mais auquel il ajoute une retenue, une pudeur et une aura qui n’appartiennent qu’à lui.
(John Trent)
7. Nebulo - Cardiac
Quatrième opus solo pour le français Thomas Pujols avec très certainement l’un des meilleurs albums IDM de 2012. Nebulo revient vers nous à grandes enjambées, et délivre une pièce à la hauteur de nos attentes.
Ayant modifié ses méthodes de production pour l’occasion, le résultat ne s’en avère que plus impressionnant, le morceau d’introduction inspirant d’ores et déjà le respect. Maîtrisé en tout point, atmosphérique mais pourtant structuré de beats plus rugueux, Cardiac se montre le digne héritier d’un fantastique Artefact de deux ans d’âge. Entre les battements réguliers de l’onirique Redkosh, les cliquetis fourmillants du plus sombre Quenz ou encore la rythmique plus hyperactive de Smax, le bonhomme parvient à nous tenir en haleine grâce à un panel d’ambiances bien construites et tissées avec finesse, faisant peu à peu retomber la pression artérielle au fil d’un Octo qui vient peaufiner un travail dont nous peinerons à nous remettre.
(HaveFaith)
8. Françoiz Breut - La Chirurgie des Sentiments
< infos >
Marraine en filigrane de tout un pan de la pop française qu’on aime, de Yann Tiersen à Frànçois & The Atlas Mountains en passant par Angil ou Julien Ribot qui l’ont tous accueilli sur un morceau ou deux à un moment ou à un autre de leur discographie, la Normande n’en est pas moins demeurée discrète en solo, pour le bonheur de ceux qui chérissent ses galettes dans l’intimité de leurs tiroirs de chevet. Et en tiroirs Françoiz Breut s’y connait, elle qui n’a jamais oublié ces songeries lo-fi plus tortueuses qu’il n’y paraît, qu’elle explorait déjà au côté de Dominique A sur Si Je Connais Harry ou surtout La Mémoire Neuve au milieu des années 90.
Des rêves au romantisme poétique, tantôt nostalgiques ou troublés, que La Chirurgie des Sentiments dissèque avec le concours de Don Niño (NLF3) en producteur vintage, empruntant au spleen éthéré et aux chœurs désarmants des BO italiennes d’Umiliani et Nicolai comme aux mélodies répétitive et bricolées de Pascal Comelade ou même aux rythmiques hypnotiques du krautrock, mais ne ressemblant finalement qu’à lui-même par-delà les évidentes similitudes vocales que l’auteure de Vingt à Trente Mille Jours partage depuis toujours avec le sus-nommé sieur Ané.
(Rabbit)
9. Nóra - Himinbrim
< chronique >
Sur ce nouvel opus, après le très prometteur Er Einhver Að Hlusta ?, les Islandais se tournent vers des lueurs plus crépusculaires qui leur réussissent plutôt bien.
La production soignée se ressent tant dans les guitares acérées que dans les arrangements des claviers et des cordes (auxquels a notamment pris part Edda Rún Ólafsdóttir, d’Amiina), où la puissance immédiate du rock d’un Kolbítur ou autre Draugurinn í Vélinni (dont le chant ne laisserait pas Franck Black indifférent) côtoie ainsi les rêveries astrales de Hreinsun ou encore les douceurs mélancoliques d’Himinbrin, le tout étant porté brillamment par le mariage parfait des voix d’Egill et Auður, l’essence même de leur musique.
Nóra ne s’est donc pas contenté de l’étiquette "pop" qui lui avait été attribuée et nous montre ici l’étendu de son talent avec cet album d’une cohérence rare.
(Spydermonkey)
10. Why ? - Mumps Etc.
Un songwriting à la fois baroque et désarmant de sincérité, des rondeurs rythmiques, une pincée d’orchestrations légères comme l’air et quelques chœurs séraphiques pour enrober le tout, il n’en fallait pas davantage à Yoni Wolf et à sa bande pour reconquérir les hauteurs "hip/pop" d’ Elephant Eyelash, qui perdent ici en sinuosité ce qu’elles gagnent en évidence mélodique et en introspection dans la continuité du solennel Alopecia.
Un bien beau programme qui s’ouvre peut-être bien sur le meilleur titre jamais composé par le groupe (Jonathan’s Hope), symbole d’un album à la croisée des chemins qui pourrait bien réconcilier les nostalgiques de l’Anticon décalé des débuts et ceux qui louent aujourd’hui son ouverture plus "grand public".
(Rabbit)
Et voilà c’est tout pour cette fois, rendez-vous à la fin du mois sur le FIR pour un dernier top mensuel avant les traditionnels bilans de l’année !
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