Le streaming du jour #526 : Flying Lotus - ’Until The Quiet Comes’
Plus que jamais dans le collimateur de la blogosphère par le biais de ses productions pour Captain Murphy, mystérieuse hydre hip-hop que l’on soupçonne désormais fortement d’être incarnée par Tyler The Creator, son compère Earl Sweatshirt et le beatmaker de LA lui-même, il était grand temps pour Flying Lotus de rappeler au monde qu’il est avant tout à l’électro et à l’abstract ce que Tortoise fut au post-rock en 2001 avec Standards : un rénovateur élevé au jazz du futur et résolu à faire sauter les gonds d’une étiquette bien trop étroite pour lui.
On le sait désormais, Steven Ellison fonctionne par diptyques : un album pour expérimenter, un autre pour concrétiser. Ainsi, après avoir posé les bases du glitch-hop en s’inspirant des ébauches hypnotiques de J Dilla, de la philosophie cosmique de Sun Ra, des synthés distordus du wonky naissant et des rythmiques syncopées du folklore sud-américain sur 1983, le Californien les avait envoyées loin dans l’espace avec le gargantuesque Los Angeles, mettant une distance quasi intersidérale entre ses influences et son propre univers à grands coups de groove organique, de vapeurs psychédéliques et de chants de sirènes fantasmatiques.
Deux albums aux sonorités plutôt homogènes qui brillaient par leur qualité d’immersion, au contraire de Cosmogramma pour lequel le patron du label Brainfeeder (enfin sorti de l’impasse en cette rentrée grâce à la mystique vintage et saturée du premier LP de son fils prodigue The Gaslamp Killer) avait décidé de tout envoyer balader, injectant jazz déstructuré, orchestrations séraphiques et autres blips stellaires dans ses instrumentaux au demeurant plus mélodiques, brassant ombre et lumière au gré de leurs humeurs lunatiques. Un sens du contrepied qui persiste donc sur Until The Quiet Comes mais ne donne plus un seul instant l’impression de tâtonner comme ça pouvait être le cas avec l’opus précédent : mieux construite, plus cohérente, cette quatrième galette retrouve la force d’abstraction narcotique de Los Angeles tout en matérialisant les fantasmes de jazz astral de Cosmogramma et en leur offrant une dimension épique que FlyLo n’avait fait qu’effleurer jusqu’ici.
On pourrait passer des heures à tenter de décrire l’album tout juste dévoilé hier par NPR, encore faudrait-il l’avoir suffisamment écouté pour cela. Contentons-nous donc pour le moment de vanter, en vrac, l’envoûtant carré d’ouverture aux transitions célestes, l’afro-beat étouffé et accéléré à outrance de Tiny Tortures, les allures de Squarepusher d’antan de l’insaisissable All The Secrets, la transe vaudou de See Thru To U transcendé par les vocalises liquéfiées d’Erykah Badu, le bebop fantomatique d’Only If You Wanna, les hallucinations grouillantes et déliquescentes d’Electric Candyman avec un Thom Yorke quasi méconnaissable en guide chamanique, le final baroque d’Hunger dont on jugerait les arpèges bouleversant empruntés au génial Skúli Sverrisson, les rêveries de Laura Darlington (The Long Lost) sur le lyrique Phantasm ou surtout les circonvolutions synth-jazz d’un Putty Boy Strut tout aussi mutant et virtuose en vidéo :
Un chef-d’œuvre en somme mais peut-être pas LE chef-d’œuvre du bonhomme, tant on imagine qu’une fois la claque encaissée certains ne pourront s’empêcher de regretter le grain onirique et la profondeur de champ de Los Angeles, troqués ici au profit de compositions sinueuses et tout aussi spirituelles mais aux contours parfois un peu trop appliqués.
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