Why ? - Alopecia
Why ? dévoile son côté sombre sur un troisième album cafardeux tout en continuant à chambouler la pop, comme cLOUDDEAD ébranla le hip-hop au début des années 2000. Yoni Wolf est-il un grand songwriter ? Cette question-là ne se pose plus.
1. The Vowels, Pt. 2
2. Good Friday
3. These Few Presidents
4. The Hollows
5. Song of the Sad Assassin
6. Gnashville
7. Fatalist Palmistry
8. The Fall of Mr. Fifths
9. Brook & Waxing
10. A Sky for Shoeing Horses Under
11. Twenty Eight
12. Simeon’s Dilemma
13. By Torpedo or Crohn’s
14. Exegesis
Il est intéressant de s’arrêter un moment sur les trajectoires diamétralement opposées des différents membres de cLOUDDEAD depuis la mise en parenthèse du groupe en 2004, suite à la sortie de Ten. Que ce soit Odd Nosdam en solo, Doseone avec Subtle ou Yoni Wolf avec Why ? (sans compter leurs multiples projets parallèles), chacun aura réussi de manière différente à faire évoluer la musique embryonnaire de cLOUDDEAD vers des horizons nouveaux tout à la fois passionnants et personnels. Devenu un vrai groupe depuis son deuxième album en 2005, le fantastique Elephant Eyelash, grand disque de pop moderne jetant un pont entre les Beach Boys et Pavement, Why ? est sans conteste le membre du trio qui a pris le virage le plus pop.
Aidé d’Andrew Broder et de Mark Erickson, échappés de Fog, autre projet solo devenu dernièrement lui aussi une entité à part entière, sur son nouvel album intitulé Alopecia, le groupe phare d’Anticon poursuit dans la même veine mélodique que son prédécesseur, tout en se parant d’une noirceur inédite qui transparaît des paroles dépressives voire désespérées de Yoni Wolf. L’immense The Vowels Pt 2 sert de porte d’entrée à son imagination tourmentée : "I’m not a ladies man, I’m a landmine, filming my own fake death". On l’aura compris, les chansons d’ Alopecia sont à l’opposé de sa pochette bigarrée : opaques, plombées et verticales, cherchant à plonger au plus profond de l’affect, avec des mélodies fragiles comme seules bouées de sauvetage. Prises indépendamment, elles forment des petites vignettes réalistes réfléchissant la violence sourde et sous-jacente du quotidien d’une vie ordinaire. La paranoïa n’est jamais loin : dans la violence rythmique de The Hollows qui contraste avec ses choeurs féminins évanescents ou dans la ligne de piano de Song Of The Sad Assassin qui semble peiner à trouver la bonne vitesse. L’espace d’un instant (Good Friday, ses nappes synthétiques et son motif de guitare répétitif), on retrouve les ambiances oppressantes de cLOUDDEAD, mais l’abstract hip-hop des débuts est désormais bien loin.
Les armatures squelettiques de Oaklandazulasylum se sont enveloppées d’une chaire nouvelle faite d’arrangements sophistiqués, empruntés autant à la New Wave (la rythmique minimaliste de These New Presidents), à la musique contemporaine (A Sky for Shoeing Horses Under) qu’à la pop sur le tubesque Fatalist Palmistry, seule brève éclaircie rescapée du lumineux Elephant Eyelash. Du hip-hop, il ne reste que ce flow nasillard, souverain et cette façon inimitable de faire sonner les rimes avec une fluidité exemplaire. De son passé de MC, Yoni Wolf a gardé cette faculté déconcertante de fondre son débit dans n’importe quelle structure harmonique, ce qui donne à sa musique cette impression de toucher à l’essence même du cool.
Exactement comme Pavement dans les années 90, Why ? n’a pas son pareil pour mêler sophistication des arrangements et évidence mélodique avec une décontraction totalement jouissive. A l’heure où Stephen Malkmus et ses jicks nous gratifie d’un album de rock adulte, bavard et dénué de toute folie, Alopecia est une bouffée d’oxygène pour le brin d’âme de nerd qui sommeille encore en nous.
Chaque dimanche, une sélection d’albums récents écoutés dans la semaine par un ou plusieurs membres de l’équipe, avec du son et quelques impressions à chaud. Car si l’on a jamais assez de temps ou de motivation pour chroniquer à proprement parler toutes les sorties qu’on ingurgite quotidiennement, nombre d’entre elles n’en méritent pas moins un avis (...)
Que vous préfériez le groove nonchalant mâtiné d’envolées baroques d’ Elephant Eyelash, l’intensité feutrée à la fois épique et introspective d’ Alopecia, les rondeurs hip/pop aux arrangements célestes du récent EP Sod In The Seed mis à l’honneur dans cette même rubrique il y a quelques semaines ou même la clarté carillonnante d’ Eskimo Snow que les (...)
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