Top albums - juin 2014
En attendant le bilan groupé de juillet/août qui nous permettra de revenir à tête reposée sur une période où même les plus acharnés d’entre nous font plus ou moins relâche sans que l’actu indé contrairement aux idées reçues ne s’arrête pour autant, on a mis le paquet sur un mois de juin riche en propositions singulières et racées. Hip-hop, metal, classique contemporain, pop psyché, dark ambient, rock garage, chanson bizarre ou noise ethnique, ça part dans tous le sens et souvent au sein des mêmes disques, c’est dire si les vacanciers en appartement auront de quoi se rincer les tympans à toutes les sauces jusqu’à la rentrée.
Les Résultats
1. The Great Sabatini - Dog Years
"Sous des airs faussement placides, le sludge rural qui colle aux bottes de Dog Years cache une bête de concours gonflée aux stéroïdes. La nonchalance feinte, résultante de l’emploi d’un sévère sens de l’humour second degré, endort votre vigilance et vous vous retrouvez piétiné, les tripes à l’air, gisant après un choc frontal avec 800 kg de viande rouge. De l’impitoyable The Royal We en ouverture au bien nommé et formidable Life During Wartime, The Great Sabatini montre sa science du riff-tronçonneuse et bénéficie en outre d’une rythmique proprement métamorphe s’adaptant à n’importe quelle configuration.
Toujours ce noise-rock au cordeau mâtiné de sludge poisseux et de hardcore canal historique. Toujours cette saine colère. Mais cette fois-ci, les Montréalais privilégient une approche dépouillée, carrément lo-fi, à la limite du DIY, bien plus que sur les efforts précédents. Et cette mise à nu, loin de nuire au propos, en décuple la sauvagerie. Bref, voilà un disque en trompe-l’œil qui multiplie les fausses pistes et permet de révéler toute la subtilité de The Great Sabatini, un groupe qui, sous ses airs bas du front, se révèle sacrément intelligent."
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(leoluce & nono)
2. OOIOO - Gamel
"Convoquant les polyrythmies cristallines et transcendantales du gamelan sud-asiatique, une transe tribale redoutable, des incantations dada déboussolantes, des guitares wah-wah, une trompette cartoonesque et des chœurs presque pop, cette nouvelle Gamel de cérémonials bouddhistes alambiqués et décadents orchestrés la batteuse des Boredoms Yoshimi P-We croise avant-garde atonale et régression primale dans une grande orgie hypnotique et maximaliste.
Ainsi, le mysticisme ethno-barré d’OOIOO est aujourd’hui au plus près des traditions musicales asiatiques et dans le même temps au plus loin d’une musique dite "traditionnelle", enchaînant les jams protéiformes et délirants au gré des 6 premiers titres qui composent une véritable suite, avant d’aborder un format plus frontal mais tout aussi électrisant et libertaire sur les 5 suivants - de la folle épopée opératique d’Atatawa aux accents afro-jamaïcains de Kecupat Aneh, en passant par l’ultra-dense et saturé Jesse Testa qui n’aurait pas dépareillé sur les derniers albums de Deerhoof."
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(Rabbit)
2. Wreck and Reference - Want
"Loin d’avoir resserré le propos, Wreck & Reference a ouvert les fenêtres en grand et a fait rentrer l’immatérialité à grands flots dans son ossature pourtant déjà des plus fuyantes. Expérimental dans ses intentions, mouvant dans ses arrangements, Want se montre tout aussi retors qu’accueillant. Sacrément mélancolique, voire d’une tristesse infinie, salement glauque mais parfois d’une beauté à couper le souffle, ce nouvel album habite l’entre-deux : dégueulasse mais d’une grande finesse, complètement métal mais plus sûrement encore exclusivement électronique, très aéré mais aussi renfrogné et replié sur lui-même en position fœtale, les paradoxes affluent à son écoute.
On retrouve cahin-caha du spoken word, du drone, de l’industriel, du post-metal ou du noise-rock (entre autres) éparpillés un peu partout et recollés sans véritable logique si ce n’est celle de fouler aux pieds des territoires inhospitaliers et dérangeants. Tant de sons et d’influences disparates convergeant ensemble vers quelque chose de nouveau qu’il devient très vite inutile d’essayer de cerner le tout. Sombre, venimeux et métamorphe, il dessine un labyrinthe oppressant qui emmène inexorablement à l’intérieur de soi. On pourrait ne pas savoir qu’en penser or c’est l’inverse, l’adhésion est bien là."
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(leoluce)
4. Parquet Courts - Sunbathing Animal
La nouvelle sortie de Parquet Courts a désorienté plus d’un amateur de garage rock, y compris ceux qui avaient apprécié le premier album du groupe, Light Up Gold. Tout en restant dans la même veine minimaliste et DIY, la production se fait plus présente. Le quatuor a d’ailleurs pris trois fois plus de temps pour ce Sunbathing Animal. Est-ce un mal ? Loin de là. Certes on perd légèrement en spontanéité et en fougue, mais on gagne en revanche beaucoup au niveau de la cohérence des morceaux et surtout de l’album qui en ressort finalement d’autant plus efficace. Tout au long des 13 pistes on passe de titres indie rock noisy (Black And White) à des chansons plus calmes (la très slacker Dear Ramona) pour repartir sur du punk rock avec par exemple les excellents Sunbathing Animal et Ducking & Dodging qui nous maintiennent dans un sentiment d’urgence tout du long. D’autres morceaux se détachent de tout cela pour nous offrir de beaux et mélancoliques moments pop façon Parquet Courts (Instant Disassembly). Les évocations sont donc nombreuses, du Velvet Underground aux Strokes en passant par Television, les Ramones ou encore Pavement.
Au final le paradoxe qui se dégage de cet album ne viendrait-il du mélange entre les origines texanes et l’actuelle vie new-yokaise du groupe ? Cette attitude, notamment dans le chant, nonchalante, dilettante, tout en étant finalement très bien pensé, construit, joué et produit fait parti du charme de cette belle sortie du mois de juin, il serait bien dommage de s’en priver.
(UnderTheScum)
5. Hawk House - A Handshake To The Brain EP
L’année dernière, IRM avait célébré les débuts prometteurs et plus qu’enthousiasmants d’Hawk House. Le trio londonien alors complètement inconnu nous avait emballés avec A Little More Elbow Room, une première mixtape tout en groove vintage et en smooth néo-soul, ainsi après une mondialisation encore discrète de leur talent, nous les attendions au tournant. Balançons l’info tout de suite, le second acte de la jeune discographie d’Hawk House est gagnant, A Handshake To The Brain est une petite merveille. Sans prétention, les trois Anglais continuent leur travail de synthèse et de renouveau de cet âge d’or nu-soul et hip-hop de la fin des années 90 transposant à nos jours le son et la philosophie de ATCQ, Digable Planets, Goapele, D’Angelo ou Erykah Badu.
D’entrée de jeu avec My Mind is The Weapon (Topic 1), la messe est dite, ce morceau en forme de déclaration d’intention post-Native Tongues place en douceur que le stylo est la plus puissante des armes ; et le stylo, on peut dire sans se tromper que les Hawk House le manient admirablement. Tout en rondeur et encadrées de plages introductives, les pistes se suivent développant une originalité et une créativité aussi bien au micro qu’à la production. Des pistes ou des tubes, car ici il n’y a rien à jeter, les deux emcees (Eman et Sam) sont au sommet de leur art fait de technique et de finesse (Vulcan Grip (Topic 3), Chill Pill (Experiment 2), The Nervous System (Topic 4) ou le titre éponyme). Quant à elle, la déesse Demae (discrète, exceptionnelle et que je rêve d’entendre en solo) prouve qu’elle est très objectivement l’une des plus belles voix soul actuelles (Grow (Topic 2) ou Lights Off (Outro)). Beaucoup de qualités, beaucoup d’authenticité et au final, un petit chef-d’œuvre d’EP qui parle à l’âme, aux tripes, au cœur et au corps.
(Spoutnik)
6. Circulatory System - Mosaics Within Mosaics
A l’image des embryons des Flaming Lips il y a quelques années, les ex Olivia Tremor Control emmenés par Will Cullen Hart, co-fondateur il y a près d’un quart de siècle du collectif Elephant 6, revendiquent jusque dans son titre le côté décousu de la succession de vignettes volontairement sous-produites qui composent ce troisième opus.
Si Mosaics Within Mosaics pêche par son manque de cohérence et l’impression d’inachevé que dégagent forcément certains titres, il compense largement par un foisonnement d’idées et de sonorités ouvrant à la pop psyché des horizons particulièrement stimulants pour les sens en alternant fulgurances mélodiques et digressions droguées, jazz dénaturé, folklore violoneux et blues déglingué, comptines tribales avant-gardistes et groove électro régressif, collages post-modernes décadents infusés aux fantasmagories de Syd Barrett voire d’un Todd Rundgren en plus lo-fi et complaintes folk éthérées (Mosaic #1 citant sans complexe le Parasite de Nick Drake pour mieux l’envoyer dans la stratosphère à coups de drones vaporeux et de chœurs béats). A explorer sans modération !
(Rabbit)
7. lufdbf - Pélieu
"Mise en musique de six textes parmi les plus récents du poète beat français Claude Pélieu au cut-up sans concession (les accents morbides de misère urbaine sur Soupe de lézard) constellé d’éclats métaphysiques et philosophes (Le temps déborde, transmuté ici en fulgurance électro-punk), ce troisième album de l’année de notre duo bisontin préféré révèle l’une des influences majeures de l’écriture de Fred Debief.
Entre spiritualité contestataire et regard acéré sur la décadence de nos palliatifs virtuels au vécu du moment présent (Poèmes éparpillés), Pélieu met cette même mixture d’électronica nébuleuse, d’âpreté électrique et de clarté mélancolique entendue sur Drei au service d’un surréalisme désabusé culminant sur le chamanique Requiem pour 7 astronautes et la crudité transfigurée du génial Indigo Express, épopée à tiroirs d’un junkie du réel. Après deux années sabbatiques (ou presque, connaissant la boulimie du premier sous l’alias Brou de Noix), Fred Debief et Thierry Lorée n’auront décidément pas fait leur retour à moitié !"
(Rabbit)
8. Phantom Orchard Ensemble - Through The Looking-Glass
Sous la houlette d’Ikue Mori aux machines déglinguées et de Zeena Parkins aux arpèges cristallins, les contes de fées de notre enfance passent de l’autre côté du miroir et nous dévoilent leur vrai visage, entre enchantement gothique de la harpe et du célesta et afféteries dissonantes des cordes et des grouillements électroniques. Les petits contes noirs de Tim Burton ne sont pas loin mais c’est surtout aux bandes-sons tourmentées de son compositeur Danny Elfman dans les 90s que l’on ne peut s’empêcher de penser, pour l’hypertension en roue libre des percussions, des basses et du piano dramaturgique de la principale invitée Sylvie Courvoisier (Alice in Wonderland en est le meilleur exemple, fantasme de ce qu’aurait pu offrir Elfman au film éponyme de Burton avant que son talent ne s’effrite) et cette dimension féérique pervertie par les cisaillements théâtraux des orchestrations (Sara Parkins au violon, Maggie Parkins au violoncelle) et autres borborygmes improbables ou chœurs stridents lâchés par la Norvégienne Maja Solveig Kjelstrup, vocaliste du collectif SPUNK du côté de Rune Grammofon.
Et en parlant du label scandinave qui n’a rien à envier à Tzadik en terme d’avant-garde libérée de son carcan guindé, on pourrait d’ailleurs voir ce second opus du duo devenu sextette comme un équivalent pour le classique contemporain du jazz choral et dérangé du Fire ! Orchestra, tant les deux formations reflètent la même schizophrénie dans leur exploration d’un imaginaire aux émotions contradictoires, ici plus insidieux puisqu’aux jams en flux tendu des seconds se substituent d’intrigants rêves agités où la Petite Sirène montre les crocs pour sucer le sang des marins échoués, où la Reine des Neiges cherche en vain la sortie d’un palais des glaces incarnant sa propre psyché morcelée, où Blanche-Neige perd la raison après une décennie d’errance dans sa forêt hantée, tandis que la Belle et la Bête fusionnent en une créature difforme sous le regard horrifié du Vilain Petit Canard.
(Rabbit)
9. Erik K Skodvin - Flame
En attendant de le retrouver le mois prochain au côté d’Otto Totland dans le no man’s land de drones embrumés et de piano évanescent d’un nouveau Deaf Center chargé d’inaugurer la série de mini-albums Pattern de Sonic Pieces, c’est également sur le label cousin de sa propre écurie Miasmah que le Norvégien Erik Knive Skodvin (aka Svarte Greiner) creusait le mois dernier le sillon acoustique lugubre et capiteux de son fabuleux Flare de 2010.
Avec Flame néanmoins, la tension feutrée de l’opus précédent est forcément destinée à finir brûlée par les deux bouts, et si les caresses équivoques de la clarinette de Gareth Davis sur l’intense Corrin Den, le piano anxieux de Shining, Burning ou le fatalisme entêtant des cordes d’Anne Müller et Mika Posen sur le funeste Reflecting sont autant de signes de la consomption à venir, c’est Skodvin lui-même qui allume la mèche sur l’enchaînement du morceau-titre et d’un impressionnant Red Box Curves où guitares slide habitées et percussions de funambule alimentent un crescendo incandescent qui ne laissera plus que scories et friches désertées. Ainsi, sous la batterie solennelle de Black & Bronze, les arrangements se muent en élégie pour une passion partie en cendres avant que Cypress Reverb et Drowning, Whistling ne nous entraînent encore un peu plus loin dans la pénombre et la désolation.
(Rabbit)
10. The Koreatown Oddity - 200 Tree Rings
Après la belle claque qu’a été No Health Insurance l’année dernière au hip-hop lo-fi, sale et bouillonnant d’idées comme seul d’underground de la côte ouest version angeleno en est actuellement capable, Dominique Purdy aka The Koreatown Oddity aka l’homme au masque de loup revient avec 200 Tree Rings, un sacré album et une sacrée surprise ! Une surprise parce que dès l’inaugurale et sublime Title Sequence, on comprend que KTO a laissé tomber le hip-hop fait de bric et de broc.
Tout en gardant sa folie et des constructions typiquement DIY, The Koreatown Oddity a affiné son art, dompté ses expérimentations et s’est créé des connexions plus qu’intéressantes. Ainsi en s’accoquinant avec tout ce que la Californie compte et a compté de génies cool comme les légendes J-Swift le faiseur de son de The Pharcyde, Aceyalone de feu-Freestyle Fellowship et Subtitle ou comme le futur avec le Black Jungle Squad (Jeremiah Jae, Oliver the 2nd, Ras G, KONE) et House Shoes, KTO vient de nous livrer un grand album. Une réussite à la Quasimoto sans hélium faite de grands écarts (des foutraques Strawberry Pop-Tart Ice Cream Sandwich ou Film Roll Splices And The Deleted Scenes aux plus classiques Foresee ou Atmosphere Moods) et de titres parfaits (Title Sequence, Invisible Force ou 4th Quarter Ninjas). Un sacré album et surtout une incroyable singularité qu’il faut découvrir d’urgence !
(Spoutnik)
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1. The Great Sabatini - Dog Years
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Rabbit :
1. Erik K Skodvin - Flame
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4. OOIOO - Gamel
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Riton :
1. Wreck and Reference - Want
2. OOIOO - Gamel
3. lufdbf - Pélieu
4. Olan Mill / Keung Mandelbrot - Seismology
5. Jérome Chassagnard - Inner Dialog
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2. The Koreatown Oddity - 200 Tree Rings
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UnderTheScum :
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5. lufdbf - Pélieu
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