Hey Colossus - In Black And Gold
In Black And Gold poursuit la voie de Cuckoo Live Life Like Cuckoo tout en allant beaucoup plus loin. Hey Colossus n’est peut-être plus le même mais on aime tout autant ce qu’il est désormais.
1. Hold On
2. Sisters And Brothers
3. Hey, Dead Eyes, Up !
4. Wired_Brainless
5. Black And Gold
6. Lagos Atom
7. Eat It
8. Sinking, Feeling
Une mue radicale. Un groupe qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il fut tout en restant fidèle à lui-même. Hey Colossus a inversé le paradigme et a fini par reléguer son metal-noise atavique et de guingois au second plan. On s’y attendait un peu étant donnée la teneur de Cuckoo Live Life Like Cuckoo, leur précédent long format de 2013 - et pour tout dire, depuis Eurogrumble Vol. 1 sorti trois ans plus tôt qui les voyait plonger le petit orteil hors des sentiers qu’ils avaient pris l’habitude de battre - mais la surprise n’en reste pas moins importante. À tel point que l’on se demande de prime abord s’il s’agit du même groupe. Tout en sachant très bien que oui, c’est bien lui. La voix, les divagations maltées, le côté patraque, le gros grain bien crade, tout est là. Pour le reste, tout a disparu. Ou plutôt s’est tu. Ou murmure désormais. Dix années et plus ou moins le même nombre de disques pour en arriver là. Pour se débarrasser de ses oripeaux hérissés et ne conserver que les bifurcations. Les crocs et l’arrachage semblent s’être délocalisés du côté d’Henry Blacker où officient deux Hey Colossus bien qu’un tiers de groupe ne soit tout de même pas franchement représentatif. En revanche, pour qui cherche à se perdre complètement dans le labyrinthe hypnotique et motorik, voilà In Black And Gold. Dès l’entame, les nappes de claviers tracent un tamis éthéré plutôt inattendu et Hold On demeure dans le coton (et l’espace intersidéral) tout du long. La mélodie est fragile, la voix susurrée et en retrait, le groupe explore le murmure et cache ses incisives. Sisters And Brothers poursuit la voie du patraque tout en étant plus dense et carré. Sa rythmique martelée, ses giclées de fuzz en arrière-plan en font un formidable morceau où la voix retrouve ses accents goguenards. C’est complètement psycho-cramé et surtout parfaitement bien construit, écrit et exécuté. L’impression d’un groupe qui peut désormais tout se permettre, y compris abandonner une partie de ce qui l’a amené là pour revenir exactement au même niveau d’excellence. Après tout, peu importe le flacon, il distille toujours la même ivresse. Et puis, à bien y regarder, plus on avance dans le disque, plus on se dit que la mue radicale ne l’est pas tant que ça. Hey Colossus demeure tout de même bien heavy (Hey, Dead Eyes, Up ! et quelques autres cailloux dans quelques autres chaussures) et approximatif (Eat It). La tonalité générale est simplement moins rageuse, moins bilieuse mais la musique conserve tout de même son côté irrémédiablement mal peigné.
Les titres s’enchaînent et les minutes s’allongent jusqu’à se compter en heures. Alors c’est vrai, Hey, Dead Eyes, Up ! avec ses riffs dégueulasses, ses percussions mastodontes et ses « Do it againnnnnn ! » martiaux rappellent certes le Hey Colossus prototypique qui surnageait par intermittence au sein des albums précédents mais c’est un peu comme si le morceau était posé là pour préparer la suite. Une dernière balise connue avant que le groupe largue les amarres et s’en aille fouiller le fin fond de la nébuleuse. Ian Curtis vient hanter la vibe post-punk angulaire de Wired_Brainless en même temps que s’achève la face A. La B commence par l’impressionnant titre éponyme, alternant entre passages pachydermiques et plus délicats puis poursuit avec Lagos Atom, impressionnant lui aussi : dub et drone et surtout long. Dix minutes stratosphériques durant lesquelles le temps s’arrête et le cortex flotte dans les limbes d’un mantra accaparant qui nous arrache du sol. À ce moment-là mais aussi à d’autres (d’ailleurs nombreux), Hey Colossus dévoile tout son potentiel invertébré et s’amuse avec le temps en convoquant les ’60s agonisantes/’70s (déjà beaucoup moins solaires qu’elles n’avaient pu l’être) qu’il précipite dans le prisme d’une exaspération très contemporaine : « Lie, Cheat, Steal, Do what you feel, Feel, Good, Do it again » ou encore « Slipping beneath the water’s edge » plus loin. Pas franchement guilleret, encore moins positif. Ici, finalement, on s’évade, on s’enfuit, non pas pour explorer de nouvelles frontières mais pour quitter simplement l’endroit où l’on est, l’époque que l’on vit. C’est très punk comme approche et ça s’oppose presque aux velléités space rock de la musique. Il y a un fond de nihilisme là-derrière et c’est bien ce qui rend In Black And Gold assez sidérant. C’est complètement sombre mais aussi parfaitement joyeux et ça joue avec les émotions comme avec un yoyo en allant très haut mais en nous envoyant tout aussi sûrement très bas. C’est léger - à certains moments, Hey Colossus arbore une épaisseur qui rappelle celle du papier de soie - mais ça l’est faussement puisqu’on voit bien à quel point le disque use encore d’armes lourdes. Parfaitement équilibré, très cohérent bien que variant en permanence ses textures et ses atmosphères, le groupe quitte certes la zone de confort qui l’a fait connaître mais s’en recrée immédiatement une autre. Et dans celle-là aussi on le suivra les yeux fermés. Gardant la même pureté, envoyant les stéréotypes valdinguer dans le décor, la transformation n’est que de surface. Hey Colossus reste finalement ce qu’il a toujours été : un truc sale et virulent.
Grand disque.
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