2017 dans l’oreillette - Best albums pt. 2 : 90 à 81

100 albums en 10 parties, pour renouer avec ma formule chronophage des années 2014 et 2015, car après 30 EPs il fallait au moins trois fois ça. Et surtout parce que quand on aime, on ne compte pas, et qu’il n’y a finalement pas une différence fondamentale dans mon cœur entre, mettons, le 50e et le 100e de cette sélection, simple question d’humeur et d’envie du moment.

Le fait est que tous ces choix, et même une dizaine d’autres laissés de côté pour des raisons de symétrie, m’ont fasciné, touché et marqué de diverses façons, d’écoutes-expériences dont je laisserai l’effet s’estomper quelques mois voire même quelques années avant d’y revenir en quête du plaisir intact de la (re)découverte, en albums-compagnons qui ont su chauffer ma platine virtuelle à intervalles réguliers. La preuve cette fois avec un volet qui met en avant presque autant d’albums immédiats que de disques plus "exigeants" ou ardus, avis aux amateurs de pop qui ne seront plus vraiment à la fête après ça !




90. Melanie De Biasio - Lilies (PIAS)




Il y a plus fan que moi de la Belge à la rédaction d’IRM comme ailleurs mais en bon nostalgique de Nina Simone et du trip-hop mélangeur des 90s je n’ai pu qu’adhérer fortement à ce troisième opus alternant tourments syncopés (le génial Your Freedom Is the End of Me pas loin d’une Beth Gibbons en solo, le pulsé Afro Blue ou encore Brother aux faux-airs de dub acoustique), jazz bluesy épuré (l’a cappella Sitting In The Stairwell, ou Lilies qui voit réapparaître l’influence impressionniste et délicatement percussive du Talk Talk de la grande époque cultivée depuis No Deal), méditations presque ambient (All My Worlds et son piano à la Radiohead, And My Heart Goes On tout en battements chamaniques et en vents envoûtants) et cavalcades hypnotiques plus ou moins épiques (Gold Junkies) ou feutrées (Let Me Love You).




89. Luca Nasciuti - Kishar (Resterecords)




Confrontation de la nature (les contrées rurales d’Écosse et d’Islande samplées par l’Italien, Londonien d’adoption) et des ravages de l’urbanisation qui prennent ici la forme de tempêtes abrasives aux crépitements mi-industriels mi-grouillants, Kishar impressionne par l’ampleur de ses progressions peu à peu phagocytées par des éruptions de bruit blanc bénéficiant du sens du contraste saisissant du mastering de Lawrence English et par la philosophie qui les sous-tend, ce sentiment d’éternité gâchée et d’Éden souillé par l’inconscience de notre espèce qui réalise trop tard l’ampleur d’un gâchis désormais irréversible.




88. Saicobab - Sab Se Purani Bab (Thrill Jockey)




Si vous aviez adoré comme nous l’orgie ethnique et polyrythmique du Gamel d’OOIOO, vous serez sans doute ravis de retrouver la même Yoshimi P-We à la tête de ce quartette où le fameux gamelan indonésien laisse la place au riq, tambourin oriental du percussionniste Motoyuki “Hama” Hamamoto. Sur les 7 titres transcendantaux de cet hommage ludique et irrévérencieux à la musique indienne traditionnelle, premier album studio de ce quatuor actif sur scène depuis plus de 15 ans, les vocalises toujours régressives et barrées de l’ex Boredoms flirteraient presque avec les borborygmes bipolaires d’un Mike Patton, pour mieux forniquer avec le sitar mystico-épique de Yoshida Daikiti, la basse tortueuse d’Akita Goldman et des distos futuro-psyché qui ajoutent encore un peu de bruit et de folie à l’ensemble pour notre plus grand plaisir.




87. The Clientele - Music for the Age of Miracles (Merge Records)




L’un des rares enchantements de ce morne cru pop sera venu d’une reformation dont on n’attendait honnêtement pas grand chose, celle des Londoniens de The Clientele, toujours emmenés par Alasdair MacLean dont le timbre au cachet rétro s’accorde forcément à la perfection avec cette nouvelle collection de pop songs psyché-acoustiques marquées par l’ère où brillaient dans l’ombre des Beatles les compos au romantisme baroque des Zombies ou autre The Left Banke. Mis sur orbite par le fabuleux The Neighbour en ouverture, Music for the Age of Miracles s’agrémente d’envolées violoneuses décomplexées (le superbe Everyone You Meet ou encore le morceau-titre), de beats électroniques discrets (Everything You See Tonight Is Different From Itself), de narration spoken word à la Aidan Moffat (The Museum of Fog) et même d’intermèdes bucoliques au piano ou à la harpe du plus bel effet.






86. Room V - Mr. Rừng (CRL Studios)




"Révélation du label d’Anchorage cette année, Room V aka le Moscovite Vadim Rumyantsev présente une IDM à combustion lente, intense et organique, dont les mouvements s’enchaînent au gré de huit pistes évoquant le folklore tribal de quelque planète oubliée aux confins de la constellation dub techno. Vibrionnantes et volatiles, scintillantes et saturées mais toujours d’une ampleur et d’une clarté impressionnantes, les compositions de ce nouveau venu sur la scène électronique indépendante désorientent par leurs pulsations polyrythmiques et troublent par l’ambivalence de leurs mélodies sous-jacentes, à la fois pleines d’espoir et de menace."


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85. Lawrence English - Cruel Optimism (Room40)




S’il n’a pas le magnétisme ou l’ampleur des élégies crépusculaires de l’indépassable Wilderness of Mirrors, rarement vagues de drones à ce point intangibles et vaporeux auront dégagé une telle puissance sourde que sur ce nouvel opus de l’Australien aux mouvements emboîtés, qui sonne comme une apocalypse vue des cieux et génère comme à l’accoutumée des contrastes assez saisissants, à l’image de l’enchaînement du piano aux échos sépulcraux tamisés de The Quietest Shore et des martèlements de drones démiurgiques de Hammering A Screw, ou du passage des avalanches de scories d’Object Of Projection à la fausse accalmie d’antimatière grondante sur fond de cascades d’arpèges acoustiques de Negative Drone.




84. Allister Sinclair - Microsoft Error Picture Show (Linge Records)




"Trois ans et des poussières (d’étoiles) après Street Fight on Mars, le Montpelliérain reste fidèle au label de Lucien DallAge, humour oblige à en juger par les descriptifs joyeusement anti-conformistes des deux disques. Sur ce Microsoft Error Picture Show d’une maîtrise branque inversement proportionnelle à la laideur made in paintshop de sa pochette, on le retrouve en héritier jouisseur et détraqué du Mr. Oizo de la grande époque de Moustache - celui qui avait digéré toutes les 90s du label Warp pour les recracher sens dessus-dessous - avec forces rythmiques à danser sur la tête, samples cartoonesques distordus jusqu’au malaise et autres incursions vocales absurdes tellement sorties de leur contexte que ça en devient dérangeant."


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83. Ulsect - Ulsect (Season Of Mist Underground Activists)



Sorti sur le "sous-label extrême" de la déjà bien extrême écurie metal sudiste Season of Mist que le monde entier nous envie, ce premier opus du quintette néerlandais ne m’empêchera pas de claquer un peu plus haut dans ce classement le dernier Dodecahedron à la sauvagerie black metal tentaculaire et forcenée. Mais Ulsect, où l’on retrouve notamment l’ingé son/guitariste Joris Bonis et le batteur Jasper Barendregt échappés de ces derniers, est une entité propre, aux progressions moins véloces et plus marécageuses dont les accès d’épilepsie lors desquels le chanteur Dennis Maas growle comme un perdu s’entrecoupent de longs passages instrumentaux où la menace des guitares et des nappes de fuzz et de saturation se fait plus insidieuse et rampante.




82. Akira Kosemura - In The Dark Woods (Schole / 1631 Recordings)




Le pianiste japonais reprend quelques morceaux de ses EPs The Cycle of Nature et Someday agrémentés d’une douzaine de compos inédites et de sa superbe et troublante berceuse Badalamenti-esque Dedicated to Laura Palmer, morceau composé pour notre compil IRMxTP Part 15 à paraître en février, pour faire de cet album l’un des bijoux post-classiques de l’année écoulée, entre méditations intimistes en mineur (Resonance, les deux Inside River, Innocence ou les 10 minutes du très beau Stillness Of The Holy Place), lyrisme pianistique tout aussi dépouillé et ouvert aux sonorités naturelles de l’enregistrement (DNA, Between the Trees, The Cycle of Nature), rêveries semi-synthétiques (Sphere, Spark) et lamentations plus orchestrées (le merveilleux morceau-titre).




81. Orchard - Serendipity (Ici D’Ailleurs)



Non, je ne vais pas vous mettre une sortie d’Aidan Baker par tranche de 10, mais cette collaboration semi-improvisée avec les Français Gaspar Claus (violoncelle), Maxime Tisserand (clarinette), Franck Laurino de Bästard et Zëro (batterie) et David Chalmin (claviers) avec ses suites hors-format de drone-rock de chambre libéré de tout carcan, ses crescendos kosmische massifs et ses arrangements tantôt capiteux ou crissants valait bien un rattrapage tant semblent être nombreux les fans du Canadien à être passés à côté, faute d’écoute intégrale sur la page Bandcamp de son label Broken Spine (Ici D’Ailleurs qui régale en vinyle et CD n’a malheureusement pas jugé bon de le streamer).