Comité d’écoute IRM - session #6 : Bastard Mountain, Fujiya & Miyagi, Piano Chat, Sharon Van Etten & Woods

Ça n’est pas parce qu’on n’en avait pas encore parlé qu’on n’a rien à en dire : chaque semaine, les rédacteurs d’IRM confrontent leurs points de vue sur 5 albums de l’actualité récente, côté pop/folk pour cette semaine avec une sélection plus immédiate et mélodique.

Mieux que la NSA, le "Comité d’écoute IRM" vous renseigne !


Bastard Mountain - Farewell, Bastard Mountain (Song, By Toad)



nono : Farewell, Bastard Mountain est une jolie galette de freak folk mélancolique mais pas désespéré, sombre sans jamais être oppressante. J’ai eu beaucoup de mal à ne pas penser à certains enregistrements de Bonnie ‘prince’ Billy en l’écoutant mais la comparaison aurait pu être pire. Une très belle découverte pour moi.

Elnorton : Dans un registre folk, la tâche consistant à innover est extrêmement ardue. De fait, Bastard Mountain privilégie un autre chemin en se contentant de distiller des compositions pleines de relief qui, sans tutoyer les cimes, sont suffisamment aériennes pour nous proposer un agréable voyage.

Rabbit : Rien de bâtard dans cette country-folk orchestrale et texturée évoquant en effet la classe minimaliste à la fois intense et hantée d’un Palace du Prince Will Oldham. Manque une voix charismatique pour marquer véritablement les esprits mais les associations masculin/féminin fonctionnent tout à fait joliment et dans le genre ce Farewell, Bastard Mountain s’avère réjouissant voire assez désarmant.



UnderTheScum : Une superbe découverte-surprise que ce Farewell, Bastard Mountain. Une americana-folk minimaliste où tout repose sur la fragilité qui passe aussi bien par la partie vocale qu’instrumentale. Un album qui me prend à la gorge un peu plus à chaque nouvelle écoute.

Lilie Del Sol : Découverte pour moi aussi, ce Farewell, Bastard Mountain minimaliste certes mais ample par ses harmonies sublimes. On se retrouve vite suspendu à son écoute et sans voix. D’ailleurs les mots me manquent pour évoquer cet album à la sobriété et à la classe déroutantes. Je confirme cependant les propos de Rabbit quant au manque d’une voix charismatique pour enlever d’autant plus les morceaux, ce qui ne retirerait rien à la fragilité qui fait tout leur charme. A présent je vais rester aux aguets de ces « Bâtards des montagnes ».


Fujiya & Miyagi - Artificial Sweeteners (Yep Roc)



UnderTheScum : L’électro-krautrock de Fujiya & Miyagi a beau ne pas pas côtoyer les sommets en terme de qualité, il y a quelque chose d’assez irrésistible dans leur musique, d’entraînant. Un sens du rythme, du groove, qui vous donne envie de sauter sur le dancefloor le plus proche.

Elnorton : Avec Fujiya & Miyagi, c’est souvent pareil. Quelques morceaux de haute volée qui viennent surclasser un ensemble plutôt commun. Artificial Sweeteners ne fait pas exception à la règle, quoi que.
En effet, si l’on note toujours une certaine monotonie dans la voix de David Best, force est de reconnaître que les sommets sont plutôt nombreux et particulièrement inspirés (Tetrahydrofolic Acid, Vagaries of Fashion et Flaws en tête). Les Anglais multiplient les contrepieds et fournissent un disque concis - 38 minutes seulement - et efficace. En somme, un bon cru de Fujiya & Miyagi.



Rabbit : Fidèle à sa mixture dansante, subtilement mélodique et vaguement dark d’électro-pop à tendance kraut, la musique du combo de Brighton est en effet toujours aussi sympathique à défaut de casser des briques, entre progressions deep et morceaux funky plus immédiats et non moins efficaces.

Lilie Del Sol : Je résumerai bien cet album par une envie irrésistible de voir l’été arriver pour de bon et danser sans interruption jusqu’au bout de la nuit. Fujiya & Miyagi réussissent le pari risqué aujourd’hui de l’électro-krautrock de qualité. Ils le gagnent haut la main comparé à d’autres qui s’essaient à cet exercice en s’écrasant lamentablement sur le dancefloor. La qualité groovy et rythmique est impeccable. Rien de suprême mais comme le dit UnderTheScum c’est assez irrésistible. Le résultat est là : prise au piège je suis !




Piano Chat - Lands (Kythibong)



Lilie Del Sol : Lands est teinté d’une noirceur intime, de sentiments profonds et d’une émotion vive. L’album oscille entre poésie onirique, électro/lo-fi et rock sensible voire obsédant. La finalité de l’album est poétique et délicate. Le propos de Piano Chat est loin d’être léger, il est bien au contraire lourd de sens mais jamais outrancier. Il révèle ou confirme nos interrogations, nos peurs et nos envies les plus secrètes.

Elnorton : Clairement, ce Lands aurait pu me plaire et j’y ai d’ailleurs cru en début de disque au regard des différentes références évoquées ci-dessus par Lilie qui correspondent à mes appétences ordinaires. Rapidement me vient néanmoins l’impression que Piano Chat tourne en rond pour finir par se mordre la queue. Pas désagréable pour un sou, mais j’attends toujours que ça décolle ce qui aurait constitué une prise de risque toute relative puisque même en cas de chute, Piano Chat aurait trouvé le moyen de retomber sur ses pattes.

Rabbit : Fâcheuse impression que derrière les arrangements sagement "décalés" de ce piano/chat sans queue/tête il ne se passerait pas grand chose. En définitive, on a là des chansons vainement arty dont les incursions post-punk au chant inutilement braillard (Leaving The City) ne me parlent guère, tandis que même les morceaux les plus courts parviennent à m’ennuyer. Et qu’est-ce que la pochette est moche... m’en vais plutôt réécouter GaBLé, tiens.


Sharon Van Etten - Are We There (Jagjaguwar)



Elnorton : Un album tout à fait sympathique, idéal pour accompagner un début d’après-midi pré-estival. Are We There est dominé par quelques titres implacables (Taking Chances ou le très mélancolique Our Love) qui suffisent pour faire pencher la balance du côté positif et étouffer par la même occasion mon envie de pointer l’absence totale de prise de risque.

Lilie Del Sol : Le nouvel opus de la pure Sharon Van Etten est composé de délicates et élégantes confidences. Elle ajoute le piano et des cuivres à ses instruments originels et cela ne fait que renforcer la beauté et la profondeur du chant de l’artiste. Ses histoires, toujours contées avec humilité, sont captivantes. Sharon a mûri, sa rage ne s’exprime plus par le rock de Tramp mais par des mots lourds de sens revêtus de mélodies délicates. Elle transperce le cœur et les viscères avec, entre autres, des titres tels que Your Love is Killing Me, Tarifa ou I Know. L’album de la belle Sharon à la voix magnétique est d’une grande puissance émotionnelle.



Rabbit : La New-Yorkaise m’en touchait déjà une sans faire bouger l’autre quand elle singeait avec une relative aisance mais sans vraie personnalité Cat Power ou PJ Harvey. Nettement moins dans son élément aux claviers, boîtes à rythmes et autres harmonies vocales acrobatiques maintenant qu’elle a rejoint le club désespérément ouvert - et hype - des groupies de Kate Bush, je ne vois plus grand chose à retenir de sa musique.

UnderTheScum : Je rejoins Rabbit sur ce coup. Je suis totalement passé à travers cet album dont j’aurais bien du mal à vous dire quoi que ce soit tant je l’ai trouvé pauvre en qualité et en émotions.

Lilie Del Sol : Vous n’avez pas bien écouté c’est pas possible !

Rabbit : Et encore j’ai pas Etten la chaîne hi-fi avant d’avoir perdu mes 47 minutes, ça méritait bien une Tramp, non ? Lalala.


Woods - With Light And With Love (Woodsist)



Rabbit : Dans la continuité du très bon Bend Beyond, ce nouvel opus des New-Yorkais n’aligne clairement pas le même brelan de classiques instantanés et nous laisse ainsi tout loisir de regretter la discrétion des digressions psych-noise progressivement passées au second plan d’un songwriting nettement plus frontal depuis quelques albums. Qu’importe, l’impression n’est que passagère et au gré des écoutes, la country-folk-pop solaire de la bande à Jeremy Earl finit comme toujours par emporter le morceau (la palme au parfait Leaves Like Glass).

nono : Cela fait déjà plusieurs années que l’on m’invite à m’intéresser à Woods. Le comité d’écoute aura au moins eu le bénéfice de m’obliger à me pencher sérieusement sur les folkeux de Brooklyn. Au final, si la folk pop teintée de psychédélisme du groupe est un peu trop légère et printanière à mon goût, force est de constater un véritable talent. Ça sent bon les sixties quoi.

Elnorton : Tout comme Nono, je découvre Woods avec ce disque. With Light And With Love est frais, rythmé, immédiat et presque enivrant lorsque ses auteurs envoient du bois. Je ne sais pas si j’y reviendrai mais l’écoute aura été particulièrement agréable, le chant séduisant n’y étant sans doute pas étranger.



UnderTheScum : Woods fait partie de ces groupes de folk talentueux, où tout est extrêmement bien réglé, peut-être même trop. Une fois quelques écoutes passées et la recette bien digérée mon intérêt va en s’amenuisant. Il me manque ce petit quelque chose, tellement important en folk, qui me touche, qui me prend aux tripes.
L’anti-Bastard Mountain en quelque sorte.

Lilie Del Sol : C’est de la jolie folk que nous offre Woods. Tout est très bien construit, rien à redire. C’est léger, agréable, on entend le chant des oiseaux et on se balade dans les prés mais il me manque ce petit supplément d’âme, ces touches d’imperfections nécessaires à me faire fondre avec la folk. Car la folk est justement, pour moi, l’expression de l’émotion pure et sans fioritures. L’album est donc probablement trop travaillé pour m’emporter dans des contrées plus lointaines que les champs postés aux entrées des villes. Je reste sur le seuil, j’apprécie, mais malheureusement les frissons ne me parcourent pas.

Spoutnik : Woods, ça n’est pas de la folk, c’est de la transcendance ! Woods, c’est un des seuls groupes qui me fasse arrêter d’écouter du hip-hop et encore une fois avec ce With Light And With Love, ça marche ! Après le “succès” de Bend Beyond, je m’attendais au pire, mais non, au fil des années, leur art s’est peaufiné, la production est devenue millimétrée ce qui pourrait paraître comme un défaut si chaque titre n’était pas encore un brûlot lo-fi psyché dompté et patiné par des années d’orfèvrerie.


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