SVIN en avant-première

À paraître le 21 octobre, nous vous proposons de découvrir Missionær, quatrième album de SVIN, quatuor danois au jazz inventif.

Nous étions immédiatement tombés amoureux de leur très malin et tellurique éponyme de 2014. Ces jours-ci, SVIN se rappelle à notre bon souvenir et balance Missionær. Si l’on retrouve certains aspects déjà développés sur le précédent, ce nouvel album se montre toutefois bien plus onirique. Certes, les crocs n’ont pas disparu et quelques déflagrations montrent qu’il faut toujours se méfier de cette entité danoise (le Dødskontainer d’ouverture est tout de même assez plombé) mais dans l’ensemble, leur jazz est beaucoup moins hirsute et renfrogné. Sans doute est-ce là tout l’apport des claviers d’Adi Zukanovic venus remplacer le cor énervé de Magnus Bak. Souvent contemplatifs, voire mystiques, ils apaisent le ténor et la clarinette de Henrik Pultz Melbye. La guitare habituellement barbelée de Lars Bech Pilgaard se pare elle aussi d’atours plus rêveurs et la batterie de Thomas Eiler tapote plus qu’elle ne martèle. Il faut dire aussi que ces morceaux tirent leur inspiration des paysages glacés islandais qui bordent le Sundlaugin Studio (rendu fameux par qui vous savez) où le groupe est allé enregistrer durant une petite dizaine de jours de l’hiver 2015 ce qui allait devenir Missionær.

Toutefois, n’allez pas croire que cet album soit inoffensif, il n’en est rien. Ce qu’il perd en sauvagerie, il le gagne en bizarrerie et sous ses dehors contemplatifs, SVIN n’en reste pas moins inquiet et énigmatique. Ainsi pour un Færgen Ellen étonnamment carré, des titres comme V, Japser ou Kirkeorgelsafrikaner révèlent tout leur potentiel abstrait. Que les motifs rythmiques soient inexistants ou au contraire surabondants, que la dynamique soit rectiligne ou bondissante, que l’ossature soit roide ou invertébrée, peu importe, Missionær nous envoie bien souvent en errance sur des paysages minéraux rendus saillants par l’érosion. On se sent parfois tout seul et tout petit, à l’instar d’un Stella qui vient clore l’album d’une belle manière. Légèrement emphatique, on se dit de prime abord qu’il en fait trop avant de se rendre compte qu’il en fait juste assez. Il signifie parfaitement l’eau froide et les roches, la sauvagerie tranquille des éléments et le souffle du vent. Une force d’évocation qui fait bien vite oublier les quelques petits couacs qui, au départ, avaient affadi l’écoute (le saxophone trop langoureux de V par exemple ou quelques nappes trop appuyées disséminées ici et là). Très circulaire, parfois éthérée voire méditative, incontestablement la musique de SVIN a muté.

Et n’en reste pas moins magnétique.


Articles - 17.10.2016 par leoluce
... et plus si affinités ...
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