Mike Skinner, has-been ou visionnaire ?

Pas toujours facile de gérer les attentes du public à l’heure de l’info en temps réel et de l’effet domino numérique. Dernier exemple en date d’une communication en dents de scie, le fameux clap de fin de The Streets dont la découverte a quelque peu souffert des tendances "girouette" de son auteur.

Depuis 2009, Mike Skinner avait en effet laissé filtrer suffisamment de démos via Twitter pour qu’un petit malin les compile l’an dernier en laissant croire à une fuite anticipée du tant attendu Computers And Blues finalement paru lundi dernier. Une compilation au demeurant remarquable malgré son absence de mastérisation et qui collait on ne peut mieux aux annonces de l’Anglais quant à la nature de ce nouvel opus prétendument dark et futuriste, avec ses 14 titres tour à tour épiques et angoissés, et tout aussi dansants que philosophiques.

Alors forcément quand l’album, le vrai, pointe finalement le bout de son nez dans la foulée d’une paire de singles un brin pesants à visionner ici - l’un en duo avec le méconnaissable Robert Harvey de feu The Music apportant du haut de sa boule à zéro une touche heavy rock sans grande subtilité, et l’autre déjà présent sur la compil’ en question dont il constituait peut-être l’unique faute de goût avec son hédonisme tape-à-l’oeil - il y a de quoi s’inquiéter. D’autant que le tracklisting révélé sur le tard nous annonce deux autres morceaux en commun et que l’on s’est déjà attaché à ce "Twitter Album" de 3/4 d’heure auquel il eut été bien difficile de résister compte-tenu de l’absence de date de sortie ou même d’info récente concernant l’album officiel à l’époque - Skinner ayant entre-temps changé de tactique après avoir désavoué la fuite par une annonce officielle via NME, trop maladroite néanmoins pour ne pas nous laisser supposer du contraire pendant encore quelques mois de trop.

Il fallait au moins une mixtape de qualité supérieure pour rectifier le tir, ce sera chose faite fin janvier avec le sombre et sci-fi Cyberspace And Reds et ses quarante minutes d’électro/hip-hop aux métissages jazzy, grime ou acoustiques aussi introspectifs qu’efficaces, de quoi nous assurer de la capacité de l’auteur du fondamental Original Pirate Material à rebondir sur le plan musical à défaut de nous rassurer quant à ses intentions commerciales, le téléchargement de ces 14 morceaux (nombre décidément récurrent) n’étant officiellement permis que par le biais d’une application iPhone. Pas si dépassé donc le Skinner, et même finalement plutôt inspiré avec son dernier concept lancé il y a une semaine pour promouvoir Computers And Bues. Cette fois-ci ça passe par Youtube, sur un mode croisant les principes de la télé-réalité et de ces "Histoires dont vous êtes le héros" de notre enfance, prenant la forme d’une série de petits films emboîtés qui nous proposent à chaque embranchement de choisir la direction qu’empruntera par la suite le personnage principal incarné par le rappeur de Birmingham lui-même :

De quoi nous permettre en quelques dizaines de minutes de l’enfoncer un peu plus dans sa loose de célibataire fraîchement largué ou de sauver son couple in extremis, d’en faire un égoïste ou même un type "bien" en découvrant au passage des extraits de chacun des titres de ce cinquième et ultime opus du projet et même une version acoustique de Those That Don’t Know, dernier bémol avec le clinquant OMG d’un album certes en deçà des espoirs suscités par les deux compilations sus-mentionnées et plus pop que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, mais par ailleurs idéalement partagé entre tubes fervents teintés de soul moderne ou de manipulations électroniques et perles catchy au spleen lumineux dans la lignée du touchant Everything Is Borrowed de 2008 :

Autant dire que l’on devrait, malgré - ou grâce à ? - ses quelques penchants radio friendly, finir par s’attacher à ce Computers And Blues qui réussit même le petit exploit de transcender encore les versions déjà connues des excellents Outside Inside et Blip On A Screen par une production savamment contrastée :


Blog - 10.02.2011 par RabbitInYourHeadlights
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