Le streaming du jour #784 : Sigur Rós - ’Kveikur’
On reviendra très certainement à l’heure des bilans de juin sur ce Kveikur divisant déjà les admirateurs plus ou moins dilettantes des Islandais que nous sommes tous à divers degrés dans l’équipe.
Car s’il est de moins en moins aisé de tout aimer chez Sigur Rós, capables de passer du lyrisme majestueux de Takk... au melting-pot plus superficiel d’un Með suð í eyrum við spilum endalaust comme ils avaient su migrer des friches fantasmatiques de Von au post-rock vocal qu’on leur connaît depuis, nul doute que le retour ici d’une section rythmique surpuissante et des guitares grondantes après la volupté presque ambient de Valtari devrait faire forte impression sur ceux qui regrettaient la dimension plus tourmentée de leurs albums du tournant des années 2000, Ágætis Byrjun en tête.
Ce septième album studio en écoute exclusive sur le site officiel du groupe partage en effet avec le chef-d’œuvre pour beaucoup toujours inégalé de Jónsi et sa bande un certain sens de la progression narrative qui se passe d’ailleurs souvent de mots sans pour autant rejoindre l’abstraction émotionnelle d’un ( ), alignant plutôt les morceaux de bravoure comme Homère les chants de son Odyssée et maniant l’ellipse entre les styles et influences dont la cohérence n’exclue pas certains changements d’humeur assez radicaux, de la cavalcade nébuleuse de Yfirbord aux enluminures pop du fabuleux Stormur par exemple.
Épique mais un poil boursoufflé dans ses fripes prog enrobées de chœurs liturgiques, on aurait pu craindre que le single Brennisteinn ne donne le ton de l’opus et sonne le glas d’une ambition démesurée, et pourtant le groupe déjoue toutes nos craintes, qu’il flirte avec la symphonie percussive certes emphatique mais plus charnelle d’un Hrafntinna, enchaîne les envolées frontales de Rafstraumur et Blapradur ou renoue avec la ferveur céleste et désarmante des grandes heures de Takk... avec Isjaki, avant de dérouler dans les brumes claires-obscures de Var, final élégiaque dominé par un piano néo-classique et ces fameuses guitares triturées à l’archet.
Preuve que les Islandais savent toujours allier tripes et délicatesse, Kveikur ne demande ainsi qu’à se laisser apprivoiser et devrait faire date une fois digérée l’impression de trop-plein qu’il dégage à première écoute.
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