Raoul Vignal - The Silver Veil

Talitres fait décidément partie de ces défricheurs capables de dénicher des artistes émergents et confidentiels appelés à devenir incontournables. Après avoir accueilli l’an passé le déjà illustre Laish dont le Pendulum Swing était l’un des disques marquants de 2016 et sans même évoquer The National, Flotation Toy Warning ou Motorama, voici que le label nous présente le premier long-format de Raoul Vignal.

1. Hazy Days Voir la vidéo Raoul Vignal - Hazy Days
2. Mine
3. One
4. Under The Same Sky Voir la vidéo Raoul Vignal - Under the same sky [OFFICIAL VIDEO] - YouTube
5. Side By Side
6. Dona Lura
7. Whispers
8. Bless You
9. The Silver Veils
10. Shadow

date de sortie : 07-04-2017 Label : Talitres

Après trois EPs - dont le dernier III était sorti en novembre 2014 - celui qui dit considérer comme l’un de ses albums de chevet le Senoji Lietuviu Liaudies Muzika d’Etnografinis Ansamblis qu’il définit comme "un chœur lituanien, composé de femmes. Tout est basé sur des mélodies courtes et répétitives" retranscrit sur The Silver Veil cet attrait pour l’épure et la répétition d’hymnes imparables.

Aussi, le Lyonnais mise sur la simplicité, et l’essentiel des titres s’articule autour des guitares et de sa voix. Pierre-Hugues Hadacek, qu’il considère comme son meilleur ami, vient bien le soutenir à la flûte traversière (Mine, Dona Lura) ou sur certaines parties de batterie mais ces variations se font en marge et Raoul Vignal nous propose un disque tout à fait personnel dont il est l’élément central aussi bien sur le plan de la composition que dans la mise en oeuvre.

Enregistré à Berlin aux Klangbild Studios, The Silver Veil, comme l’explique le Français, "fait référence à cette couche nuageuse, d’un gris brillant, qui recouvre la ville bien trop souvent, et qui fait mal aux yeux quand on la regarde". Nous avons jusqu’à présent évoqué les chœurs lituaniens et une cité germanique, mais les influences de cet album sont pourtant essentiellement anglo-saxonnes.

Les héritiers de Nick Drake sont nombreux et à l’instar de Gareth Dickson, certains se révèlent particulièrement prometteurs. Raoul Vignal est de ceux-ci, et l’on n’évoque pas seulement le Hazy Days initial et single évident dont nous parlions précédemment pour sa capacité à suspendre le temps mais jamais les émotions qui restent malgré tout prudentes et humbles.

La folk minimaliste de l’artiste n’a pas besoin d’artifices. A l’instar de l’intimiste et dépouillé One, les morceaux paraissent bien plus riches en instrumentation que le seul combo guitare/voix ne semblerait le permettre. C’est le spectre de The White Birch qui surgit sur un Dona Lura où apparaissent des vents en contrepoint des arpèges et du chant mélancolique. Entre-temps, pourront être repérés de faux-airs d’un Radiohead acoustique (Side By Side et ses arpèges froids rappelant l’esprit dAmnesiac) avant qu’une ballade à la The National ne retentisse sur un Whispers plus rythmé que les titres précédents et se caractérisant par l’irruption de percussions métronomiques espacées et minimalistes.


S’il fallait une exception à ces influences anglo-saxonnes, il faudrait les chercher du côté de One pour une parenté avec Syd Matters (dont l’univers est lui-même inspiré par la langue de Shakespeare) mais aussi Under The Same SkyRaoul Vignal parvient à déclencher un panel d’émotions à rapprocher - et sans les cordes, l’exploit n’est pas mince - d’une Agnès Obel au masculin.

Évoquant la dureté maritime avec un titre éponyme iodé ou s’articulant autour d’une voix qui semble revenue d’outre-tombe (Shadows), Raoul Vignal ne ménage pas son instrument, comme lui-même n’a sans doute pas été épargné. Ainsi, la diversité des cordes pincées voire tirées permet d’apprécier ces tourments, qui peuvent aller jusqu’à l’étouffement (Bless You).

Assurément pas destiné à faire la fête, The Silver Veil est le disque de résilience par excellence, où le traumatisme est toujours prégnant en arrière-plan sans jamais être l’élément central. Un album à écouter auprès d’une cheminée en hiver ou sous un arbre au printemps. Un disque naturel, qui n’hésite pas à s’attarder sur la dureté du monde environnant, sans jamais se restreindre au pessimisme désespéré. Un album humble, inspiré et stimulant. Une offrande intemporelle.

Chroniques - 15.04.2017 par Elnorton
 


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