Animal Youth - Animal

Post-punk un jour, post-punk toujours. On s’arrête aujourd’hui sur le premier album d’Animal Youth, trio Bruxellois qui aime habiller son spleen de quelques gouttes de plomb. Magnétique Animal.

1. Darkest Place
2. Rainy Day
3. Eat You Alive
4. Feeling
5. Love You (When You’re Dead)
6. To Burn Is The Next Big Thing
7. Sunday
8. In Heaven (Lady In The Radiator)
9. You Don’t Know Love Voir la vidéo Animal Youth - You Don’t Know Love

date de sortie : 27-05-2017 Label : Weyrd Son Records

Une basse énorme aux lignes élégantes, une guitare tour à tour contrite et féroce, une batterie qui claque et des nappes inquiètes disséminées un peu partout, avec ces armes somme toute basiques, Animal Youth dessine de chouettes morceaux. Ici, c’est le versant post-punk qui prédomine et le trio aime agrafer des sons et une ambiance typés ’80s à des accents plus contemporains les faisant parfois sonner comme une sorte de New Order musclé (Feeling). Alors, certes, la mare dans laquelle cingle Animal est déjà encombrée mais qu’importe car au final, les vibrations mélancoliques et majoritairement froides qu’exhale le disque s’accompagnent d’une énergie qui en fait toute la singularité. Il n’y a ni angle mort ni espace laissé vacant, les morceaux, invariablement, s’en vont du point A au B sans circonvolutions inutiles et les Bruxellois jouent resserré. Tout cela se montre bien construit, basse et guitare n’écrasent jamais les larmes du clavier et les nappes de ce dernier ne sont jamais trop envahissantes, préférant suggérer plutôt qu’asséner. Ce n’est donc jamais un instrument au détriment des autres et tous participent à l’édification d’un climat taciturne particulièrement chiadé. Équilibrée, jamais démonstrative, la musique d’Animal Youth montre aussi un surplus de fraîcheur qui fait toute la différence et lui permet de reprendre crânement le In Heaven (Lady In The Radiator) de Peter Ivers qui venait hanter l’ambiance déjà bien anxiogène d’« Eraserhead » de Lynch sans que le morceau ne se détache de l’ensemble. Le post-punk du trio respecte certes les canons du genre - caoutchouc arachnéen et dentelle glacée - mais creuse également les à-côtés, empruntant au psychédélisme moderne sa fuzz conquérante et au shoegaze, son éther plombé. Très actuel, on ne sent pourtant jamais de pose derrière Animal et on écoute ses morceaux sans arrière-pensées, stoppant net le jeu des réminiscences pour se concentrer sur son identité propre. Le groupe, indéniablement, a du caractère.

Celui-ci amène, par exemple, un Darkest Place d’ouverture étonnamment véloce, précipitant sa basse sépulcrale dans le bain acide de la guitare. C’est tout à la fois nerveux (la forme) et patraque (le fond), il en résulte un morceau hirsute dont la tête ne semble plus commander aux pieds. Rien à voir avec Rainy Day - dont les premières secondes ramènent à The Cure - Eat You Alive ou encore In Heaven (Lady In The Radiator), complètement affligés et ne rigolant jamais. Plus de mouvements oxymores et une seule trajectoire tendue vers l’obscurité. Mais on trouve aussi dans Animals des morceaux bien plus carrés où le post-punk au cordeau s’évapore dans un environnement flou et plombé : Love You (When You’re Dead) ou encore To Burn Is The Next Big Thing laissent une profonde empreinte caoutchouteuse au mitan du disque. Et puis, au milieu de tout ça, on trouve encore une flopée de tubes qui s’impriment dans le cortex : Feeling, Sunday ou encore You Don’t Know Love, nerveux et inquiets, portés par d’imparables mélodies qui enferment méchamment les neurones pour ne plus jamais les lâcher. C’est bien là toute la réussite dAnimal  : varier ses attaques pour construire un climat homogène et anxieux. La musique d’Animal Youth se montre ainsi particulièrement racée alors qu’il ne s’agit, somme toute, que d’un premier album. D’autant plus que si leur patronyme renvoie à un morceau de Siamese Queens (en plus de renvoyer à Sonic Youth), le groupe précédent dont sont issus les deux tiers du trio, il ne renvoie pas du tout au hardcore alors pratiqué. Une mutation étonnante peut-être mais qui explique sans nul doute d’où viennent les accents retors qui habillent la plupart des morceaux. Et qui explique également pourquoi les instruments de ces trois-là - Guy Tournay (chant, guitare, claviers), Jérôme Damien (basse) et Hugo Claudel (batterie) - se montrent si soudés.

Le beau temps revient mais on trouve ici de quoi flinguer inexorablement les degrés en trop. Un premier essai qui montre tous les atours du coup de maître et fait impatiemment attendre la suite.



Chroniques - 28.05.2017 par leoluce