Le streaming du jour #1962 : The Innocence Mission - ’Sun on the Square’

Distribué en catimini depuis la fin du mois de juin par Bella Union de notre côté de l’Atlantique, ou disons, pour le moins, avec une tragique discrétion pour une formation vénérée de quelques milliers de fans transis qui fête son 12e long format en près de trois décennies d’activité, Sun on the Square est tout simplement le plus bel album de The Innocence Mission depuis l’indépassable We Walked In Song qui était lui même leur plus beau tout court - n’en déplaise aux admirateurs d’un Befriended tout aussi remarquable qui a évidemment ses adeptes à la rédaction d’IRM.

On parlait hier de Mazzy Star, c’est bien malheureux qu’en dépit d’un beau succès d’estime et d’une longévité égale (le hiatus des premiers en moins), le projet des époux Peris - désormais épaulés, la cinquantaine oblige, par leur fils Drew et par leur fille Anna au violoncelle et à la viole - n’ait jamais pu bénéficier d’une aura comparable. Pour vous dire, cette sortie nous avait tellement échappé que l’on n’a même pas pu glisser le fabuleux Records from Your Room, chef-d’œuvre digne d’un Lake Shore Drive ou d’un Song For Tom, dans notre playlist du mois de juin.

C’est pourtant le propre du groupe pennsylvanien de nous réconforter et de nous tirer des larmes en même temps, sans pathos ni guimauve ou autre excès de sucre mais avec une grâce infinie, celle du spleen des accords de guitare de Don, compositeur en chef, de l’impressionnisme du piano de Karen (qui l’associe à un accordéon très "vieux Paris" sur le magnifique Shadow of the Pines) et surtout de sa voix fragile et belle comme une licorne de cristal, au romantisme fluet et contrarié mais également résolu et plein d’espoir (Galvanic). S’y ajoutent par moments la contrebasse du fidèle Mike Bitts (cette fois notamment sur la ballade vénitienne Look Out From Your Window dont la rythmique revêt de surprenants accents jazzy) et donc ici et là sur le gracile Green Bus ou le morceau-titre de ce nouvel opus, les arrangements de cordes élégants et mélancoliques de leur progéniture croisée auparavant avec une belle sobriété sur The Color Green, final fervent de l’album précédent, et quelques sorties solo des parents.


On pourrait citer à titre d’exemple le prototypique An Idea of Canoeing mais plus encore donc, Records from Your Room, qui laisse au couple le soin d’ouvrir le disque dans un relatif dénuement et qui ne sera par la suite jamais tout à fait égalé, est l’incarnation même de ces chansons crève-cœur qui parviennent au détour d’un accord caressant ou d’une harmonie susurrée à laisser échapper une chaleur insoupçonnée, pour mieux flirter l’instant d’après avec une tristesse sans bornes lorsque la gravité d’une corde pincée pave la voie pour une complainte vocale au bord de l’effondrement. Un spleen et une fragilité dont Karen n’a d’ailleurs pas l’apanage puisqu’ils irradient tout autant du chant de Don sur Star of Land and Sea, une rare inversion des rôles qui ne change pas autant de choses qu’on aurait pu le croire à la personnalité de la musique du groupe, malgré le minimalisme de ce titre en particulier.

Quant à Mazzy Star, la comparaison n’est pas si anodine : certes The Innocence Mission use d’un tempo légèrement plus marqué, se passe volontiers de guitare électrique même feutrée et offre ses faveurs à la pop/folk baroque des 60s (cf. le cristallin Buildings in Flower qui n’est pas sans évoquer Sibylle Baier) plutôt qu’à son versant psyché, mais à l’image du superbe Light of Winter c’est bien le même genre d’onirisme et de nostalgie aux reverbs délicates qui émane des chansons des deux groupes et des sérénades de leurs interprètes, les deux plus belles voix féminines de l’indie-pop-folk-machin-truc toutes galaxies confondues.


Streaming du jour - 18.07.2018 par RabbitInYourHeadlights
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