Will Thompson, à coeur ouvert

D’ores et déjà attelé à la préparation de son deuxième album, le New-Yorkais Will Thompson, dont le premier essai très prometteur est sorti l’an dernier, a gentillement pris le temps de répondre aux questions d’Indie Rock Mag. C’était pour nous l’occasion rêvée d’en apprendre davantage sur les fondations de son univers musical, particulièrement intime et personnel.

Indierockmag - Serait-il possible de vous présenter aux lecteurs de notre Mag’ et d’expliquer comment est né votre premier album ?

Will Thompson : Je me souviens d’une semaine, lorsque j’habitais à Brooklyn, où il n’a fait que neiger. Ces quelques nuits, je les ai passées à jouer du piano et de la guitare : c’est comme celà qu’est née la musique de cet album. Ensuite, j’ai enregistré toute la musique sur cassette et je suis allé chanter dehors, en pleine tempête de neige, en improvisant des paroles. J’ai écrit les mélodies pour la voix et quelques lignes de texte pour chaque chanson et ensuite j’ai repoussé tout ça jusqu’à l’été. En juillet, je suis allé dans un café du coin et j’ai mis la touche finale aux paroles de tous les morceaux. Ça a pris environ une semaine d’après-midis. La genèse de l’album, c’était l’isolement. Et l’isolement se manifeste de diverses façons.

Indierockmag - Acteur de théâtre, vous êtes venu à la musique et à la composition musicale suite à des circonstances malheureuses (le décès tragique de votre mère). En quoi la musique vous a-t-elle permis de faire votre deuil, contrairement à la scène ?

Will Thompson : Je n’ai pas encore fait mon deuil. Ça a fait 10 ans la semaine dernière et je ne m’en suis toujours pas remis. Mais quelques souvenirs font surface dans la musique de temps à autre. Je le sens quand ça arrive et il y a alors un effet cathartique. En tant qu’acteur, je racontais l’histoire de l’auteur de la pièce par l’intermédiaire de l’interprétation du réalisateur. La musique, elle, me permet de m’impliquer plus personnellement et d’exploiter des émotions que je ne pourrais pas exprimer d’une autre manière.

Indierockmag - Avez-vous arrêté définitivement votre carrière d’acteur ?

Will Thompson : Oui, en grande partie. J’ai participé à quelques mises en scène pour des amis réalisateurs, mais c’est tout. J’étais un assez bon acteur mais j’avais pas mal de contraintes. Finalement, c’était devenu un travail qui payait mais qui n’apportait aucune satisfaction artistique. J’ai donc dû en arriver à me demander ce que je voulais faire de ma vie, parce que je savais que je n’étais pas sur le bon chemin. Je dois admettre que parfois je ressens une irrésistible envie de monter sur scène. Je doute que cette envie s’en ira entièrement un jour.

Indierockmag - Vous faites preuve sur votre premier album de certaines influences pop et folk "classiques", je pense notamment à John Lennon et Bruce Springsteen. Vos parents écoutaient-ils leurs albums ou vous êtes-vous forgé cette culture musicale par vous-même ?

Will Thompson : Ma mère écoutait The Moody Blues, Pink Floyd et Alice Cooper. Mon père n’écoutait que de la "muzak", vous savez, de la musique d’ascenseur. J’ai la chance d’avoir eu quatre frères et sœurs plus âgés qui adoraient la musique. Grâce a eux, j’ai été exposé à tous les genres musicaux : rock psychédélique, classique, pop, Motown, Broadway, punk etc. Et grâce à mon frère, je connaissais les paroles de toutes les chansons des Beatles à l’âge de sept ans, même si je ne savais pas vraiment ce qu’elles voulaient dire. Je suis attiré par l’art de raconter des histoires. Je trouve intéressant de faire passer des expériences dont je ne suis pas forcément fier.
J’aime explorer les défauts de caractère. Je suis honoré par le fait que les gens puissent dire qu’ils entendent l’influence de ces artistes dans mes morceaux. Mais je ne sais pas comment cela s’inscrit dans mon processus d’écriture.

Indierockmag - Votre premier album s’écoute comme on déroule un album photo. Il retrace des moments importants de votre, encore, jeune vie. Aurez-vous assez de souvenirs pour écrire un prochain album ?

Will Thompson : Le deuxième album est plus important pour moi que le premier. J’avais un plan pour le deuxième avant même d’avoir achevé le premier. Mon but avec cet album est d’attirer suffisamment l’attention pour garantir que le deuxième soit écouté.

Indierockmag - Sur votre premier album, vous êtes le seul interprète. Pourquoi avoir choisi cette approche solitaire ? Est-ce une démarche que vous continuerez d’adopter sur votre deuxième album ?

Will Thompson : Je n’espère pas. Je déteste enregistrer les instruments. Et je me considère d’ailleurs comme un épouvantable musicien. Le problème, c’est que j’attache une importance particulière au son que je veux. Je peux fabriquer ce son mais ça me prend beaucoup de temps. C’est très laborieux. J’aurai d’autres instruments sur le prochain album. J’espère juste que je ne ferai rien de stupide, comme apprendre à jouer du violoncelle au lieu d’engager quelqu’un qui sait vraiment en jouer. Je devrais laisser cela aux professionnels mais je suis têtu. C’est à ce moment-là que j’ai besoin que quelqu’un vienne me donner une gifle et me dise “mais, putain, à quoi tu joues ??

Indierockmag - L’instrumentation de vos chansons, qu’il s’agisse de guitare ou de piano, est minimaliste, sans fioritures, mais cela n’enlève rien à leur ampleur émotionnelle et sonore. La production a-t-elle joué un rôle important à ce niveau ?

Will Thompson : Je pense qu’aucun musicien ne se rend compte de l’importance de la production jusqu’à ce qu’il entre en studio pour la première fois.

Indierockmag - Vous voyagez énormément. On peut d’ailleurs voir quelques photos souvenirs sur votre page MySpace. Que vous apportent vos excursions ?

Will Thompson : Il y a tant de choses à voir et à découvrir sur cette planète. Il n’y aura jamais assez de temps pour aller à tous les endroits notés sur ma liste. J’ai un insatiable désir de voyager. Voyager m’aide à me développer et me donne l’impression d’exister.

Indierockmag - La pochette de votre album est une photo de vous enfant. A-t-elle une histoire particulière ?

Will Thompson : Je n’ai pas reçu de traitement particulier contre ma dépression et mes autres problèmes psychologiques avant d’être adulte. Ce n’est que maintenant que je me rends compte à quel point j’étais déprimé quand j’étais gosse. La dépression a entièrement bercé mon enfance. Bien sûr, il y a eu de bons moments, et ma famille était merveilleuse, mais j’étais en fait malheureux à l’intérieur. Vous voyez cet enfant souriant, mais derrière la façade, les choses étaient plutôt très désordonnées…

Indierockmag - Aura-t-on la chance de vous voir prochainement sur une ou plusieurs scènes françaises ?

Will Thompson : A l’automne ou vers la fin de l’été, je l’espère. J’adore la France. J’adore les Français. J’adore votre culture. Je me sens chez moi à Paris, en particulier. J’ai hâte d’y jouer.

Indierockmag - Quel accueil a reçu votre premier album dans votre pays ?

Will Thompson : Loin d’être aussi bien accueilli qu’en Europe. Ici, mes fans ont été supers et ont fait passé le mot mais il n’y a pas eu de reconnaissance généralisée.

Indierockmag - Avez-vous une "famille musicale" à New-York ? Si oui, pouvez-vous nous la présenter brièvement ?

Will Thompson : Non, pas spécialement. J’ai tendance à traîner avec des écrivains, des artistes ou des scientifiques mais pas de musiciens. J’ai une relation très intime avec ma musique et je ne laisse pas écouter ce que j’ai écrit avant que ce soit terminé. Je ne participe pas à des jams ou quoi que ce soit.

Lire notre chronique de Will Thompson .

Un très grand merci à Will Thompson pour sa disponibilité et sa sympathie.

Liens :
- Site officiel : willthompson.net
- Site MySpace : www.myspace.com/wgft


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