Top albums - avril 2017

Magie du printemps oblige, ce bilan d’avril s’éparpille joyeusement, on a même laissé Spoutnik prendre le contrôle de la beat tape du mois... signe avant-coureur d’anarchie, nouvel ordre mondial en approche chez IRM ou inoffensive excentricité à la manière des lunettes bicolores du Dr. Jacoby ? Seul l’avenir, parsemé comme il se doit de compils Twin Peaks en libre téléchargement deux ou trois fois par mois à compter du 21 mai, nous le dira...




Nos albums du mois






1. Crookram - Butterflies


"Crookram libère les papillons de sa jeunesse sur ce nouveau bijou d’abstract hip-hop kaléidoscopique et nostalgique au potentiel d’émerveillement inépuisable, qui élève sur des fondations empruntées à la soul orchestrale, à l’Âge d’Or du boom bap, à Morricone et aux soundtracks sixties pop et psychédéliques un édifice dédié à la préservation de notre part d’enfant.
Le pensionnaire de notre compil IRMxTP, dont l’excellent But Sometimes My Arms Bend Back est déjà dispo à l’écoute via notre teaser EP Welcome to Twin Peaks, a dû faire faire face à la gageure de donner suite à l’un des disques que l’on a le plus écoutés cette décennie. D’emblée, Butterflies renoue brillamment avec cet enchantement et cette ferveur hors du temps et des modes, alternant ravissements soulful en quête d’innocence perdue (Puppy Love, My Forest), abstractions ethno-futuro-psyché (Bum Bum, Katmandu), tranches de ciné imaginaire au groove imparable (The Good, The Bad & The Gypsy, Like A Cat) et autres intermèdes désarmants de candeur régressive (Peapod The Pocket Squirrel).
Sommet de l’album, Tabby Strut évoque avec ce grain 60s des cuivres et du piano typique du Hollandais le souffle de ces histoires de rédemption dont Hollywood a le secret (on se souvient de Balboa, vibrant hommage à Rocky de l’EP 19/76 dont les 6 titres constituent une parfaite introduction à la patte/palette du bonhomme) [...] mais la pièce de résistance du disque, c’est bien cette série qui va de Little Marcos à la profession de foi A Sensible Man - sur la triste nécessité de se départir de son âme d’enfant pour se faire une place dans la société -, 5 morceaux aux samples acoustiques scintillants et aux beats syncopés d’une redoutable efficacité, la palme au séraphique For Your Lady saupoudré de poussière d’ange et de sortilège folk oublié.
Le chef-d’œuvre absolu de ce début d’année pour tout amateur d’électro et de hip-hop instrumental qui se respecte."


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(Rabbit)




2. Valgeir Sigurðsson - Dissonance


"Délaissant ici les secousses digitales plus avant-gardistes de l’impressionniste et impressionnant Architecture of Loss pour se concentrer sur le travail d’orchestration, Valgeir Sigurðsson découpe les sessions instrumentales de l’ensemble Reykjavik Sinfonia et en réorganise les sections en couches démultipliées, inventant en quelque sorte l’orchestre virtuel pour démontrer que l’on n’a pas forcément besoin d’incursions électroniques marquées pour signer une symphonie saisissante sans verser dans le passéisme au 21e siècle.
Que de chemin parcouru par le producteur islandais entre l’électronica de son Ekvílibríum initial et les 22 minutes de crescendo massif et incandescent du morceau-titre - et pièce maîtresse - ouvrant ce Dissonance, tourbillon de lignes de viole de gambe frottée, frappée, malmenée, brûlée au chalumeau qui sait, dont les harmonies tourmentées et autres drones orageux au second plan pulvérisent tout sur leur passage, à commencer par nos tympans sidérés par tant d’intensité.
Plus aérées mais pas moins habitées, les deux suites qui en prennent la continuation, qu’elles soient éclairées à la bougie par un piano aux interventions disparates et des arpèges piqués de violon et de harpe (No Nights Dark Enough, ou envoyées dans des cieux peu cléments par des trémolos fiévreux et autres cuivres majestueux (1875), explorent avec la même puissance le frisson que peuvent provoquer les dissonances de cordes et de vents dans le contexte de compositions au pouvoir d’évocation de véritables odyssées mentales sans images."


(Rabbit)




3. 7 Arm’d Labyrinth - Multiple Armz


7’Rinth aka le Zen Studentz aura fait mon année 2016 avec son 7 Arm’d Labyrinth en enfilant quelques perles de boom-bap désarticulé sur un collier de LSD, Medecine Cabaret, Amaterasuz Orphan EP, Loopz 4 Basket Cases, des feats à droite à gauche et une patte bien à lui aussi bien à la production qu’au micro ! Et comme on pouvait s’y attendre ce Multiple Armz millésimé 2017 est lui aussi magistral, le cahier des charges est respecté à la lettre : DIY, ultra-lo-fi, drogues en tous genres, ambiances anxiogènes, flows de dingues, boom-bap des bas-fonds et productions trippantes. Le résultat est immense, malsain, magistralement simple, ouvertement bizarre et narcotiquement parfait ! Un monumental château de cartes lo-fi à l’équilibre précaire fait de 12 pistes aux mélodies tour à tour labyrinthiques et flippantes. 7’Rinth et sa clique de malades mentaux avec en tête Menes The PharaohSea/Swordz ou Anubis Dohji vont à l’essentiel et sympathisent avec le malin avec une classe glaciale, oppressante, chargée et radicale. La suite, vite !


(Spoutnik)




4. Zu - Jhator

On connaît les italiens de Zu pour leur freejazz vitaminé, nourri de frappes math et noise rock, la rage côtoyant l’avant-garde, qui en l’espace de 20 ans a su verser du plus compliqué au plus puissant. Les cousins romains de Mats Gustafsson ont eu le temps de croiser du beau monde, d’Eugene Chadbourne (en 2000 et 2001) à Eugène S. Robinson d’Oxbow (pour le très bon The Left Hand Path en 2014), en passant par Dälek (2005) et ont fini par pousser le gain bien à fond pour un Cortar Todo en 2015 maximaliste, doom à souhait !
En se retrouvant sur le très jeune, et pourtant déjà bien fourni label londonien House of Mythology (Hypnopazuzu, Ulver...), Zu nous montre une autre facette de sa personnalité, qu’à l’écoute de tant de profondeur on regrette de ne pas avoir perçu avant. Jhator... deux morceaux d’une intensité sans pareille... l’épique Jhator : A Sky Burial et un art de la montée en frisson à faire frémir Ulver (malheureusement plus prompt à donner du côté du metal poppy, pour ne pas dire ringard, qu’à prolonger ce qu’ils avaient entamé l’année dernière, sur le même label, avec l’énormissime ATGCLVLSSCAP ) et le méditatif The Dawning Moon of the Mind, inspiré par l’Égypte ancienne et le texte du même nom de Susan Brind Morrow, avec lesquels le groupe puise très profond tout le potentiel poétique et cinématique qu’on leur ignorait mais dont on ne saura plus se passer. Allez Zu ! On écoute ça fissa !


(Riton)




5. Mark Lanegan - Gargoyle


"C’est avec une certaine fraîcheur que Mark Lanegan revient sur un Gargoyle qui n’a pas vocation à caresser l’auditeur dans le sens du poil. La paire introductive composée du monument Death’s Head Tattoo et Nocturne le confirme immédiatement. La voix caverneuse de Mark Lanegan et les instrumentations électriques puissantes convoquent un gouffre sensationnel qui n’est pas sans rappeler le Nick Cave de Let Love In.
La suite ne peut être aussi massive sans éprouver les nerfs de l’auditeur. Elle n’en est pas moins mémorable. [...] Malgré une seconde partie plus légère au point qu’elle comporte quelques morceaux moins indispensables et même un véritable échec (Old Swan), Mark Lanegan nous gratifie ici d’un vrai bon cru porté par quelques hymnes absolus qui feront date dans une discographie qui ne l’avait probablement jamais vu aussi bien assumer la gravité de son organe vocal."


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(Elnorton)




6. Úlfur Eldjárn - The Aristókrasía Project


En associant cinématiques classiques avec machines et vocoders, The Aristókrasía Project fait figure de parfait trait d’union entre les compositions d’Úlfur Eldjárn (dont, notamment, la somptueuse B.O Ash) et les inspirations d’Apparat Organ Quartet dont l’Islandais fait partie. Les orchestrations des instruments à cordes permettent à ce concept album, défini par son auteur comme rétro-futuriste, de s’inscrire dans la lignée de sa discographie de manière finalement cohérente et audacieuse.
Entre énergie débordante, avec l’addictif Bon Voyage aux faux airs de Daft Punk, et léthargies prégnantes (Poyekhali !), ce disque ne manque pas de relief, que ce soit dans l’enchaînement des morceaux ou dans leur construction même.



(Spydermonkey)


Nos EPs du mois



1. Marjen - Living Underwater EP


Notre EP du mois n’a d’EP que le nom, parce que d’abord il culmine à peine à cinq minutes et ne comporte qu’un seul titre scindé en quatre minuscules parties. Mais lesquelles ! Cinématique, toute en finesse, sur un downtempo imparable, la musique de Marjen se déroule comme dans un rêve, et notre seul regret est... que cet opus n’aie pas la longueur d’un EP à proprement parler, justement. Une très belle réalisation, qui est disponible chez O-Nei-Ric Tapes mais qui nous laisse un peu sur notre faim : on en veut plus.




(Lloyd_cf)


2. Tadash - Rivals


"Les deux compères Cyrod Iceberg et Malherbe se réunissent pour la troisième fois sous l’alias Tadash. Après un premier EP éponyme en août 2014 et un long-format intitulé Shadow of Dreams et publié le mois suivant, les artistes poursuivent une œuvre complexe qui oscille entre différentes humeurs et centres d’intérêt.
A l’instar des plantes urticantes qui s’invitent sur la pochette de cet EP, les compositions du duo sont fascinantes mais il convient, pour la santé (physique ou psychique, c’est selon) d’éviter tout contact prolongé. Car c’est un aller sans retour vers les méandres de nos névroses intimes qui nous est ici proposé."


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(Elnorton)




3. Almeeva - Unset


"Insaisissable, le Parisien refuse depuis longtemps le surplace. Cela justifie probablement cette tendance à multiplier les projets, mais aussi celle de rompre les habitudes dès lors qu’elles tendent à s’ancrer. [...] Comme toujours, Gregory Hoepffner part de territoires familiers pour nous entraîner vers le précipice et la surprise. A la manière de Burial, la voix masculine mêlant désillusion et mélancolie sans pour autant verser dans le pessimisme de Some Revelation s’installe sur une instru plus aérienne. Décidément plus ténébreux au cœur de cet EP de 23 minutes, Almeeva propose ainsi une électronica plus dense sur Thames et une ambient dronesque aux effets cristallins sur Arches."


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(Elnorton)


4. Akira Kosemura - Someday


"A mesure que le Tokyoïte intègre des variations dans son jeu au piano, qu’il s’agisse du débit ou de la densité des notes, l’humeur de l’auditeur s’en retrouve immédiatement modifiée. Le panel d’émotions procurées est extrêmement large et va de la tristesse mélancolique à une force contenue en passant par un sentiment de puissante désolation. Sur l’ensemble de cet EP, Akira Kosemura tisse une toile mélancolique et cristalline dont le caractère spontané vient prouver, plus que jamais, la mesure de son précieux talent."


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(Elnorton)


Nos beat tapes du mois



La parole à Spoutnik, seul dans l’équipe à avoir écouté des beat tapes ce mois-ci et qui nous en ramène pas moins de 5 dans son escarcelle pour les jours de disette :

Après son double katana A Little Samourai Soul Vol.1 et 2, le Mancunien Matt Kuartz a laissé tomber son prénom mais pas son style délicatement nippon pour un Shurikens qui allie beats et gimmicks urbains aux estampes ambiantes pleines de rêverie et de détachement.




Toujours dans le trip pour chiller pépère, L a g o o n signé par le Hongrois Mujo情, parfait pour se gaver de nappes de piano, de cuivres et d’ambiances supra-cool comme c’est même pas possible.




Maintenant direction l’Allemagne avec le formidable first date de wun two et son boom-bap moderne, son smooth soul hybride et ses transpirations classieusement alambiquées, cool, romantiques et parfaites pour emballer dans le noir.




La suite du voyage nous amène aux States avec l’immense Jeremiah Jae et la suite du non moins immense Smoke Ride Chill  ! Pt. 2 Smoke Ride Trill (c’est son nom) va encore plus loin dans les constructions lorgnant vers la trap et son abstraction onirique. Les expérimentations chéries par le Néo-Californien sont là et le rendu qui peut paraître confus est juste du miel pour qui sait en apprécier la saveur !




Pour finir, place à la pièce du boucher, le Ricain CALSUTMORAN, Time Wave Zero et cette trap pachydermique et malsaine en direct du dance-floor du club le plus crade de Pandémonium ! Un coup à décorner Belzébuth !




Le choix des rédacteurs



- Elnorton :

1. Raoul Vignal - The Silver Veil
2. Miwon - Jigsawtooth
3. Woods - Love Is Love
4. Timber Timbre - Sincerely, Future Pollution
5. Mark Lanegan - Gargoyle

- Lloyd_cf  :

1. Black Angels - Death Song
2. Crookram - Butterflies
3. 7 Arm’d Labyrinth - Multiple Armz
4. Father John Misty - Pure Comedy
5. Mark Lanegan - Gargoyle

- Rabbit  :

1. Crookram - Butterflies
2. Valgeir Sigurðsson - Dissonance
3. Zu - Jhator
4. Gas - Narkopop
5. Allister Sinclair - Microsoft Error Picture Show

- Riton :

1. Crookram - Butterflies
2. Zu - Jhator
3. Chantal Acda - Bounce Back
4. Valgeir Sigurðsson - Dissonance
5. Colin Stetson - All This I Do For Glory

- Spoutnik :

1. 7 Arm’d Labyrinth - Multiple Armz
2. lojii & Swarvy - Due Rent
3. Crookram - Butterflies
4. Tha God Fahim - Iron Monkey
5. Sixo - The Odds of Free Will


Rendez-vous dans un mois pour la sélection du mois de mai avec sûrement dans l’intervalle deux ou trois volumes de notre compilation Twin Peaks à paraître ici.