Amaury Cambuzat : tenir le plus longtemps possible.
Entretien au long cours avec Amaury Cambuzat, seul membre originel d’Ulan Bator depuis les débuts du groupe en 1993 et aujourd’hui patron d’Acid Cobra, label cosmopolite aux sorties bigarrées et parfaites. Où il est question de son parcours on ne peut plus riche et d’une certaine vision de la musique qui ne peut s’envisager qu’au travers des rencontres et collaborations, pourvu qu’elles soient belles et nombreuses.
En 1995, Ulan Bator, alors trio composé d’Amaury Cambuzat, Olivier Manchion et Franck Lantignac, crache son premier opus éponyme qui ne dépareille pas parmi les Bästard, Hint ou encore Prohibition et autres fers de lance de la scène noise française de ces années-là. Un coup de poing inaugural qui marque le début d’un parcours musical qui n’a vraiment rien d’un long fleuve tranquille. S’ensuivront six autres disques jusqu’à Rodeo Massacre en 2005 qui verront le groupe - au line-up mouvant dans lequel ne subsiste tout du long qu’Amaury Cambuzat - abandonner progressivement la noise incisive de ses débuts pour un post-rock assagi et collaborer avec des artistes comme Michael Gira (production d’ Ego:Echo en 2000) ou Robin Guthrie (au mixage de Nouvel Air en 2003).
Et puis, exceptée une belle compilation en 2007 revenant sur les débuts du groupe, Ulaan Baatar, plus de nouvelles. Amaury Cambuzat ne reste pas inactif pour autant et on le croise en particulier chez les Art-Errorists de Faust canal Jean-Hervé Péron où il retrouve d’ailleurs un temps son complice Olivier Manchion.
Et un peu contre toute attente, alors que l’on pensait l’aventure Ulan Bator définitivement terminée, il revient en 2009 aux commandes de son propre label, Acid Cobra, dont la première sortie n’est autre qu’un EP du groupe sus-cité dont on comprend alors qu’il n’était qu’en sommeil provisoire. Un label qui enchaîne depuis, et avec une belle frénésie, les sorties à la qualité constante, du post-punk élégant de The Marigold aux fulgurances incisives et voyageuses de The Somnambulist en passant par la noise originale de Sexy Rexy.
Largement de quoi aiguiser la curiosité. Conversation avec un artiste qui sait ce qu’il veut et qui se bat avec un bel acharnement. Ne serait-ce pas là la définition du mot activiste ?
Amaury Cambuzat et Acid Cobra
Indie Rock Mag : En exergue de ton site, tu expliques qu’après des années d’espoir et de désillusion, tu te lances dans l’aventure de la gestion d’un label. Peux-tu nous en dire plus sur ces espoirs et désillusions ? Et maintenant qu’Acid Cobra existe depuis deux ans, avec une dizaine de disques à son actif (sans compter les rééditions et la distribution), la balance penche-t-elle plus du côté espoir ou désillusion ?
Amaury Cambuzat : J’ai passé quinze années de ma vie avec la conviction qu’Ulan Bator était un groupe ayant sa place dans le panorama musical français et international. J’y croyais dur comme fer ! Le problème, c’est que nous avons partagé cette conviction en petit comité. Je dirais même au départ, seuls, Olivier (bassiste et co-fondateur du groupe, mon bras gauche de 1993 à 2007 avec un break de cinq ans au milieu) et moi.
Nous avons eu des contrats discographiques avec divers labels français, et aussi étrangers, mais qui n’ont jamais vraiment su comment développer le groupe.
J’ai souvent eu la sensation que nos cerveaux et nos ambitions avaient toujours un train d’avance. Je me suis senti freiné pendant toutes ces années jusqu’au jour où, en 2009, je me suis retrouvé seul à bord du navire (Ulan Bator) et où j’ai décidé de prendre totalement les choses en main. Ne m’en prendre qu’à moi-même si les choses allaient plus mal ou mieux. J’ai donc créé mon propre label, Acid Cobra, avec Ulan Bator comme locomotive et je me bats depuis deux ans pour développer non seulement ma musique mais aussi une certaine musique à laquelle je crois depuis si longtemps.
Quels sont les principaux intérêts et inconvénients de monter son propre label ?
Tu gères tout toi-même. C’est lourd mais c’est aussi une grande liberté de pouvoir défendre la musique que tu aimes et aussi d’autres groupes auxquels tu crois.
Les inconvénients sont nombreux. Tu te retrouves avec une double casquette. Musicien et businessman car tu ne peux pas nier l’aspect économique de la chose. En ce qui me concerne, j’ai du mal avec l’aspect économique vu que je suis un passionné de musique. J’essaie de gérer au mieux mais c’est tendu. L’industrie du disque étant en crise, cela ne simplifie pas les choses. En fait je comprends mieux pourquoi j’étais déçu par nos précédents labels. C’est un travail illimité, coûteux en temps mais aussi en argent. C’est extrêmement difficile et délicat.
Que penses-tu de l’état de l’industrie musicale ? Du téléchargement qu’il soit légal ou illégal et de la prédominance des supports numériques ? Du retour en force du vinyle ? On ne trouve d’ailleurs que des CD ou du numérique sur Acid Cobra.
C’est la crise mais en même temps il y a aujourd’hui tellement d’outils commodes pour communiquer, promouvoir, enregistrer soi-même... Je ne crois pas que le téléchargement illégal change réellement les ventes de mon label. La vente sur internet, en revanche, a changé les réseaux de distribution, le mode d’achat des auditeurs. La vraie différence est qu’autrefois tu prenais le risque d’acheter un disque, même pour sa pochette et tu faisais l’effort d’écouter, de t’imprégner de la musique que tu venais d’acheter. Aujourd’hui, tout est devenu plus rapide. Nous ne prenons plus le temps d’« aimer » un disque. Il faut que ce soit immédiat. C’est pour cela que beaucoup vont pirater un disque et ne vont peut-être même jamais l’écouter ! Pour moi ce sont des auditeurs qui, de toute manière, n’auraient pas acheté ce disque.
Mon optimisme me fait penser que, si tu télécharges un album illégalement et que tu le trouves bon, tu vas vouloir l’acheter physiquement par la suite. Il y a pas si longtemps, nous faisions des cassettes pirates. Aujourd’hui ça se passe sur internet.
En ce qui concerne les supports vendus sur Acid Cobra, c’est principalement pour des raisons économiques que je n’ai pressé que du CD pour l’instant. J’espère développer quelques productions vinyles mais ça coûte cher. J’ai pour projet de sortir le dernier Ulan Bator, Tohu-Bohu, en vinyle au mois de mars mais en coproduction avec le label français ATRDR.
Affiliation récente à CD1D. C’est peut-être un peu tôt encore pour avoir un vrai retour, mais globalement, en es-tu satisfait ? Comment cette affiliation s’est-elle réalisée ? Ses avantages ?
CD1D est une très bonne chose mais je pense qu’il est trop tôt pour pouvoir tirer un bilan que ce soit pour moi ou pour leur activité qui est en pleine évolution. Les disques du label ne sont en vente que depuis trois mois sur leur site. Attendons de voir. En tous cas, ce qui me plaît, c’est que c’est une plateforme interactive qui permet de créer des liens avec des émissions de radio indépendantes, des fanzines et donc avec des passionnés du secteur.
Acid Cobra, des groupes majoritairement italiens sur un label situé à Londres tenu par un Français : comment gères-tu tout ça ? Y a-t-il d’autres personnes impliquées dans le label en plus de toi ? Des salariés ?
Cela représente énormément de travail. Je suis seul à gérer tout ça. C’est lourd mais tellement excitant pour l’instant. Je suis un citoyen européen convaincu. Depuis toujours. J’aime voyager, apprendre d’autres langues, d’autres cultures...
Je n’ai pas les moyens de salarier qui que ce soit pour le moment. Je n’ai encore rien gagné avec le label. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai fait qu’investir avec prudence et travailler au développement. Je ne fais pas ça pour l’argent même si, bien évidemment, j’espère pouvoir être récompensé économiquement à moyen terme pour mon travail. Je souhaite tenir le plus longtemps possible. Je crois qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Je me suis fixé cinq ans avant de juger mon entreprise.
Tu as vécu longtemps en Italie, est-ce seulement ainsi que tu as connu les groupes signés sur ton label ou y a-t-il eu connexion musicale étant donné que vous évoluez tous plus ou moins dans le même style, la noise protéiforme, et qu’il semble y avoir beaucoup de collaborations entre musiciens au sein d’Acid Cobra (d’ailleurs, les collaborations semblent avoir une grande importance dans ton parcours musical) ? Bref, comment as-tu connu tous ces groupes qui font partie du catalogue d’Acid Cobra ? D’autres disques des mêmes groupes prévus pour bientôt ? Les prochaines sorties ?
Oui, c’est la vie, les hasards de la vie. J’ai passé beaucoup de temps en Italie pour le travail, pour Ulan Bator. Quand tu bouges, tu t’aperçois que les gens ont souvent des stéréotypes datés concernant les nations qui les entourent. Je trouve la scène musicale indépendante italienne, le public italien, beaucoup plus actifs que les mêmes en France. C’est aussi beaucoup plus facile de jouer en Italie. Je me souviens de notre première tournée avec Ulan Bator dans ce pays en 1996 : nous sommes revenus stupéfaits. En France, et malgré le soutien de journaux comme les Inrockuptibles, il nous était difficile de jouer devant un public, pas évident non plus de trouver des concerts et des cachets. En Italie, et sans aucun album distribué là-bas à l’époque, nous nous sommes retrouvés à jouer devant 200 personnes tous les soirs ; nous vendions beaucoup de disques après nos concerts, nous étions logés et nous avions un cachet décent. En plus, nous rencontrions de véritables érudits en musique, que ce soit dans notre public ou au sein des groupes qui ouvraient nos concerts. Ça a créé des liens. Je dois avouer que je trouvais Paris de moins en moins excitant donc je n’ai pas hésité à me déplacer petit à petit de l’autre côté des Alpes.
A partir de cette expérience, j’ai voulu aider des groupes italiens qui avaient une originalité majeure par rapport à ce que l’on pouvait entendre en France. Je parle bien entendu du genre « noise-post-rock » dont tu parles.
Je vais d’ailleurs sortir prochainement (avril 2011) un groupe romain avec lequel j’avais déjà travaillé précédemment, TV Lumière. Groupe très influencé par les Swans. Je m’occupe en ce moment de la production artistique mais aussi du mixage de leur troisième album.
Une autre toute prochaine sortie (mai 2011) sera un double DVD du groupe Faust, Where Roads Cross. Il s’agit d’un live enregistré lors du festival lyonnais Nuits Sonores 2006 dans lequel je joue aussi et d’un documentaire filmé par Julien Perrin intitulé Ist Faust Schoen ?
Ce qui frappe, c’est l’extrême cohérence du catalogue d’Acid Cobra, pourtant entre la noise fureteuse et originale de Sexy Rexy, la cold wave élégante de The Marigold, l’indie-rock furibard de The Jains, le rock habité aux senteurs d’Orient de The Somnambulist et celui aux digressions noise du nouvel Ulan Bator, sans oublier le groove hors-norme de Dilatazione, on trouve peut-être peu de points communs si ce n’est la très grande qualité de l’ensemble. Que faut-il faire pour être signé sur Acid Cobra ? As-tu d’autres groupes comme ceux-ci sous le coude ?
Merci. La cohérence et l’éclectisme, ça me plaît beaucoup comme idée. Je veux que l’appartenance au label aide chaque groupe s’y trouvant.
Je ne vais pas signer beaucoup de groupes en 2011. Je vais plutôt me concentrer sur les signatures, les productions existantes.
J’ai tout de même pour projet de sortir le double DVD Faust, le nouvel album des TV Lumière, un DVD live d’Ulan Bator et je vais peut-être signer un groupe avant-gardiste russe de la steppe. Dans ce cas, ce sont eux qui m’ont contacté au travers du site web d’Acid Cobra, j’ai écouté et j’ai littéralement flashé !
Tu prêtes tes initiales à ton label, mais on pourrait également y voir une référence à Amphetamine Reptile. Pure coïncidence ? Y a-t-il des labels dont tu te sens proche ?
Tu pourrais citer également Trance Syndicate. Ce n’est qu’une pure coïncidence. J’ai moi aussi réalisé ça a posteriori.
En fait je dois être un peu mégalomane car mon minuscule studio s’appelle Analphabet City. Encore mes initiales... « A.C. »
Si je dois citer des labels qui m’ont fait rêver plus jeune je pense alors à Mute Records, Creation, Blast First, Touch & Go...
Tu gères un label, tu viens de sortir un disque instrumental sous ton propre nom, The Sorcerer, puis le nouveau disque d’Ulan Bator, tout en jouant également dans Chaos Physique sans oublier la production de certaines sorties d’Acid Cobra : comment trouves-tu le temps ? En gros, ça ressemble à quoi, une journée d’Amaury Cambuzat ? Et as-tu d’autres projets sous le coude, que ce soit pour Acid Cobra ou pour toi ?
En 2008 je me suis complètement arrêté durant quasi un an. Une grosse fatigue ! J’avais travaillé comme un fou pendant 15 ans pour Ulan Bator, avec Faust aussi...
Et puis, début 2009, j’en pouvais plus de ne rien faire. Je suis retourné au goulag !
En fait, je suis un hyperactif. Je ne peux pas m’arrêter. Ça me déprime de ne rien faire, de ne rien avoir "dans la marmite".
Plus qu’un stakhanoviste j’ai la tête remplie d’idées, je veux toutes les réaliser... c’est le bordel ! Alors je me lève tôt et j’essaie de ne pas perdre trop de temps car, contrairement aux apparences, il n’y a pas que le travail dans ma vie.
Amaury Cambuzat, Ulan Bator et autres projets
Le nouvel Ulan Bator a pour nom Tohu-Bohu et la pochette est tirée d’une partie du tableau End Of Days de Norbert H. Kox, les thèmes développés ne sont pas non plus des plus guillerets, on trouve dans les paroles même une certaine forme de désabusement, voire de colère. Ton autre groupe se prénomme d’ailleurs Chaos Physique. Quelles sont tes muses ?
La vie et l’espoir que les choses changent en bien. Je suis un idéaliste et rêve d’un monde meilleur. Mes textes parlent d’un déclin de notre société occidentale mais aussi de tout ce qui la rend aveugle.
Plus qu’en colère je suis plutôt un cynique. J’aime provoquer, rire de sujets délicats, j’adore l’auto-dérision et le politiquement incorrect.
Le line-up s’est-il stabilisé ? As-tu encore des contacts avec les membres originaux d’Ulan Bator ?
Avec Franck (ex-batteur) oui, il continue à faire de la musique et vient de rentrer en piste dans un groupe post-rock bordelais très intéressant.
Olivier lui, s’est concentré sur sa famille et s’est un peu éloigné du milieu musical mais nous ne sommes pas fâchés pour autant.
Sur les deux premiers albums d’Ulan Bator, les rares paroles étaient en anglais et à partir de Végétale, le Français prédomine. D’où est venu ce changement ?
Du besoin d’être sincère, de m’exposer avec mes propres mots. Je souffrais énormément à nos débuts de ne rien dire avec ma voix. Je pense être devenu ce que je suis grâce à ce passage à l’acte. S’exposer, c’est fondamental pour moi.
La musique d’Ulan Bator a elle-même beaucoup évolué, depuis ses débuts noise jusqu’aux errances assagies de Rodéo Massacre. Aujourd’hui, Tohu-Bohu, dans son alternance de titres enlevés et plus contemplatifs, représente un peu la synthèse de cette évolution. Penses-tu que la musique d’Ulan Bator peut encore évoluer ou bien ce disque est-il une forme d’aboutissement pour toi ? Es-tu content de Tohu-Bohu ?
Oui je l’espère ! Le problème, c’est le contexte dans lequel sort un album comme Tohu-Bohu aujourd’hui. Je n’ai jamais été autant en phase avec mon époque, avec l’actualité internationale mais, bizarrement, la profondeur des textes n’intéresse plus grand monde. Je comprends que les gens en général préfèrent ne pas trop penser et s’abrutir mais quand même... Je trouve bien grave aussi que des hommes politiques et intellectuels contribuent à cette « dégradation intellectuelle ». Lisez Voyage Au Bout De La Nuit de Céline !
Et plus généralement, si tu t’autorises à regarder un peu dans le rétroviseur, quels sont les disques d’Ulan Bator dont tu es le plus fier ? Et celui dans lequel, peut-être, tu te reconnais le moins aujourd’hui ?
Je suis « fier » de pouvoir réaliser mes « petits rêves ». Mes albums en font partie. Il y a pour moi un sens dans tout ce que j’ai fait musicalement jusqu’à aujourd’hui. Une véritable évolution personnelle. À dire vrai, j’ai du mal à réécouter notre premier album. Nous nous cachions derrière une image noise extrême mais, à la fin, nous n’avions pas grand chose à dire... Textes en pseudo anglais, espéranto, pas clairs... c’est ce que je reproche aujourd’hui à beaucoup de groupes qui affirment avoir choisi l’anglais pour leurs textes alors qu’en fait c’est souvent par manque de courage qu’ils se refusent à communiquer dans leur propre langue. Je préfère alors écouter un album instrumental.
Le plus fier donc ? Ego:Echo. Complètement atypique dans le panorama « rock français ». Le moins fier ? Notre premier album avec ma voix camouflée derrière des distorsions par peur à l’époque d’être compris, sûrement.
C’est vrai que Tohu-Bohu sonne un peu comme un retour aux sources après le côté très assagi et écrit des albums précédents. Il est plus instinctif. Un apport de l’enregistrement de The Sorcerer ou de ton implication dans Chaos Physique ? Comment s’est passé son écriture ? Des idées déjà bien arrêtées avant d’entrer en studio ou s’est-il justement précisé au cours de l’enregistrement ? La musique d’Ulan Bator s’écrit-elle à quatre ou es-tu seul maître à bord ?
Comme à nos débuts, musicalement nous avons travaillé essentiellement à quatre en studio. Tous les morceaux de l’album sont nés autour d’improvisations sur des thèmes apportés par chacun d’entre nous. Nous avons enregistré les bases instrumentales en analogique (sur bandes) en cinq jours. Par la suite, j’ai écrit les textes que j’ai enregistrés un an après la musique. J’ai essayé de garder ce côté instinctif, urgent, dans mes textes également. Nous n’avons pas fait de correction et très peu d’overdubs. Le côté "sauvage" vient certainement aussi du fait d’avoir James Johnston (Gallon Drunk, Lydia Lunch) dans le groupe... C’est un travail assez proche de celui de Chaos Physique mais très différent de mon album solo, ce dernier étant très inspiré des images de F.W. Murnau. Un duo virtuel avec Murnau plus qu’un disque solo.
The Sorcerer, BO imaginaire du Tabù de Murnau (dont tu avais déjà d’ailleurs illustré musicalement le Nosferatu avec Faust) : est-ce une expérience que tu vas poursuivre ? D’autres films que tu aimerais illustrer ?
J’aimerais bien mais j’ai encore pas mal de travail à faire autour de Tabù. Je suis en train de chercher d’autres lieux où présenter mon ciné-concert. Je vais essayer de me produire en France cette année puis je travaillerai sur un autre film à partir de 2012. J’aimerais bien m’attaquer à Metropolis de Fritz Lang par exemple...
Comment en vient-on à jouer avec Faust ? Pourquoi les as-tu quittés ? Es-tu encore en contact avec Jean-Hervé Péron ? As-tu suivi « l’autre » Faust, celui de Hans Joachim Irmler ?
Nous avons rencontré les Faust un peu après la sortie de leur album Rien en 1996. C’est le côté français (Ecoute Le Poisson) qui m’a attiré chez Faust, le côté « Péron ». Nous avons alors contacté Jean-Hervé Péron directement et il nous a immédiatement répondu : « Trouvez une date par chez vous et faisons un concert Faust avec Ulan Bator ». Nous avons alors fait le festival Musiques Volantes sous le nom de « Collectif Metz ».
Ensuite, nous avons poursuivi cette expérience sur une dizaine de dates françaises en 1997 avec une formation à huit sur scène (5 Faust + trio Ulan Bator).
Lorsque Jean-Hervé Péron et Zappi Diermaier ont décidé de remonter leur Faust en 2005, ils ont immédiatement pensé à nous recontacter Olivier et moi-même et nous sommes partis en tournée en Angleterre quelques mois plus tard avec une formation à quatre.
Olivier à décidé de quitter le navire peu de temps après cette tournée et moi je suis resté. Nous avons alors sillonné l’Europe à trois (Péron, Diermaier, Cambuzat) pendant quasi deux ans ; nous avons enregistré un album ensemble C’est Compliqué ainsi que plusieurs "live" puis j’ai quitté le groupe en laissant ma place à mon ami James Johnston qui joue également au sein d’Ulan Bator aujourd’hui. Une histoire de famille !
Je suis resté en contact avec Jean-Hervé qui est avant tout un ami : j’ai autant, si ce n’est plus, d’admiration pour l’homme que pour le musicien. J’irai participer au festival Avant-Garde qu’il organise chez lui chaque année pour y jouer The Sorcerer sur le film de Murnau.
Il n’est pas impossible que je participe à nouveau un jour à l’aventure Faust, même s’il n’en est pas question pour le moment.
Après 1997, je n’ai plus eu de contact direct avec Irmler. J’ai choisi le camp Péron avec lequel j’avais tout simplement plus d’affinités. J’ai écouté d’une oreille distraite leur dernier album et je pense que Irmler est très doué pour enregistrer du Faust alors que Jean-Hervé et Zappi, eux, excellent dans la performance live de Faust.
Peux-tu en dire un peu plus sur ta rencontre avec Michael Gira ? D’ailleurs, as-tu écouté le dernier Swans ?
Le déclic s’est fait à l’écoute de Soundtrack For The Blind, magnifique double album. Nous avions, Olivier et moi, l’envie d’avoir ce son. Nous avons alors cherché à contacter dans un premier temps Anton Grithin, mentionné comme ingénieur du son pour ce disque. Nous sommes arrivés à Michael Gira qui nous a fait part de son projet de monter un label (Young God Records) et de sa capacité à produire artistiquement des groupes lui-même.
Nous avons alors tout mis en œuvre pour nous retrouver avec Michael en studio. La Virgin en Italie a financé une partie de l’album puis Michael a ensuite décidé de le sortir également sur son propre label. Ce fut la première sortie originale du label Young God Records !
Je n’ai toujours pas écouté le dernier Swans. Je vais l’acheter bien évidement. Je ne suis pas pressé car je n’ai plus cette frénésie qui consiste à écouter les albums avant tout le monde...
As-tu des influences musicales ? Qu’est-ce qui t’a marqué cette année en musique ?
J’avoue être très concentré sur mon label. J’écoute beaucoup de choses méconnues du grand public. Mes goûts actuels sont plutôt orientés vers des musiques ethniques. Je vais certainement sortir le groupe venu de Sibérie cette année sur mon label... une sorte de psyché-transe avec des instruments traditionnels... à suivre.
J’ai envie de retourner à des choses « pures », moins produites. Aujourd’hui tous le monde est capable d’enregistrer un disque. Ce qui me manque souvent c’est le contenu, le message, le "pourquoi".
J’achète encore des albums mais j’y trouve rarement une authenticité qui me séduise entièrement. J’en ai assez du « musicalement correct ». Je préfère alors me tourner vers d’autres cultures, d’autres musiques moins évidentes et qui demandent plusieurs écoutes. Je n’aime pas les choses immédiates, elle sont bien souvent périssables...
Va-t-on te voir par ici, étant donné qu’Ulan Bator tourne essentiellement en Italie et en Espagne ?
Je considère la musique comme un métier. Quand il s’agit de « nous vendre » pour un concert, je raisonne en termes économiques. Nous jouons là où nous pouvons obtenir un cachet. Si les clubs français sont prêts à investir sur un de nos spectacles, nous sommes alors toujours disposés à venir jouer en France. Nous n’avons pas les moyens de nous déplacer pour la gloire. C’est bien ce qui est en train de ruiner le marché musical aujourd’hui. Les clubs ne veulent pas prendre de risque : ils préfèrent souvent faire jouer un groupe qui ne coûte rien plutôt que miser des euros sur un autre qui présenterait un risque minimum.
Que peut-on te souhaiter pour 2011 ? Et pour l’avenir ?
Je voudrais NOUS souhaiter, à tous ceux qui aiment la musique et qui essayent d’en faire leur métier, que l’intérêt général reprenne le dessus.
Que le public soutienne plus les artistes qu’il écoute en achetant leurs disques. C’est important. Télécharger c’est bien pour découvrir mais ensuite il faut soutenir en allant voir les groupes se produire, en achetant quelques disques... Le marché du disque est en train de couler à cause de ce manque d’empathie envers les artistes indépendants. Il faut nous soutenir plus que jamais sinon nous risquons de retourner au temps des yéyés. Quelle tristesse !
C’est comme pour l’agroalimentaire, tu peux boycotter Nestlé mais tu ne peux pas ignorer ni te foutre des petits producteurs qui vivent de leurs récoltes.
Un grand merci à Amaury Cambuzat pour sa disponibilité et pour avoir trouvé le temps de répondre à ces questions en dépit d’un emploi du temps que l’on sait chargé.
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