Le streaming du jour #203 : David Lynch - ’Crazy Clown Time’
Passé depuis longtemps déjà dans le vocabulaire courant du chroniqueur lambda, la pertinence du qualificatif "lynchien" n’est plus à démontrer lorsqu’il s’agit d’évoquer ces atmosphères interlopes où les plus étranges fantasmagories prennent corps, ces zones d’ombre où l’inconscient dévoile ses fêlures, ces fondus au noir trop appuyés pour ne pas cacher leur lot de secrets et de mystères, ces moments de flottement où l’uniformité des suburbs laisse entrevoir le véritable visage de l’Amérique profonde, suintant la psychose et la perversité.
Un qualificatif que l’on espérait bien pouvoir accoler à ce premier véritable album de David Lynch malgré un premier single Good Day Today certes déstabilisant mais pas dans le sens où on l’attendait de la part du cinéaste, avec sa house rêveuse et un peu datée qui semble recycler les synthés mélancoliques de Twin Peaks.
Heureusement, il nous en avait dévoilé depuis par le biais d’un titre éponyme névrotique à souhait une autre facette nettement plus conforme à son univers, donc tout sauf conforme à quoi que ce soit d’autre, et à moins d’être totalement allergique aux vocodeur que l’auteur de Blue Velvet emploie à toutes les sauces du chuchotement langoureux (Noah’s Ark) au delirium tremens (Football Game), difficile de ne pas se trouver quelques affinité avec ce Crazy Clown Time aux ambiances résolument versatiles.
Car en dehors de quelques incursions électro plus binaires telles que Stone’s Gone Up, c’est bien cette veine aux confins d’un blues électrique aux effets psychotropes et d’un trip-hop sous prozac qui domine ici, de l’addictif Pinky’s Dream où Karen O des Yeah Yeah Yeahs fait merveille en héroïne de polar des années 50 aux Movin’ On et She Rise Up qui viennent clore le disque sur une note plus éthérée dans l’esprit des BO oniriques et feutrées de son compère de toujours Angelo Badalamenti, en passant par l’hypnotique Strange And Unproductive Thinking dont le contraste entre les accords organiques de la guitare slide et la voix mécanisée de Lynch crée un véritable climat d’irréalité. Un talent que l’Américain aura donc su transposer d’un médium à l’autre, au risque de ne parler qu’aux admirateurs de son cinéma en laissant les auditeurs plus pragmatiques sur le carreau mais qu’importe, puisque l’on fait partie de la première catégorie.
A écouter chez NPR jusqu’à sa sortie mardi.
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