David Bowie - ★ (Blackstar)
Pour ne pas encombrer l’actualité éditoriale du webzine, la chronique de Blackstar, rédigée hier soir, ne devait être publiée qu’au cours de la semaine. Le décès de son auteur, le passionnant David Bowie, a forcément bouleversé cette organisation.
Il aurait pu être tentant de modifier cette critique mais, finalement, quelle plus belle façon de rendre hommage à cet immense artiste qu’en évoquant son dernier album sans la complaisance de l’hommage funèbre ?
Garantis sans retouche, les quelques mots qui suivent contiennent l’imperfection de ceux qui ignoraient la gravité de l’état de santé du Britannique, conférant à un titre tel que I Can’t Give Everything Away une autre dimension. En ce sens, ces mots méritent d’être considérés avec distance, notamment les interrogations concernant le timing de la sortie de Blackstar ou la conclusion qui ne manque pas de contenir une forme d’ironie noire. RIP Mister Bowie.
1. Blackstar
2. Tis a Pity She Was a Whore
3. Lazarus
4. Sue (Or in a Season of Crime)
5. Girl Loves Me
6. Dollar Days
7. I Can’t Give Everything Away
Que dire de plus concernant un disque qui, quelques jours après sa sortie, a déjà fait l’objet de tant de chroniques ? Vingt-cinquième album de David Bowie, Blackstar bénéficie d’une couverture médiathèque rare et, de fait, de nombreux fans du Thin White Duke ont déjà partagé leur commentaire.
En ce sens, le regard presque vierge de celui qui ne connaît que quelques éléments de la discographie du Britannique ne va rien révolutionner mais il permettra de juger cet album sur ce qu’il est intrinsèquement, au-delà de toute comparaison avec ses efforts précédents.
Pour Blackstar, le mythe a poussé l’égocentrisme à son paroxysme en faisant coïncider la date de sortie du disque et celle de son soixante-neuvième anniversaire. Une idée plutôt riche sur le plan commercial, puisqu’il profite ainsi de la fenêtre vacante séparant les bilans 2015 de la presse spécialisée et la première vague de sorties du cru 2016. A part le nouveau Bowie, il n’y a donc pas de nouveauté à se mettre sous la dent à l’occasion de cette première quinzaine annuelle.
Avec sept morceaux répartis sur quarante et une minutes, le natif de Brixton joue pleinement la carte de l’immédiateté, parvenant une nouvelle fois à s’adapter aux contraintes de son époque. Pour autant, David Bowie reste un personnage qui aime se démarquer, surprendre, et jouer avec les contre-pieds. Aussi, sur cet album relativement court, il place d’entrée l’un des morceaux les plus étirés de sa discographie. L’un des plus remarquables, également.
Sur l’entrée en matière Blackstar, voyage hallucinatoire, les cordes, la voix aux accents robotiques et les percussions psychotiques initiales préparent le terrain pour nous accompagner vers le chaos prévu, sur fond de rite initiatique.
Sans transition ou presque, le saxophone de Donny McCaslin fait éclore une tension dont le mariage avec une batterie dégénérée permet une métamorphose extrêmement efficace sur le morceau suivant, dévoilé il y a un an. Autre titre phare de cet opus, Lazarus calme le jeu. Au regard de la tension présente depuis près d’un quart d’heure, c’est plutôt bien senti.
L’urgence est pourtant toujours au rendez-vous, et l’on penserait presque au Push The Sky Away de Nick Cave tant, dans cette urgence perceptible, la voix de crooner de David Bowie fait preuve d’une élégance folle sur une instrumentation laissant la part belle à des cordes délicates.
Deuxième titre de Blackstar à être revisité, Sue (Or In A Season Of Crime), en s’appuyant sur un orchestre, poursuit les expérimentations post-jazz dressées sur les deux morceaux précédents, en les affublant d’une dimension presque funk qui lui permet de (se) jouer des temps, des contretemps et de l’auditeur.
Si Girl Loves Me marque le retour vers des contrées plus « rock », il n’en reste pas moins que le ton est résolument « free » et, entre break, digressions et voix habitée au rythme saccadé, David Bowie semble toujours à l’aise lorsqu’il s’agit de jouer avec l’étrangeté. Même sur des titres plus mineurs, donc.
La gestion des temps semble savamment étudiée et, après ce relatif répit en terme d’intensité, vient Dollar Days. Le piano introductif est bientôt rejoint par le saxophone, véritable fil conducteur de Blackstar, pour une odyssée apaisée lors de laquelle la voix de Ziggy semble plus aérée que jamais sur cet opus – étant entendu que l’on avait promis de réduire au maximum toute comparaison avec le reste de son œuvre. Si l’instrumentation lorgne clairement du côté du jazz, la construction de ce titre est fidèle à un format pop, au sens que ce terme peut avoir dans le répertoire du Britannique.
Enfin, I Can’t Give Everything Away place le niveau d’urgence à son paroxysme – on ne va pas répéter le fait que le caméléon Bowie a toujours su prendre la parfaite mesure du monde qui l’entoure – et parvient une nouvelle fois à faire cohabiter brillamment les codes inhérents à la pop, au rock et au jazz.
Après tout, c’est peut-être cette maîtrise dans le mariage des codes de ces genres qu’il faudra retenir de ce Blackstar. Les percussions habitées, le saxophone dévergondé et la voix libérée ne sont que les outils permettant de mettre en valeur la qualité des arrangements et des mélodies imaginées par David Bowie, à nouveau auteur d’un grand disque alors qu’on l’aurait davantage imaginé au crépuscule d’une carrière riche, encore enrichie donc d’un nouveau chapitre élégant. En espérant qu’il ne s’agisse pas de son chant du cygne.
Chacun son Bowie au sens propre comme au figuré avec cet hommage qui se veut protéiforme comme le fut l’Anglais, reparti sur sa planète le 10 janvier dernier après avoir changé la face du rock à jamais.
Le 8 Janvier 2017, David Bowie aurait fêté ses 70 ans s’il ne nous avait pas quittés, voici tout juste un an. Une occasion parfaite pour les ayant-droits des derniers enregistrements de l’artiste et l’EP No Plan est désormais accessible en version digitale.
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