GoGo Penguin - Man Made Object
Après Fanfares et un v2.0 célébré dans nos colonnes, le troisième album de GoGo Penguin pourrait être celui qui révélera l’énorme talent du trio aux oreilles d’un public plus large.

1. All Res
2. Unspeakable World
3. Branches Break
4. Weird Cat
5. Quiet Mind
6. Smarra
7. Initiate
8. Gbfisysih
9. Surrender To Mountain
10. Protest

Rares sont en effet les formations capables de marier aussi habilement des influences allant de Shostakovich à Aphex Twin en passant par Amon Tobin. Un gloubi-boulga en perspective ? Pas du tout. Assurément complexes dans leurs constructions, les compositions de GoGo Penguin sont pourtant relativement accessibles.
Le batteur Rob Turner indique ainsi que l’essentiel des morceaux a d’abord pris forme à l’aide de logiciels de séquençage. Ce n’est que dans un deuxième temps, à partir de cette trame préalable, que les musiciens ont repensé ces ensembles et leur ont donné une seconde vie acoustique, à base de piano (Chris Illingworth), basse (Nick Blacka) et batterie (Rob Turner).
Bien que la basse soit plus ouvertement en avant que chez le commun des artistes oeuvrant dans cet univers, la fusion électro-acoustique déclinée par GoGo Penguin est principalement influencée par le jazz, quand bien même ce terme est considéré comme trop imprécis par le batteur mancunien qui s’offre ainsi une jolie punchline : « le jazz est une catégorie dans laquelle on place tout autant Ornette Coleman que Robbie Williams lorsqu’il est accompagné par un big band. Cela manque de précision et ne sert pas à grand chose : c’est un petit peu comme le mot « mammifère » qui désigne aussi bien la baleine que le hamster. Les gens dépensent tellement d’énergie dans des discussions qui n’en finissent pas au sujet de ce qui est jazz ou non. Vous avez forcément tort à partir du moment où vous acceptez de rentrer là-dedans. L’important pour nous est d’écrire de la bonne musique, c’est ce sur quoi nous préférons nous concentrer ».
Un pari réussi, assurément, en jouant sur les contretemps et l’arythmie des percussions, mais également sur la variété des flux de cordes, aussi majestueuses sur un Branches Break downtempo évoquant Bruno Bavota qu’à l’occasion d’un Quiet Mind plus chaloupé ou d’un Weird Cat délibérément inspiré par Burial.
Si les influences des musiciens ne semblent donc pas avoir de limites, il en va de même pour leur imagination. Fertile, celle-ci les a conduits à envelopper d’essuie-tout les cordes de piano afin de reproduire les sonorités d’un synthétiseur ou à recréer tant bien que mal une rythmique tout sauf naturelle établie sur une application de leur téléphone portable, ceci sans occulter l’amas de micros placés autour des instruments afin de ne rien perdre des divers enregistrements.
Impossible enfin de ne pas évoquer Smarra, véritable ovni de ce disque, qui débute par une rythmique évoquant clairement le Morning Bell de Radiohead avant que ne se greffe un piano intervenant en pointillés et que l’ensemble n’évolue vers des sonorités hybrides entre néo-classique et électronique, où l’on songe aussi bien au Esbjörn Svensson Trio qu’à Nils Frahm, Amon Tobin ou même au Radiohead de, cette fois, Ok Computer.
Un album auquel il pourrait être tentant de comparer Man Made Object aussi bien pour leurs places similaires dans la discographie des formations anglaises (un troisième disque attendu tant le second n’avait été reconnu à sa juste valeur que trop tardivement) que pour leur inventivité et les considérations d’ordre éthique relatives à la substitution potentielle des émotions par les machines, Chris Illingworth indiquant ainsi que « lorsque après avoir perdu un membre, une personne est équipée d’une prothèse, celle-ci finit parfois par être à tel point intégrée au corps que l’hôte en vient à imaginer éprouver des sensations. D’une manière un peu étrange, ce phénomène entre en résonance avec ce que nous faisons ».
De manière artificielle ou non, Man Made Object véhicule en tout cas habilement une large variété de sensations allant du spleen à l’euphorie, contribuant ainsi à faire de GoGo Penguin, aussi bien pour la richesse intrinsèque de ses compositions que pour sa capacité à briser les lignes établies, l’une des formations essentielles de la décennie en cours.

Quelles sont les raisons qui nous font, chaque année, lire et relire les différents tops affolant webzines et presse spécialisée ? Si ces objectifs plus (la volonté de partager de nouveaux disques) ou moins (l’illusion d’être un défricheur) avouables rendent l’exercice de plus en plus raillé, j’y vois essentiellement l’occasion d’ordonner mes découvertes (...)

Il est finalement assez peu fréquent qu’une formation aussi ouvertement jazzy s’invite dans nos colonnes. Il faut dire que le trio britannique GoGo Penguin est doté d’une ambition et d’une ouverture d’esprit quasi infinies.


- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
Black Saturn - Children of the Noise
Napoleon Da Legend & Giallo Point - F.L.A.W.
Frank Rabeyrolles - In Conversations
Shannon Wright - Reservoir of Love
Ol' Burger Beats - 74 : Out of Time (Reimagined)
Tadash - Mutantes
Julien Demoulin - A Trial Of Distances
Grosso Gadgetto & Jon Shuemaker - Emotional Abstraction
Henry Canyons & Fresh Kils - Show And Tell
Dayin - Meditations on Forgetting
![]() |
![]() |
![]() |
- 2024 à la loupe : 24 albums expé/drone/inclassables (+ bonus)
- 2024 à la loupe : 24 albums ambient/électroacoustiques/modern classical (+ bonus)
- 2024 à la loupe : 24 albums electronica/beat music/hip-hop instru (+ bonus)
- 2024 à la loupe : 24 albums hip-hop (+ bonus)
- IRM Podcasts - #24/ l’actu underground de janvier 2025, part 1 (par Rabbit)
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |