Le streaming du jour #1579 : IRM presents - ’IRMxTP Part II - The Lonesome Foghorn Blows (The Secret of Knowing Who Killed You)’

Après 5 épisodes d’une saison 3 plus barrée que jamais qui divise déjà les fans les plus assidus, on espère que ce second volet de notre compilation hommage en 16 parties, mastérisé par l’Autrichien Alexander Vatagin, vous intriguera au moins autant sans s’avérer aussi clivant, en dépit d’une évidente dominante dark ambient raccord avec l’atmosphère délétère des dernières heures de Laura Palmer, ses sombres secrets et l’image de ce corps enveloppé de plastique qui hanta nombre de téléspectateurs de Twin Peaks il y a 27 ans déjà.

Dans la foulée d’un premier volume plus abstrait dédié aux rêveries étranges et autres signes avant-coureurs d’une réalité parallèle qui tourmente d’emblée l’agent Cooper, cette seconde partie entame en effet un arc narratif qui se poursuivra régulièrement au gré de certaines des thématiques clés de la série, des lieux récurrents de la petite bourgade lynchienne aux mystères de la forêt environnante en passant par le Feu de Bob qui consume ses victimes, l’envers aussi fascinant qu’inquiétant de Twin Peaks à la nuit tombée ou bien sûr la Loge Noire et ses visions cauchemardées.

Une funeste ouverture sur la rive d’un lac embrumé et l’Anglais Moss Covered Technology donne le ton. Rideau sur le corps froid de Laura et générique de giallo ou pas loin, l’occasion pour Dr. Geo, pensionnaire de la passionnante écurie messine Chez.Kito.Kat, de payer tribut à la fausse légèreté jazzy de Badalamenti via un thème insidieux aux effluves krautrock. Puis direction la morgue où repose pour un temps le cadavre encore gorgé d’eau de l’héroïne posthume de Twin Peaks, image obsédante que le drone morbide d’Isobel Ccircle, duo transatlantique d’April Larson et Matt Bower aka Wizards Tell Lies, ausculte sur plus de 9 minutes lancinantes et hantées avec la précision chirurgicale et un brin malsaine d’un scalpel rouillé.

Des déités qui veillaient sur la disparue ou en voulaient à son essence (le iesod du Canadien Famine et sa mystique post-kraut nimbée de guitare réverbérée circa 4AD que n’aurait pas reniée le groupe de Julee Cruise dans la série) à la double vie qu’elle menait et dont l’ambivalence damnée irradie du magnétique - bande VHS oblige - crescendo dark ambient de François Dumeaux (aka Druc Drac), suinte des field recordings de purgatoire de l’angoissant et abstrait Your Tongue Down My Throat du Portugais Rui P. Andrade tout en clapotis d’outre-tombe et interférences vacillantes, ou exsude du sommet fataliste et flippant de PureH que l’on vous dévoilait en vidéo ici avec sa confession perverse révélant chez Laura une dualité plus malaisante que jamais, la blonde troublante et troublée aux airs de muse interdimensionnelle a la part belle jusqu’au terme de ces 57 minutes.

Même lorsque Scott Solter et Rohner Segnitz soulignent la dimension paranormale qui sous-tend le drame tout entier et que Tanner Garza pave le chemin d’une enquête au long cours une pierre à la fois, les nappes évanescentes et inquiétantes des premiers et les synthés désespérés du second évoquent irrémédiablement la présence hors écran de celle qui révéla sans le vouloir tout un monde caché dans les interstices de la réalité.

On ne pouvait donc mieux se quitter que sur un hommage au seul vrai confident de la défunte, personnage tragique lui aussi dont l’écoute, la candeur et la pureté de cœur auront su gagner la confiance de Laura au moment où plus personne autour d’elle ne semblait vraiment digne de foi : Harold Smith, ermite forcé et dépositaire du journal intime de la victime, dont la discrétion et l’humilité irriguent les 9’38 d’un final électro-acoustique élégiaque et glitché auquel l’artwork signé par le même Danois øjeRum aka Paw Grabowski associe une très appropriée figure presque sacrée du silence, du secret et d’un destin funeste irrémédiablement tracé.




English version



5 episodes into a third season wackier than ever and splitting the most hardcore fans, we hope that this second installment in our 16-part tribute to Twin Peaks, mastered by Alexander Vatagin from Austria, will puzzle you at least as much without being so divisive, in spite of the obvious dark ambient overtone that’s so much in keeping with the morbid atmosphere of Laura Palmer’s last hours, with her dark secrets, with the image of this body wrapped in plastic which has been haunting viewers for 27 years already.

After a more abstract first volume dedicated to the weird reveries and other omens of that parallel reality that’s tormenting agent Cooper from the start, this second part begins a storyarc which will be followed through on a regular basis, sticking to some of the key themes in the series : recurring locations from Lynch’s burg ; the mysteries of the surrounding woods ; Bob’s fire consuming his victims ; Twin Peaks both fascinating and disquieting other side after nightfall ; and, of course, the Black Lodge and its nightmarish visions.

A fateful overture on the shore of a misty lake : that is how Briton Moss Covered Technology sets up the tone. The curtain falls on Laura’s cold body, and something close to a giallo’s opening credits music is a way for Dr. Geo, resident of the thrilling Metz-based label Chez.Kito.Kat, to pay tribute to Badalamenti’s deceitfully light jazz through an insidious, krautrock-tinted theme. Then it’s off to the morgue, where Twin Peaks posthumous heroine’s water-saturated body is lying for a little while - an obsessive figure which Isobel Ccircle (the transatlantic duet composed of April Larson and Matt Bower a.k.a Wizards Tell Lies) and their morbid drone examine for more than 9 haunted minutes with the cold, slightly unhealthy surgical accuracy of an old rusty scalpel.

Our troubling/troubled blonde, ever the interdimensional muse, occupies the better part of these 57 minutes : be it with the deities who either were watching over the departed or wanted her essence (Canada’s Famine and his post-kraut mystique imbued with 4AD-ish reverb that Julee Cruise’s band in the series wouldn’t have disavowed) ; or through the evocation of the double life she was leading, its doomed ambivalence radiating through François Dumeaux’ VHS magnetic dark ambient crescendo ; oozing from the afterworld water clapping and vacillating interferences of Portuguese Rui P. Andrade’s stressful and abstract field recordings ; and flowing from PureH’s fatalistic and fearful climax The Last Evening, perverted confession uncovering Laura’s duality in the uneasiest way ever :



Even when Scott Solter and Rohner Segnitz underline the paranormal dimension underlying the whole drama, and when Tanner Garza paves the way for a long investigation one stone at a time, the first quoted’s evanescent, worrying clusters and the second’s desperate synths irremediably evoke the offscreen presence of the girl who unwillingly revealed a whole world hidden in the cracks in the fabric of reality. Which is why the only possible way of taking our leave was this homage to the deceased’s only confident, another tragic character whose ear, innocence and purity of heart had found a way to earn Laura’s confidence, at a time when nobody around her seemed trustworthy : Harold Smith the reluctant hermit, the receptacle of the victim’s secret diary, whose discretion and humility irrigate the 9 minutes and 38 seconds of the elegiac and slightly glitchy electro-acoustic finale by Denmark’s øjeRum (a.k.a. Paw Grabowski), who also offered the artwork, a very appropriate, almost sacred figure of silence, secrecy and the inevitability of a doomed fate.

(translation : Norman Bates)